Les métiers du cheval: une filière en manque de profils adaptés

Les métiers du cheval sont peu connus du grand public. Pourtant, ils constituent la force d’une chaîne qui contribue à hauteur de 0,61% du PIB. Les besoins en compétences sont considérables, comme le souligne Dr. Mohamed Oussidhome, directeur du Haras d’El Jadida, dans cette interview accordée à Al Bayane en marge du Salon du cheval d’El Jadida. La filière fait face à d’autres défis de taille: la reproduction de certaines races.

Al Bayane: les métiers du cheval sont généralement associés à des métiers traditionnels, exercés par les passionnés du cheval. Au-delà de cette passion, est-ce que ces métiers nécessitent un profil particulier?

Dr. Mohamed Oussidhome: Il y a une multitude de métiers liés au cheval, qui se sont développés sous le protectorat français avec l’ouverture du premier haras, celui de Meknès, puis celui d’El Jadida. Les formations sont obligatoires car nous ne pouvons pas confier un poste à quelqu’un qui n’est pas formé. Ce sont pratiquement des formations internes, au niveau notamment des haras. Les vétérinaires, de par leur formation, peuvent notamment dispenser cette formation. Mais il y a des formations spécialisées, liées notamment à la dentisterie équine ou la formation des jockeys. Pour ce type de profil, nous faisons appel à des formateurs externes.

La filière souffrait justement d’un déficit en profils diplômés. Qu’en est-il aujourd’hui ?

La Sorec a instauré un programme de formation annuel pour l’ensemble de son personnel. Ces formations touchent à des domaines pointus comme la dentisterie équine, la reproduction et le transfert embryonnaire.  Les attentes en termes de profils sont énormes.

L’offre en formation s’est étoffée avec l’ouverture de l’Institut national du cheval. Est-ce que les lauréats de cette école répondent suffisamment à vos besoins?

L’INC est un grand établissement, mais la formation proposée demeure limitée à certains métiers, ce n’est pas une formation pointue. Nous sommes donc dans l’obligation de compléter la formation des lauréats. Aujourd’hui, notre souhait au niveau de la Sorec est de nouer un partenariat avec ces instituts pour pouvoir compléter les formations et adapter ainsi l’offre à nos besoins, soit en  instaurant un programme de formation au niveau du cursus ou à travers des formations chez nous.

Qu’en est-il des débouchés. Sont-ils assurés à l’issue d’une formation diplômante ?

Les débouchés sont énormes. Nous avons  toujours besoin de personnes qualifiées, que ce soit chez nous à l’administration ou dans le secteur privé qui cherche, entre-autres, des jockeys ou des entraineurs. Les hippodromes ont aussi besoin de commissaires de course. En gros, le secteur est très porteur.

Comment évaluez-vous la participation marocaine aux compétitions internationales?

Le Maroc dispose d’une image de marque que nous maintenons grâce à la participation marocaine aux différents événements shypiques étrangers qu’ils soient organisés au Maroc ou dans un autre pays. D’importantes courses sont remportées par des Marocains. Le meilleur exemple est M’hammed Karimine avec son cheval qui a remporté récemment le prix de l’arc de triomphe et qui a vendu son cheval à 450.000 euros dans la vente aux enchères. La première place du concours international de pur-sang arabe, organisé durant le salon du cheval, est revenue au haras royal de Bouznika. Nous  avons réellement de très belles participations aux évènements shypiques.

Plus aucun cheval ne peut être inscrit au stud-book si ses parents ne le sont pas. Est-ce que cela ne revient pas à marginaliser une race qui est déjà en déperdition?

Cela ne limite pas la race barbée. C’est surtout pour avoir une meilleure traçabilité. Les éleveurs du barbe qui participent aux courses ou au tourisme équestre sont obligés de déclarer les saillies et les résultats pour pouvoir inscrire leur cheval dans le stud-book.

Mais le Maroc doit se tourner vers d’autres pays pour trouver des barbes à haut niveau d’endurance…

Le barbe est en déperdition. Beaucoup d’efforts ont été investis depuis le lancement de la stratégie nationale de la filière équine afin de préserver cette race marocaine. C’est dans ce sens que la Sorec a mis en place un centre de transfert embryonnaire au niveau du haras de Meknès. Nous prélevons les embryons d’une jument donneuse et on les transfère dans plusieurs juments porteuses. Cette technique permet de donner naissance à 5 ou 6 juments par an. Parallèlement, nous encadrons les éleveurs en matière de course et de reproduction. Nous avons des étalons nationaux, mais on agrée aussi les étalons privés pour qu’ils fassent de la reproduction. Ensuite, nous assurons le suivi, notamment l’identification, le contrôle, et l’inscription au stud-book (état civil de la race).

Que fait la Sorec pour améliorer le niveau de cette race ?

En plus du centre de transfert embryonnaire, la Sorec propose des allocations afin d’encourager l’utilisation du barbe et de l’Arabe barbe. Le barbe, de par sa résistance et sa sobriété, est un cheval de selle par excellence, de tourisme et d’endurance. Mais l’endurance est assez poussée, il y a des distances de 40 à 160 km, qui nécessitent un haut niveau en endurance. Toutefois, nous ne voulons pas brusquer les éleveurs qui n’ont pas l’habitude d’utiliser leurs chevaux dans des manifestations à haut niveau d’endurance. Pour cela, nous avons commencé par des rallyes équestres, ce sont des parcours d’orientation et de régularité. L’éleveur va monter dans des parcours de 25 à 30 km au maximum pour ne pas forcer sur le cheval. Nous allons poursuivre avec ces rallyes jusqu’à ce qu’un grand nombre d’éleveurs soit recrutés dans cette discipline. Cela va servir en fait de tremplin pour recruter des chevaux d’endurance.

Propos recueillis par Hajar Benezha

 

Bilan de la stratégie nationale de la filière équine

Lancée en 2011, la stratégie nationale de la filière affiche un bilan globalement positif. Dans le domaine de l’élevage équin, le nombre de naissances annuel sur les cinq dernières années a augmenté de 27% entre 2011 et 2017 pour s’établir à 4.000 naissances. Parallèlement, le nombre de chevaux barbe à doublé sur la même période. En matière d’infrastructures, plusieurs projets ont vu le jour. Il s’agit, entre autres, de l’ouverture de l’hippodrome de Marrakech et du centre d’entrainement de Bouznika

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