«L’entreprise familiale est consubstantielle à l’économie marocaine plus que dans d’autres pays»

Par sa forme et son organisation, l’entreprise familiale bénéficie également d’une plus grande stabilité financière et managériale. Cependant, compte tenu de ses spécificités, elle doit faire face à des risques non négligeables qu’il faudra maîtriser à court, moyen et long termes. Ce tissu économique mérite une attention particulière car il est créateur d’emplois et de richesses et constitue un enjeu majeur pour la bonne santé de notre économie nationale. Joël Rochat, CEO de GreenStarWealth Management nous donne un éclairage sur les spécificités de l’entreprise familiale, notamment en matière de gouvernance.

Al Bayane : D’après vous, comment peut-on définir une entreprise familiale?

Joël Rochat : Il s’agit d’une entreprise, cotée ou non, dont l’actionnariat est contrôlé par une personne ou une famille.

Quel est votre regard sur l’entreprise familiale marocaine?

L’entreprise familiale est consubstantielle à l’économie marocaine, peut-être même davantage que dans d’autres pays. De la banque à la construction, en passant par l’agro-alimentaire ou le tourisme, tous les secteurs comptent plusieurs fleurons familiaux, souvent actifs depuis des décennies.  Si ces entreprises ont pleinement contribué à l’essor économique du Royaume, il faut garder à l’esprit qu’elles sont aussi plus exposées aux problématiques de transmission. A l’échelle mondiale, une vaste majorité des entreprises familiales ne survivent pas à la troisième génération. Dans l’intérêt même du pays, la question de la pérennité des groupes familiaux est donc importante.

En tant qu’un expert économique, quels sont les avantages et les inconvénients d’une affaire familiale?

En tant que conseiller privilégié de plusieurs groupes familiaux depuis 25 ans, nous avons acquis une expertise dans ce domaine à telle enseigne que nous avons organisé l’an passé le premier Forum de l’entreprise familiale au Maroc.

De manière synthétique, l’entreprise familiale bénéficie de l’engagement complet du top management. La famille a l’entreprise dans son ADN et inversement. Le temps est un autre avantage. Là où une entreprise classique raisonne à court terme, sous la pression des actionnaires externes, l’entreprise familiale vise d’abord la pérennité transgénérationnelle. Cette différence permet des investissements orientés sur le long terme.

A contrario, la gouvernance ou plutôt la faiblesse de la gouvernance est probablement le problème principal que rencontrent les groupes familiaux, surtout au départ du fondateur et dans les années qui suivent. Une gouvernance informelle et centrée sur une personne peut vite devenir un problème alors que le groupe se diversifie hors de son activité d’origine et/ou que le fondateur disparait.

Pourriez-vous nous citer des entreprises familiales qui représentent des success stories ? Leurs secrets?

Nos villes sont pleines des enseignes d’entreprises familiales à succès : Zara, LVMH, Ikea, Carrefour, Fiat, Siemens, Mars, Samsung ou encore L’Oréal. Le Maroc n’est pas en reste avec la BMCE, Ynna Holding, Diana Holding, Afriquia ou encore Holmarcom pour ne citer qu’eux.

Il n’y a pas de recette magique à ces succès si ce n’est une volonté commune de préparer la transmission de manière structurée et anticipée.

Notre offre de services basée sur trois piliers (Gouvernance familiale, gouvernance des investissements et gouvernance opérationnelle) permet à nos clients de préparer cette étape clef.

A votre avis, quel est le modèle économique le plus efficient pour les entreprises familiales au Maroc?

Il serait arrogant de ma part de porter un tel jugement pour le Maroc alors que nous n’y sommes présents que depuis 4 ans. Plus généralement, les entreprises familiales à succès ont une vision claire des dimensions patrimoniales et managériales de l’entreprise. A titre d’exemple, il est parfois préférable de laisser la gestion opérationnelle à des managers expérimentés afin qu’ils valorisent l’entreprise plutôt que de privilégier des membres de la famille moins compétents.

Qu’est-ce-qui régit la transmission, surtout lorsque les familles sont grandes?

La transmission est une étape critique. Mal anticipée, elle peut déboucher sur la disparition de fleurons nationaux. Anticipation et expertise sont les deux piliers d’une transmission réussie. Il est crucial de se pencher sur la gouvernance familiale, plus précisément sur la définition d’une stratégie familiale et la mise en place d’une organisation adéquate.

Comment se déroule, concrètement, cette transmission?

Ici, pas de standardisation mais une écoute attentive et une méthodologie éprouvée. Notre approche repose sur trois piliers déjà évoqués : gouvernance familiale, gouvernance des investissements et gouvernance opérationnelle

Faute de repreneur, bon nombre de belles entreprises mettent la clé sous la porte. Est-ce une spécificité marocaine?

Au risque de paraitre impertinent, il y a presque toujours des repreneurs pour une entreprise bien gérée, rentable, dans un secteur intéressant. Ceci dit, la problématique de la pérennité au-delà de la troisième génération est universelle. Elle va même probablement se durcir avec l’accélération des cycles (nouvelles technologies, nouveaux concurrents, etc.)

Enfin, encouragez-vous la naissance des entreprises familiales au Maroc?

Comme ailleurs, les entreprises familiales sont et resteront essentielles à l’économie marocaine surtout si elles savent anticiper et accompagner leur transmission. Enfin, n’oublions pas que le marché des capitaux devrait aussi permettre le développement de ces groupes en leur apportant des moyens financiers et de la visibilité supplémentaires.

Kaoutar Khennach

A propos

Présent à Genève, Londres, Gibraltar et Casablanca, le groupe Greenstar est un spécialiste de gestion des actifs à l‘intention de familles ou de particuliers fortunés.Créée en 2014 et labélisée Casablanca Finance City (CFC), la société GreenStarWealth Management est exclusivement dédiée à la gestion de patrimoine de la clientèle marocaine.

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