Repères plastiques et intellectuels d’un peintre
Par Mustapha Labraimi
Quand on s’exprime par la peinture, par le mélange des couleurs, par la structuration des lignes et des formes, en préparant le fonds de la toile, du papier ou du matériau qui supportera la réalisation de l’œuvre ; puis par touches successives, d’un seul tenant ou en prenant le temps de se faire, celui ou celle qui s’adonne à cet art plastique s’isole pour matérialiser ses émotions les plus intimes dans un langage qui lui est particulier.
Cette envie de peindre n’est pas toujours comprise par la société à sa juste valeur. C’est cette distance que mets la société et l’artiste peintre entre eux que ce dernier devra raccourcir au maximum pour consacrer son intégration ou la laisser augmenter à l’infini sans s’en soucier, occupé qu’il est par son art.
L’usage du signe et de la peinture n’est pas étranger à nos structures sociales. Sur les peaux des corps et les cuirs des animaux, sur les manuscrits et sur la poterie et dans la tapisserie, la broderie, la confection des couvertures et le zellij, la peinture distinguait la personne et son appartenance tribale, le lieu et l’artisan qui est en est producteur. Un patrimoine riche qui servira des peintres modernes imbus d’authenticité.
L’histoire moderne reconnait la valeur de cette première génération d’artistes peintres dont les œuvres sont devenues universelles. De beaux livres sont consacrés à ces artistes pour faire connaitre leur art qui reste, malgré tout, une affaire de connaisseurs compétents ou collectionneurs.
L’émancipation politique du protectorat a fait éclore des vocations pour la création picturale. Des écoles se sont institués pour assurer la formation dans les arts visuels et autres pratiques plastiques, décoratifs et régissant les espaces intérieurs ou publics. Des expositions sont organisées dans des espaces réservés à cet effet. C’est par ce biais que l’artiste se forge un nom et que la reconnaissance de son art lui rapporte de quoi vivre ou simplement pour la confirmation de sa vocation.
Un statut de l’artiste a été instauré en 2003 au royaume. Cette reconnaissance juridique, entre l’entrepreneuriat individuel et la notoriété acquise, demande à être consolidée encore plus pour permettre à l’artiste une protection sociale convenable, une vie aisée loin de l’exploitation et de l’arnaque et une information personnalisée sur son art, loin des cotations commerciales et proche de l’esthétique convoitée.
Pour enrichir le débat public sur ce sujet, un questionnaire, non exhaustif, a été adressé à des artistes peintres pour approcher au mieux leurs motivations et leurs techniques en fournissant des repères plastiques et intellectuels les concernant.
La création picturale a-t-elle une fonction dans notre société ? La production picturale répond-elle aux besoins de la société ou n’est-elle seulement que l’expression de la rêverie ? La peinture agit-elle sur la conscience ? Y-at-il une relation entre la peinture et la spiritualité ? La peinture serait-elle fondamentalement liée au réel ou beaucoup plus le fruit d’un imaginaire abstrait ? La technique de peindre est-elle personnelle ? L’art de peindre est-il un métier ? L’approche de la modernité entre l’authenticité et l’universalité dans l’expression plastique ?
Chaque artiste répondra à sa manière et comme il l’entend.