Des partenaires pour le futur

au Maroc, a profité de la rencontre «Maroc-Lumxembourg: des partenaires pour le futur» pour interpeller les leaders marocains de secteurs bien précis. Compte rendu.

«Pour cette mission économique officielle au Maroc, je suis accompagné de mon épouse et du ministre de l’Economie », explique le Grand-Duc héritier à la plateforme internationale du Grand-Duché de Luxembourg le 28 avril à Casablanca. « Nous nous félicitons de la coopération intense et durable Maroc-Luxembourg dans la promotion économique bilatérale. Et aujourd’hui, près 50 entreprises luxembourgeoises sont associées à cette mission. » Guillaume de Luxembourg dit se réjouir de l’état actuel de l’économie marocaine. « Votre pays a su, grâce à la lucidité de ses dirigeants et aux efforts de sa population, gérer des difficultés comme la sécheresse il y a quelques décennies ou les troubles politiques plus récents. La stabilité politique et sociale du Maroc a engendré une croissance économique et a amené des investissements. L’agriculture, le tourisme et l’exploitation de phosphate forment les trois grands axes de l’économie marocaine. Et les investissements directs étrangers sont conséquents! De plus, de gros travaux ont été menés comme ceux de Tanger Med et de la ligne de TGV Tanger-Kenitra. Et en 2015, la croissance du Maroc sera très forte à nouveau, contrairement à celle de nombreux pays européens. Par ailleurs, le Maroc poursuit ses efforts pour moderniser son industrie et pour attirer plus d’investissements dans les nouvelles technologies et dans les infrastructures. Le développement sectoriel marocain et luxembourgeois sont complémentaires. En 2008, le Maroc a obtenu le statut avancé avec l’Union européenne (ndlr: l’UE couvre plus de 50% des échanges du royaume chérifien). Les relations politiques et économiques entre les deux puissances se sont intensifiées par la suite. Par ailleurs, une forte amitié unit nos deux monarchies et nos deux pays. Tout comme le Maroc représente un pont entre l’Afrique et l’Europe, le Luxembourg permet lui aussi un accès privilégié au marché européen».

Etienne Schneider, Vice Premier ministre, ministre de l’Economie du Grand-Duché du Luxembourg complète ces dires, expliquant le défi majeur de l’économie luxembourgeoise. « Le Grand-Duché a besoin de diversifier son économie. En effet, il existe une grande dépendance dans certains secteurs. Donc, pour y remédier, nous avons développé depuis quelques années des domaines tels que les technologies de l’information et de la communication, les technologies vertes, la logistique, les sciences de la vie, l’automobile et l’aérospatial, notamment. Le Maroc, pour sa part, a investi dans les infrastructures et développé des stratégies sectorielles de grande envergure telles que le Plan Maroc Vert, par exemple. Les technologies de l’information et de la communication et les technologies vertes sont des rêves potentiels de partenariat entre nos deux pays. Et c’est déjà partiellement réalité car avec Centaure Innovation, le Maroc et le Luxembourg travaillent ensemble pour assister et conseiller les investisseurs potentiels (ndlr: Centaure Innovation est une filiale de l’université internationale d’Agadir qui propose un ensemble de services basés sur l’expertise de consultants et de chercheurs internationaux. En 2013, elle a intégré le réseau Tudor International du Centre de recherche public Henri Tudor – établissement luxembourgeois autonome de recherche appliquée qui a pour mission de renforcer durablement la compétitivité économique des entreprises et le tissu social. Plus de 300 ingénieurs en recherche et développement innovant participeraient à cette initiative financièrement soutenue par le ministère des Affaires étrangères du Grand-Duché.). Pour 2015, nous avons deux projets. Nous prévoyons la réalisation d’un démonstrateur technologique pour le secteur de la logistique au Maroc. Il s’agit d’un projet de transfert de technologie. Nous voulons aussi travailler à la gestion numérique sécurisée de données. Par ailleurs, nous sommes fiers de la collaboration déjà fructueuse entre l’OCP et CPPE (Carbon Process and Plant Engineering) dans les technologies vertes. Hier déjà, lors de nos discussions avec le ministre marocain de l’Economie et des Finances et le ministre ElAlamy, nous avons décidé de créer une structure commune avec des objectifs précis et une feuille de route pour un suivi continu de l’évolution des relations commerciales entre nos deux pays. Le Maroc est un partenaire majeur de l’Union européenne. La conclusion de l’accord de libre échange, comme dit précédemment, consolidera encore notre partenariat».

