Hassan Rachik : Eloge des identités molles

C’est certainement le mot le plus galvaudé par les temps qui courent ! Dans les médias, les discours des politiques (tendances populistes, mais pas seulement)…, le mot «identité» offre de par son élasticité sémantique, la possibilité à chacun de le charger, de le récupérer pour le mobiliser au service d’une construction qui lui est spécifique. Les individus également à leur niveau le traduisent dans leur comportement, leurs choix et leur vécu.

De quoi interpeller les sciences sociales qui en font un des thèmes de recherche les plus prisés en termes d’analyse, d’exploration de ses différentes facettes.  En somme, l’identité est partout et nulle part ! Sauf qu’aujourd’hui, son omniprésence prend des allures tragiques. On en est arrivé à ce qu’Amin Maalouf avait appelé «Les identités meurtrières» : on meurt et on n’hésite pas à porter la mort autour de la question de l’identité. C’est ce que souligne Hassan Rachik dans son nouveau livre, «Eloge des identités molles» : «dans un monde où le répertoire identitaire ne cesse de s’allonger, où la kalachnikov est au bout de certaines formes identitaires, nous sommes tenus de savoir comment porter les identités de nos communautés religieuse, politique, linguistique, tout en gardant notre autonomie»!

Le professeur des sciences sociales, anthropologue dont les travaux sont de renommée internationale, pointe ainsi du doigt les enjeux des choix identitaires. Hassan Rachik aborde dans cet essai, tonique et didactique, le rapport entre l’individuel et le collectif dans un environnement marqué par une exacerbation et surtout une idéologisation des appartenances identitaires. La question centrale est celle de l’autonomie de l’individu. Il plaide pour des identités contextualisées, relatives et évolutives versus les identités figées et univoques. «Je défends en tant que chercheur, une identité contextuelle, délibérée et relative », écrit-il en ouverture de son livre. Dans cette approche développée par l’auteur, le sujet dispose toujours «d’un menu» où il puise un comportement identitaire contextualisé. Une approche aux antipodes d’une conception totalitaire qui impose à l’individu une identité définitive et figée.

L’ouvrage d’un accès ouvert est ordonné à partir d’un cadre général qui aborde l’idéologisation des identités ; suivi de plusieurs chapitres qui analysent les différentes formes que prend chaque expression identitaire : identifiée puis comparée à celle qui lui est opposée. Pour arriver à cette conclusion, «Je pense que la conception molle de l’identité favorise le vivre ensemble», Hassan Rachik précise encore pour atténuer une possible connotation négative de l’adjectif «mou» : j’aimerais que les lectrices et les lecteurs retiennent, ici, l’idée de souplesse, de flexibilité, et de variation, selon la biographie des individus et de leurs contextes.

Mohammed Bakrim

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