Abdelhak Zerouali, le maître du monodrame

Figure emblématique du théâtre marocain, Abdelhak Zerouali constitue, à lui seul, une école et une référence en la matière. Depuis sa tendre enfance, à Fès,  sa ville natale, le comédien a fait ses premiers pas sur scène en jouant le rôle du prince dans une pièce de théâtre intitulée «Fi Sabil Al Watan» d’Abdelkamel Bennis.

«C’est le théâtre qui est venu me chercher. Je suis venu à ce domaine par pur hasard. Je n’ai jamais étudié le théâtre. Mais, quand j’étais encore enfant, Bennis m’avait choisi en 1961  pour jouer un rôle dans la pièce ‘’Fi Sabil Al Watan’’ qui a eu un franc succès dans la ville », nous confie, Abdelhak Zerouali. Ce dernier a eu en effet une belle expérience dans le théâtre amateur de 1961 jusqu’en 1976. Selon lui, le théâtre amateur était centré dans trois grandes villes, à savoir Marrakech, Casablanca et Fès, sans oublier bien entendu Meknès, Tétouan, Oujda qui connaissaient à l’époque des initiatives importantes.

A Fès, à la fin des années 50 et au début des années 60 jusqu’aux années 70, il y avait des figures  de proue du théâtre marocain et arabe dont  Zaki Alaoui, Mohamed El Kaghat…, confie-t-il.  «Quand j’étais encore enfant, j’ai vu de grandes œuvres théâtrales comme Œdipe, ‘’chkoun Hares lberda’’, ‘’3outayel’’ et  d’autres travaux qui n’ont pas été enregistrés. Cet amour pour le théâtre a continué jusqu’à présent», affirme-t-il. Pour Zerouali, l’écriture est un besoin vital, une passion mais aussi une exigence pour dégager et révéler sa vision du monde et des choses. De la presse alors  à l’écriture dramatique, le comédien compte à  son actif plus de 34 monodrames. Un chiffre record, explique-t-il.  Car, selon lui, ceux qui ont fait le monodrame n’ont pas pu dépasser  les 5 travaux sur le plan mondial. La plupart d’entre eux ont eu un sort parfois tragique.

Zerouali choisit soigneusement les titres de ses pièces de théâtre. Pour lui, le titre est un art indépendant.  «Il faut être talentueux pour choisir les titres. Dans le journal dans lequel je travaillais, mes collègues me demandaient souvent de leur choisir des titres pour leurs articles. J’avais ce don. Mes œuvres de théâtre collectives ou individuelles sont au nombre de plus de 50. Et si je rassemblais tous les titres de mes pièces, je pourrais en faire un texte théâtral », fait-il savoir sur un ton comique.

En 1967, il lut « Majdouline » de Mustafa Lutfi al-Manfaluti  qui lui plaisait et incarnait en quelque sorte sa vie personnelle. «Je l’ai appris par cœur, mot par mot et je l’ai présenté, solo sur scène, aux gens de ma ville à plusieurs occasions. Le public a apprécié ce travail et la pièce  a eu de bons échos. A partir de cette expérience, je me suis lancé dans le monodrame», raconte-t-il.  Pourtant, ce n’est pas évident de mener une histoire, des événements…tout seul sur scène. «Les gens croyaient que je joue seul sur scène, mais, moi, j’ai l’impression que la scène est peuplée et meublée de personnages, d’événements, de temps et d’espaces. Je me sens écrasé à chaque fois par les événements et les états d’âmes que je vivais», précise Zerouali.

Zerouali et bien d’autres acteurs culturels ont œuvré pour la création d’un théâtre professionnel et de qualité basé sur la formation solide. «J’ai été un élément important dans la création de l’ISADAC en 1983, année où j’étais au cabinet du Ministère de la Culture.  On avait travaillé sur ce projet dans le but de faire évoluer et avancer les choses dans le bon sens», a t-il souligné.  Or, la nouvelle génération souffre, affirme-t-il, du complexe de tuer le père. «Il faudrait que cette génération prenne son temps pour créer sa propre expérience et ne pas se laisser tromper par les fausses lumières séduisantes de l’argent. La sincérité, la profondeur, le respect du goût et de l’intelligence des gens sont ainsi les clés de la réussite», a-t-il indiqué.  Et d’ajouter : «dans nos débuts, on avait souffert. Il n’y avait pas de salles, ni de soutien, sans oublier toutes ces guerres menées sans merci pour y arriver». Abdelhak Zerouali a dédié sa vie aux planches et à l’écriture qui poétise la vie et le quotidien.

Mohamed Nait Youssef

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