«Ce séminaire est important», renchérit le ministre marocain de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique. « Il pourrait donner un nouvel élan aux relations économiques entre nos deux pays. Les choix économiques de nos deux nations se ressemblent beaucoup. En creusant, nous avons découvert que nous pourrions développer des complémentarités. Nous pouvons mettre sur pied une compétitivité partagée. Les avantages du Grand-Duché sont indéniables. C’est une grande place financière, un hub d’expertise dans les technologies de l’information et de la communication (TIC). De même, les avancées dans l’industrie et la logistique sont significatives. En plus, le Grand-Duché possède une place de choix sur les marchés européen et international. Le Luxembourg représente donc un partenaire qui compte pour le Maroc. De notre côté, au fil des années, nous avons développé quelques expertises, dans l’industrie et la logistique maritime, entre autres. C’est pourquoi nous aspirons à être un des hubs de la région. Nous bénéficions de deux spécificités: nous entretenons de fortes relations avec les pays du continent africain et nous avons aussi des relations privilégiées avec le Moyen-Orient. Le Maroc a par ailleurs retrouvé une compétitivité avec la Chine qui a récupéré une grande partie des industries à travers le monde. La chine a volontairement augmenté ses salaires depuis cinq ans. Elle compte amener le salaire minimum à 1000 dollars d’ici 5 ans. Au Maroc, le salaire minimum plafonne à 300 dollars à l’heure actuelle. Les opérateurs chinois s’impantent donc aujourd’hui au Maroc pour retrouver leur compétitivité. Donc, nous offrons un avantage à ce niveau-là également. Les niveaux de salaire au Maroc permettent encore de faire gagner quelques points de compétitivité. » Moulay Hafid ElAlamy définit le Maroc comme une économie libérale complètement ouverte. Il rappelle les avantages en termes de limitations relatives aux dividendes et aux plus-values. Il ajoute également que les zones franches en place fournissent un régime de taxes avantageux. « Nous accélérons le développement industriel par la mise en place d’écosystèmes. Le fonds de développement industriel destiné aux nationaux et aux internationaux participe aussi à ce développement (ndlr : pas moins de 20 milliards de dirhams d’après les autorités). On peut envisager des subventions sur mesure… ».

Robert Dennewald, Vice-Président Chambre de Commerce prend ensuite la parole. En tant que président de deux entreprises, il se dit fier de voir tant d’entreprises présentes lors de cette mission économique. « Je suis aussi satisfait car nos adhérents ont l’air content. Enfin, découvrir ce pays m’émeut. Cette délégation a pour objectif de découvrir des contacts et des opportunités de coopération. Nous voulons également faire découvrir notre petit pays pour que vous y trouviez un intérêt. Par la suite, nous devrons pérenniser cette coopération avec des offres concrètes. Bon, en chiffres, notre pays est très petit. En superficie, le Maroc est trois cents fois plus grand que le Luxembourg. Et la population marocaine est 60 fois plus importante que celle du Grand-Duché. Au Luxembourg, on parle français, allemand et luxembourgeois. Beaucoup parlent aussi anglais et portugais. Le pays est une démocratie parlementaire sous la forme d’une monarchie constitutionnelle à laquelle nous sommes attachés. Nous avons des institutions européennes dans le pays. Et notre carte de visite est indubitabement attractive. Notre économie est neutre et très ouverte. En fait, c’est une des plus ouvertes dans le monde. Nous profitons d’une stabilité politique, d’une fiscalité transparente et d’un fort excédent structurel récurrent. Nous sommes un champion mondial dans l’exportation. 80% de nos exportations sont des services et 75% de notre main d’oeuvre est étrangère. En plus, en tant que pays membre de l’Union européenne, nous bénéficions de la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux. Géographiquement, nous sommes situés en plein milieu de l’UE et entourés par trois économies industrialisées très fortes (ndlr: la France, la Belgique et l’Allemagne). Nous fournissons un véritable accès d’entrée dans l’Union économique européenne. » Le Luxembourg est connu pour son secteur et ses services financiers. Toutefois, il recèle d’autres qualités, d’après le vice-président. « Je mets l’accent sur le secteur automobile. Une trentaine de sociétés se trouvent sur notre sol. Elles fournissent des pièces à d’autres pays européens. Elles ont choisi notre pays pour se développer car notre environnement est propice. Deuxièmement, nous soutenons grandement la recherche, en la faisant entre autres fructifier par des régimes fiscaux compétitifs. Autrement, la construction joue rôle prépondérant depuis le 19ème siècle. Nous abritons des ressources en ingénierie liée à la sidérurgie. En ce qui concerne les TIC, nos infrastructures sont hors pair. Nous avons un réseau de data centers sans pareil. En plus, des grands opérateurs sont aussi implantés chez nous (ex: satellites commerciaux). Notre environnement réglementaire est incitatif et notre fiscalité, peu compliquée. Cela explique le développement de ces sociétés. Par rapport au secteur de la logistique, notre localisation centrale pour l’UE explique pourquoi les sociétés viennent chez nous (ndlr: cargo-aérien; rail; autoroute…). Notre connectivité est exceptionnelle. En plus, même si nous n’avons pas de zone franche industrielle comme en a le Maroc, nous abritons une zone franche pour objets de grandes valeurs. Nous sommes aussi actifs dans les technologies de santé, avec une banque bio internationale, un centre de recherche pour la bio-médecine ou encore un centre de recherche sur le cancer du poumon. Nous nous targuons d’être une économie verte axée sur les énergies renouvelables. Nos sociétés de services sont tournées vers l’utilisation rationnelle des énergies. Nous pourrions collaborer là-dessus. Enfin, notre secteur des services prend de plus en plus d’ampleur, notamment pour les entreprises et les finances. Je m’adresse maintenant aux entreprises marocaines qui cherchent à établir un QG en Europe: le Luxembourg devrait être sur votre radar! Nous avons les avantages d’un petit pays (administration facile, fiscalité éthique, transparente, attractive – avec notamment un régime spécial pour les expatriés) et une bonne connectivité.

