A moins de deux semaines du deuxième tour des élections présidentielles brésiliennes Fernando Haddad, le protégé de Lula et candidat du Parti des Travailleurs, se démène comme il peut alors que les sondages donnent encore une très large victoire à l’ancien capitaine de l’armée Jair Bolsonaro en le créditant de 59% des intentions de vote.
Considérant que sa «défaite» proviendrait – pour l’essentiel – de son trop grand rapprochement avec l’ancien chef de l’Etat reconnu responsable des scandales de corruption qui ont miné le pays, le candidat du P.T., qui, jusqu’à la veille du lancement de la campagne pour le 2ème tour, allait chercher conseil chez son mentor au fond de sa cellule, a enlevé de ses affiches le visage de l’ancien président ainsi que le rouge qui reste la couleur du communisme.
Aussi, c’est en se tenant à côté du drapeau brésilien pour ôter à son rival le monopole du nationalisme, que, ce lundi, le candidat à la présidence de la République pour le Parti des Travailleurs, a appelé à la formation d’un «front démocratique» pour faire éviter au pays «la menace Bolsonaro». Mais avec qui Fernando Haddad pourra-t-il constituer ce front quand on sait que ce n’est que du bout des lèvres que Ciro Gomes, le candidat du centre gauche ayant recueilli 12,5% des voix lors du premier tour, a apporté à sa candidature «un appui critique… pour éviter la victoire des forces les plus réactionnaires (…) et la déroute de la démocratie» et que ce dernier -qui avait été le seul dans les simulations de sondages à battre Bolsonaro au 2ème tour- ne participera à aucun meeting de campagne donné par le candidat de la gauche ?
Mais, d’un autre côté, il y a lieu de reconnaître, toutefois, que «la menace Bolsonaro» a été elle-même menacée – si l’on peut s’exprimer ainsi – lorsque la Bourse de Sao Paulo, très enthousiaste pour l’ancien militaire avant le premier tour, a perdu ce mercredi 2,8% à la clôture dès lors que l’ex-capitaine de l’armée avait évoqué un plan de privatisation dans le secteur de l’énergie. Les déclarations faites à la chaîne de télévision «Brand TV» par le candidat de l’extrême-droite avaient fait plonger de 9% les cours du groupe étatique «Electrobras».
A noter, également, que plusieurs cas de violences contre des électeurs de gauche ont été rapportés par la presse. Ainsi, l’assassinat, dans un bar de Salvador de Bahia, d’un grand maître de capoeira (art martial afro-brésilien), poignardé de douze coups de couteau pour avoir déclaré qu’il allait voter pour le Parti des Travailleurs, a suscité une trop grande émotion dans le pays même si le candidat d’extrême-droite rejette toute responsabilité concernant ces violences.
Et, en rappelant que c’est lui-même qui, à la veille du 1er tour, avait été victime d’une tentative d’assassinat, Jair Bolsonaro rejette toute responsabilité concernant ces violences en déclarant : «Si quelqu’un qui porte un T-shirt à mon nom commet un excès, qu’est-ce que j’ai à voir avec cela. Je demande aux gens d’arrêter mais je n’ai pas le contrôle». Et l’ancien militaire de signaler que «la violence vient de l’autre côté».
Autre incident, et non des moindres, venu comme une cerise sur le gâteau pour ternir l’image du candidat d’extrême-droite ayant déclaré, à maintes reprises, son intention de «nettoyer le Brésil des élites corrompues», son conseiller économique l’ultra-libéral Paulo Guedes se trouve sous le coup d’une enquête judiciaire portant sur des fraudes à des fonds de retraite.
En relevant, enfin, que le débat qui était prévu jeudi dernier entre les deux candidats n’avait pas pu avoir lieu du fait de la défection de Bolsonaro accusé par son rival d’esquiver toute confrontation, il semble qu’à l’heure qu’il est rien n’est encore joué et qu’il va falloir attendre le 28 Octobre pour départager les candidats. D’ici-là, attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi