Aramco, contre vents et marée!

L’introduction en bourse du géant pétrolier saoudien a fait couler beaucoup d’encre la semaine dernière, et en fera sans doute encore beaucoup dans l’avenir. Entre des médias européens très critiques et une presse du Moyen-Orient dithyrambique, les avis sont partagés. Néanmoins les chiffres sont eux incontestablement là, et le projet du prince héritier Mohamed Bin Salmane semble au final bien parti. Même si la roue peut encore tourner…

Mercredi 11 décembre 2019, premier jour de la tant attendue cotation de Saudi Aramco.

Cela fait plus de 2 ans que le sujet est sur la table. Le Prince Mohamed Bin Salmane n’a eu de cesse de s’enorgueillir de ce qui sera la plus grosse introduction en bourse de l’histoire avec une valorisation de 2000 milliards de dollars. Seulement voilà, des semaines, voire des mois avant la première cotation, des voix ont commencé à s’élever pour remettre en cause ce chiffre. D’abord, parce qu’au final Aramco n’a été valorisée qu’à 1700 milliards de dollars, et ensuite parce que même cette dernière valorisation est contestée par des analystes de différentes places financières internationales.

L’échec annoncé a-t-il eu lieu?

Les raisons invoquées sont diverses et variées, mais peuvent être résumées ainsi : «mode de calcul contesté, basé sur les réserves plutôt que sur le cash-flow, instabilité géopolitique sur fond de guerre coûteuse au Yémen et volatilité des cours du pétrole,…». C’est ce qui aurait d’ailleurs dissuadé les Japonais de JXTG par exemple d’investir, alors même qu’ils figurent parmi les plus gros acheteurs de brut auprès d’Aramco. D’après les déclarations des dirigeants à Tokyo, le repoussoir tient en un mot : la transparence. Toutefois selon certains gestionnaires de portefeuille, ce point ne devrait pas susciter d’inquiétudes : «Avec l’automatisation des process, il y aura moins d’espace pour l’intervention humaine et le maquillage des registres. La transparence viendra avec la modernisation. Parfois, la technologie réussit là où la politique a échoué».

L’entrée en Bourse d’Aramco a eu lieu le 5 décembre sur le Tadawul. Le fleuron saoudien a mis sur le marché 1,5% de son capital à 32 riyals par action (8,53 dollars), ce qui devrait rapporter 25,6 milliards d’euros, qui seront gérés par le Public Investment Fund (PIF) en soutien du plan Vision 2030 (cf encadré «La Vision 2030 by MBS»).

Le prix de l’action du géant pétrolier saoudien Aramco a grimpé au deuxième jour de cotation à la Bourse de Riyad, jeudi 12 décembre, portant la valorisation de l’entreprise à près de 2.000 milliards de dollars, montant que le gouvernement cherche activement à atteindre. Dans le détail, à la clôture des échanges à 12h 00 GMT, le prix de l’action d’Aramco s’élevait à 36,80 riyals (9,81 dollars), en hausse de 4,55%, portant la valorisation de l’entreprise à 1.962 milliards de dollars, après de fortes fluctuations dans la journée.

10% d’investisseurs étrangers seulement

Malgré cette performance, beaucoup prédisent que cette hausse ne peut être que de courte durée. C’est ce qu’on peut lire dans une analyse du Capital Economics. Si les actions d’Aramco ont été proposées sur le marché saoudien uniquement aux investisseurs institutionnels, aux citoyens saoudiens, aux résidents étrangers en Arabie saoudite et aux citoyens des pays du Golfe, les fortunes du pays et même auraient été invitées avec insistance et empressement à participer à l’opération. Même les banques saoudiennes ont proposé des crédits pour permettre aux petits investisseurs d’acheter des titres.

Au vu des derniers chiffres, l’opération peut certes être qualifiées de succès et la présence de 10% seulement d’investisseurs étrangers est relativisée même si l’opération avait pour deuxième objectif de placer des actions auprès d’investisseurs étrangers.

Le grand lancement d’Aramco a finalement réduit la voilure.Le calendrier prévoyait à la base une entrée en deux temps : d’abord sur le Tadawul, la Bourse nationale saoudienne, en décembre. Puis, en 2020, Aramco devait faire son entrée sur une place financière internationale. Mais le projet d’entrer sur une place financière internationale est désormais repoussé.

Aujourd’hui, la valorisation est jugée «artificielle» par de nombreux analystes occidentaux, au regard de la gouvernance de l’entreprise et des risques, au point que les analystes de Sanford C. Bernstein & Co conseillent aux actionnaires de vendre au plus vite pour prendre leurs gains.

Les responsables saoudiens restent eux imperturbables, contre vents et marée.

«C’est une étape significative dans l’histoire de la société et un progrès important pour la réalisation de « Vision 2030 », le plan directeur du royaume pour une diversification et une croissance économiques durables», a déclaré le président du Conseil d’administration d’Aramco, Yasir al-Rumayyan.

Soumayya Douieb

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