Le Vice-Président général de la CGEM, Salaheddine Kadmiri, regrette que malgré ces avantages évoqués, le volume des échanges commerciaux soit encore peu trop élevé à son goût. « Il peine à atteindre les 10 millions d’euros. Toutefois, les distances s’estompent et le politique s’appuie sur l’économie. J’ai donc bonne confiance que nous consolidions nos marchés et que nous attirions les investisseurs. Après tout, le Luxembourg, c’est le premier centre de fonds d’investissement en Europe et le deuxième dans le monde».

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Témoignages d’entreprises

La coopération marocaine: la clé de voute pour des partenariats réussis

Ainsi s’intitulait la dernière partie des interventions de la matinée de rencontres d’entrepreneurs marocains et luxembourgeois dans le cadre de la mission économique du pays européen dans le royaume. Des entrepreneurs luxembourgeois et marocains ont parlé de leur expérience avec de partenariat entre les deux pays, le 28 avril à Casablanca.

Amal Choury, fondatrice de E-Kenz SA: «Je suis originaire de Casablanca. Après mon bac, dans les années 80, j’ai fait des études d’informatique à Metz. J’avais le poids des paroles de mon père sur mes épaules: « Tu as la liberté», m’avait-il dit avant que je quitte le Maroc. Les études et les enfants: j’ai tout fait à Metz, à 60 kms de Luxembourg. Mon patron de l’époque m’a envoyée au Luxembourg pour deux semaines. Les deux semaines sont devenues 18 ans… J’ai intégré un groupe Luxo-luxembourgeois dans le département informatique. On a commencé à faire les réunions en français pour que je sois intégrée. En 2002, on m’a donné un budget pour faire une soirée marocaine. Cela a facilité mon intégration. On ne demande que vos compétences au Luxembourg. On se fiche de votre religion, de votre origine, de votre sexe, de votre couleur. Les Luxembourgeois parlent quatre langues. Cela ne facilite pas la tâche pour apprendre la langue luxembourgeoise. Mais ça facilite l’intégration car on peut toujours se rattacher à une des langues. En 2008, j’ai voulu créer une société (ndlr: E-Kenz SA est une société luxembourgeoise de conseil ICT et d’hébergement offrant des services autour des systèmes d’informations d’entreprises). Des partenaires de choix m’ont permis d’avancer. Nous étions deux collaborateurs au départ; nous sommes aujourd’hui une trentaine de consultants. La reconnaissance est là aussi, formelle tout d’abord; j’ai reçu des prix. Et puis quand j’ai organisé un congrès, tous les partenaires ont répondu présents. C’est un autre type de reconnaissance. Et ça fait chaud au cœur! Aux entrepreneurs femmes et hommes: il n’y a que des solutions à des défis. Le Luxembourg n’est pas devenu numéro 1 en TIC pour rien. C’est un travail de dix ans via les data centers, les infrastructures, la connectivité, la réglementation. Comme le pays est petit, les connexions vont vite. Le réglementation doit être mise en place au Maroc, sinon on n’avance pas. Il y a deux, trois ans, au Grand-Duché, on a changé la loi sur la faillite des sociétés. En un an, on a changé le règlement. Si on gère les données d’un tiers, en cas de faillite, il faut désormais restituer ces données. Le Luxembourg peut apporter son savoir-faire et ses compétences  au Maroc au niveau du gouvernement, des organisations, pas seulement au niveau des entreprises, pas seulement au niveau du secteur privé. »

