Albayane ou l’Anti-Machiavel

Ce fut incontestablement un des moments forts de cette fin d’année morose ; une lueur d’espoir dans un environnement avare en signes prometteurs où même la pluie fait des siennes et enfonce encore la texture sombre de l’image…

Et l’anniversaire d’Albayane fut. Ouvrant d’autres horizons avec des promesses de printemps. L’envergure fraternelle, professionnelle et politique prise par la célébration des 45 ans du journal fondé par Si Ali Yata, témoigne de l’estime et de la reconnaissance pour un journal qui est plus qu’un organe de presse ; un lieu de pensée ; un espace d’ancrage pour les principes généreux d’humanisme  et d’éthique de la profession.

Malgré les aléas de la pratique dure dans le quotidien d’un journal engagé sans grands moyens, Al Bayane est une illustration aussi de l’apport de la volonté et de l’abnégation. Et, il faut le dire de la foi; de la croyance en la validité du projet politique qui est son inspirateur.

Cet anniversaire, 45 ans ce n’est pas facile eu égard à ce que notre pays a vécu comme moment difficiles, montre que l’imagination politique est utile à l’exercice du pouvoir dans une perspective de transformation et de réforme; une réponse différenciée à l’éternelle question des moyens limités. Au-delà de l’entreprise de presse, la leçon de l’expérience d’’Al Bayane indique en effet, pour le pays qu’il ne s’agit pas seulement de concevoir l’attente du changement en termes d’accroissement de moyens. Aucun pays au monde ne peut plus s’offrir ce luxe. Il s’agit de plus en plus d’intervenir sur le qualitatif, le relationnel, le communicatif et la valorisation de nouveaux rapports organisationnels. Pour la gauche,  le seul pouvoir politique ne peut mettre d’un seul coup son projet en application, mais elle peut initier celui-ci à partir d’une stratégie graduelle qui met en place de nouveaux jalons d’exercice du pouvoir au sens souvent de l’exercice de l’autorité. Dans le tissu social en particulier.

Le champ de la philosophie a été nourri de grands débats à ce niveau notamment à partir de l’œuvre majeure de Machiavel.

Le Prince avait été imaginé, écrit, non pour changer le monde mais pour  renforcer l’ordre existant. Le machiavélisme n’est rien d’autre qu’un mode d’emploi pour tirer profit de la situation établie. Il n’invente rien, il renforce les pratiques existantes en matière d’exercice du pouvoir. Et au cœur de celles-ci, il y a la dissimulation. L’enseignement fondamental de Machiavel est qu’il n’y a pas de pouvoir possible sans dissimulation.

L’anti-Machiavel de Voltaire part d’un autre principe, celui qui fonde la philosophie des Lumières, celui des intellectuels critiques qui dénoncent le despotisme,”cette forme de pouvoir qui, par des voies secrètes, se fait publiquement obéir”. Le changement dans l’exercice du pouvoir  commence par la mise à nu, le dévoilement  permanent de la dissimulation et de la simulation comme techniques de l’exercice du pouvoir.

Cela ne peut être que l’œuvre des progressistes formés à l’école de l’humanisme. Car pour prôner le changement, il faut croire en l’homme. Toute réforme ne peut aboutir que si l’on croit à la perfectibilité de l’homme. L’anti-Machiavel comme manuel de changement  vise à dissiper l’ignorance, généraliser la transparence et assurer une libre circulation de l’information, un autre attribut du pouvoir.

 La voie empruntée par notre journal contre vents et marées.

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