Ces actrices marocaines qui se sont rasé le crâne pour un rôle

Ce sont des femmes courageuses, talentueuses, mais surtout amoureuses de leur métier : le 7e art. Pour leur passion, elles n’ont pas hésité à se raser les cheveux. Jalila Talemsi, Jihane Kamal, Manal Seddiki ou encore Yousra Tarik se sont aventurées en incarnant des rôles clés dans différents films ayant marqué le cinéma marocain. Retour sur cette expérience à la fois artistique et humaine à travers des témoignages recueillis par Al Bayane.

Jalila Talemsi : un visage féminin glissé dans la peau d’un homme…

Dans le film d’Azlarabe Alaoui, «Androman : de sang et de charbon», sorti en 2012, Jalila Talemsi a incarné avec brio le rôle bouleversant d’«Androman»;  une fille forcée par son père à vivre comme un homme, pour une question d’héritage. Le film et l’actrice ont eu plusieurs consécrations au Maroc et ailleurs. «Sur le plan personnel, je n’avais pas de problèmes en incarnant ce rôle. Au contraire, j’ai vécu cette expérience d’une manière très normale parce que dans le scénario, ce rasage de crâne n’était pas gratuit. Il était justifié et pensé», nous explique l’actrice. Au cours de cette expérience,  je vivais  une vie normale, mais je ne vous cache pas que j’avais un souci, surtout en ce qui concerne le regard des gens. «Plusieurs fois, je couvrais ma tête dans des contextes particuliers qui ne me permettaient pas de sortir avec un crâne rasé. Mais la plupart du temps, je sortais dans cet état. Au début, j’avais un peu peur du regard de la société. Mais quand le film est sorti, les gens ont apprécié le rôle et il n’y avait pas assez de critiques parce que ce rasage de crâne n’était pas gratuit», confie-t-elle. Les cheveux sont une partie importante de la femme, mais aussi de sa beauté et de sa féminité. Et pour s’en débarrasser, cela exige une volonté, un choix. «Au niveau psychique, cette expérience m’a beaucoup aidée. En voyant mon visage dans le miroir et le costume que je portais, cela m’a permis de développer ce personnage». 

Jihane Kamal, l’étoile montante…

Passionnée et discrète, Jihane Kamal trace son chemin doucement mais sûrement dans le domaine du 7e art marocain. Dans le film «Sotto voce» du réalisateur Kamal Kamal, qui n’est autre que son père, Jihane s’est coupé les cheveux. Mieux encore, elle a  incarné avec brio deux rôles difficiles et complexes (la violoncelliste et la sourde-muette) où elle s’est donnée à fond.

«J’ai vécu une expérience difficile dans le film «Sotto voce» parce que je me suis rasée les cheveux et j’ai incarné deux rôles en même temps, à savoir celui de sourde- muette et de la fille du violoncelle. Quand je me suis rasée les cheveux pour jouer le rôle de sourde-muette, j’ai passé un mois dans une école de sourds-muets. Un mois d’étude de 8h à 17h pour connaitre leur mode de vie, leur côté humain, puisqu’ils sont très différents», a-t-elle expliqué. Il fallait découvrir leur monde. «Je me suis sentie une des leurs, ce qui m’a beaucoup aidée dans le rôle. Pour les cheveux, quand Kamal Kamal m’avait donné le scénario, il m’a dit : «tu le lis et tu me dis». En d’autres termes, soit tu acceptes de travailler ou non. Par la suite, j’ai lu le scénario pour incarner ce rôle», poursuit-elle.

«Sur le plan psychologique et humain, c’est difficile de couper les cheveux d’une femme. Alors une fois que j’ai lu le scénario, j’ai trouvé que c’est un rôle qui méritait d’être incarné et que je ne couperais pas les cheveux pour rien parce qu’il y a un message derrière», confie-t-elle.

Manal Seddiki : la passionaria…

Jeune, dynamique et souriante… Manal Seddiki incarne l’humilité et la résistance. L’actrice marocaine  a mené une lutte sans merci contre le cancer. Une vraie leçon de vie. Lundi 21 mars 2016, l’actrice est apparue sur scène sans cheveux pour recevoir le trophée de l’hommage que lui ont rendu les organisateurs du Festival international du cinéma d’Al Hoceima. Les images de l’hommage ont fait sensation.

Non seulement Manal a osé parler de sa maladie et s’afficher en public, mais elle est allée plus loin en écrivant un scénario d’un film braquant les lumières sur les femmes atteintes de cancer. «Mon expérience est un peu différente de celle des autres actrices qui se sont rasées la tête pour incarner des rôles, parce que j’avais auparavant un cancer. J’essaie d’accepter ce fait, surtout en raison de mon état de santé. J’ai ensuite décidé de traduire cette expérience en œuvre d’art, ce qui a débouché sur un court métrage», nous explique Manal Seddiki. «J’étais obligée une autre fois de raser le crâne pour «Les yeux de mon enfant» (le court métrage) qui a vu le jour après une longue expérience difficile et dure sur tous les plans. J’ai joué ce rôle dans le film avec beaucoup d’amour, d’enthousiasme et de douleur aussi parce qu’il a une relation avec mon expérience personnelle, surtout  que c’est moi qui avais écrit le scénario. Je pense à mon avis qu’il faut que le rôle et le travail soient à la hauteur pour se raser les cheveux».

Yousra Tarik : nouveau visage du cinéma marocain…

Issue de la région du Rif, Yousra Tarik est un nouveau visage du cinéma marocain. Au  début, elle a exercé le métier de journaliste avant de se lancer dans le 7e art. Le public marocain l’a découverte dans le film «Adios Carmen» du réalisateur Mohamed Amin Benamraoui où elle a joué le rôle de «Farida».  La jeune actrice continue son aventure cinématographique en incarnant le rôle  de «Touda» dans le long métrage «Les Coups du Destin» de Mohamed Lyounsi où elle s’est rasée les cheveux.

«Quand j’ai lu le scénario, j’étais motivée  pour jouer ce rôle. En tant qu’actrice, j’aime mon travail et je le respecte. Je me suis aventurée par amour au cinéma et pour ce métier que j’ai choisi», fait-elle savoir. «Et si on me disait on te coupera une main qui grandira par la suite, je n’ai pas de problème. Mais j’ai rencontré des difficultés à la suite de cette expérience. J’avais des problèmes au niveau de la peau de la tête au point que mes cheveux avaient du mal à pousser», explique-t-elle.

Pour l’actrice, chaque travail a ses contraintes et son charme.  Pour l’actrice, le regard de l’autre était un peu dur voire critique, surtout dans la rue parce qu’elle n’est pas voilée. Pour l’actrice, «la société marocaine n’est pas encore prête à accepter l’autre dans sa différence». «Ma famille avait du mal à me comprendre et m’accepter telle que je suis», confie-t-elle.

Latefa Ahrrare: de la poétique du corps…

L’actrice et comédienne Latefa Ahrrare trouve, quant à elle, que c’est magnifique d’aller jusqu’au bout dans les rôles, de vivre des transformations sur le plan physique et surtout quand on se rase le crâne. «Je trouve que les actrices qui font cela sont magnifiques parce qu’elles sont passionnées par leurs rôles», affirme-t-elle. Or, ce n’est pas chose aisée de faire pareille chose, puisque le personnage finit avec le personnage et la vie continuera son cours, souligne-t-elle. «Mais ce n’est pas grave parce que ça poussera», conclut-elle.

Mohamed Nait Youssef

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