Christophe Bianco, fondatrice de Excellium Services & Suricate Solutions: «Nous avons un tout nouveau partenariat établi au Maroc avec le groupe MedTech. Nous existons depuis deux ans et nous comptons aujourd’hui 36 collaborateurs. Nous ciblons les problématiques de cybercriminalité (ndlr: Suricale Soultions est une filiale d’Excellium Services SA, société leader dans la sécurité informatique sur le marché luxembourgeois). Nous avons décidé de commencer un réseau pour la cybersécurité et nous aimerions aller en Afrique. Grâce au Maroc qui a beaucoup de compétences dans le domaine, nous allons pouvoir décupler nos forces. Nous ne sommes pas au maroc pour gagner des marchés mais pour pouvoir monter un pôle local d’expertise et de compétences pour nous rendre plus compétitifs. Toutefois, les procédures de VISA sont vraiment fastidieuses. Il faudrait songer à les modifier pour faciliter les coopérations bilatérales».

Said Rkaibi, de MedTech: «Nous sommes une société de TIC. Nous comptons, avec l’aide de Excellium, développer le premier data center du Maroc. Il devrait être actif pour dans vingt mois. J’ai découvert un pays, le Luxembourg, avec de fortes institutions financières ainsi qu’une expertise et des compétences pointues en TIC, particulièrement dans le domaine de la sécurité. On entend toujours parler du problème de la sécurité dans les systèmes d’informations, d’où la volonté de notre partenariat».

Dr. Alain Strickroth, CEO de CPPE SA: «Dès le début de cette société allemande à l’origine basée au Grand-Duché, nous avons établi des contacts avec OCP. En 2010 et en 2011, on leur a présenté notre technologie. L’intérêt fut immédiat. Notre société se spécialise dans le traitement des fumées. Nous sommes reconnus mondialement pour cela (ndlr: spécialiste du traitement breveté de gaz d’échappement présentant des avantages techno-économiques). Nous travaillons avec les fumées qui contiennent du dioxyde de soufre, entre autres. Nous les transformons en acide sulfurique. Cet acide est utilisé par OCP pour produire de l’acide phosphorique. Depuis 2012, nous  pouvons décomposer le CO2. De même avec le dioxyde d’azote. Nous possédons de nombreux brevets mondiaux, dont un pour le dioxyde de soufre. 3500 clients dans le monde font appel à nous, dont l’OCP. Et nous en sommes très fiers. Mon premier voyage professionnel au maroc, c’était il y a 25 ans. Beaucoup plus récemment, on a vendu notre première installation pour réduire les émissions de SO2 et les convertir en acide sulfurique. On élimine quelque chose de nocif et on crée une nouvelle matière première intéressante pour l’OCP.  Le Sulfacid n’émet presque plus de rejet dans son utilisation et il n’est pas nocif. Concrètement, les constructions métalliques ont débuté en 2014 et le réacteur a été terminé fin 2014 (ndlr: 200 000 m3 pourront être traitées par heure – soit 8100 tonnes de SO2 par an). Nous n’avions même pas fini la construction de la première commande qu’on nous a commandé un deuxième réacteur. Le second projet a démarré en 2015. Nous avons d’autres projets en cours également. Nous sommes ravis de ces réussites au Maroc. Cela nous a demandé de contourner certains obstacles, cependant. C’est culturel, tout d’abord: l’OCP est grande. Ensuite, elle a des pratiques différentes de chez nous. Par ailleurs, au niveau des échanges monétaires, ce n’est pas toujours facile. Parfois, les échanges doivent obligatoirement être faits en dirhams. Et puis, les procédures d’importations sont lourdes car on doit passer par l’Office de changes. Nous avons donc besoin d’une succursale locale pour simplifier les processus».

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