La voix des marginaux…

Driss El Khouri

Mohamed Nait Youssef

Ce fut un écrivain multiple, exceptionnel, modeste et unique dans sa langue et son écriture entièrement consacrée à la nouvelle, son premier amour et éternelle passion. Driss El Khouri qui considérait l’écriture comme « un univers fabuleux et vaste où se conjugue les visions et les imaginaires », a laissé son empreinte dans le paysage culturel national en signant des œuvres puissantes et singulières.  

Ba Driss, comme certains aimaient l’appeler ainsi, était à la fois poète, nouvelliste, critique littéraire et journaliste culturel. Il a quitté le monde des vivants, le lundi 14 février 2022, dans sa demeure à Salé. Il avait 83 ans. Né à Casablanca, le regretté a rejoint l’Union des écrivains du Maroc (UEM), en 1968. Engagé, égal à lui-même, l’écrivain a voué sa vie à l’écriture et à la création en contribuant à l’évolution et l’enrichissement de la scène culturelle marocaine. Connu par sa langue fluide, vivace et parfois dure, les écrits de Driss El Khouri portent la marque de son vécu, de son imaginaire créatif, riche mais aussi de ses  protagonistes qu’il observait autour de lui-même. Il aimait les gens simples et modestes. Pourtant, la vie était sa grande école et le langage littéraire sa demeure. Grand passionné des planches, du cinéma, de la musique et des arts plastiques, son style d’écriture a été influencé par le 7ème art et puisé dans la vie des petites gens. Il a écrit notamment «Les jours et les nuits», «Les débuts», «La cité de terre», «Ombres», «Espaces», «Œil d’une porte», «La voix et l’écho», «Le calice de ma vie», pour ne citer que ceux-là.

De Guisser à Rabat, un bout de chemin de vie et de créativité ! 

Autodidacte. L’homme, qui s’est fait tout seul, avait son propre style, sa façon et sa manière de voir et de dire les choses telles qu’elles sont; sans rien craindre. Par le biais de son réalisme, mais aussi son imaginaire aussi vaste que unique, il a pu mettre les mots sur les maux de notre société actuelle. Au début, c’était la poésie avant de se lancer dans la nouvelle. De Guisser à Rabat en passant par Derb Ghallef, le nouvelliste a pu se faire une place au soleil aux côtés des grandes signatures telles que Mohamed Choukri, Mohamed Zefzaf, Khair-Eddine. Les commencements étaient pourtant beaux. Très jeune déjà, El Khouri a développé, dès le début des années 50, une passion pour la lecture et les livres qu’il dévorait à l’époque. Alors, à la fin des années 50, l’écrivain a fait ses premières armes dans la revue «Atlas» où il publiait ses poèmes et écrits de jeunesse. Par la suite, il s’est lancé dans une nouvelle aventure d’écriture sur les colonnes du journal Al Alam où il signait une chronique aux côtés de Zefzaf.

Une plume ayant bouleversé la scène culturelle 

Pour la petite histoire, son livre «La tristesse c’est mon âme, la tristesse c’est mon cœur»  a été bien accueilli par la critique, lui qui ne mâchait ses mots et qui n’avait pas la langue dans la poche. Charismatique, El Khouri avait une forte personnalité qui ne cède pas facilement aux vents légers des mauvaises langues. A prendre ou à laisser. Pour lui, comme pour beaucoup de plumes de sa génération, les mots étaient non seulement un refuge ou une échappatoire, mais aussi un champ de bataille pour défendre ses idées, sa liberté et sa vision du monde.

Son œuvre est témoin de son époque, de sa génération marquées par des changements et transformations profonds sur tous les niveaux; culturel, politique, social… Sur les colonnes des journaux Al Moharrir et Al Ittihad Al Ichtiraki où il exerçait ou encore dans ses textes publiés dans livres, El Khouri a contribué à cette effervescence qui avait marqué notre scène culturelle, littéraire et même politique nationale. Il était l’une des tempêtes ayant bouleversé le paysage culturel et littéraire national.

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