L’industrie musicale d’Afrique francophone rêve d’international

Grâce au streaming

L’émergence du streaming a permis à de nombreux artistes africains, notamment nigérians, de se faire connaître dans le monde entier, une révolution numérique à laquelle l’Afrique francophone compte bien participer.

Avec 80 millions de titres, la bibliothèque de la plateforme Boomplay n’a pas à rougir face aux géants Deezer et Spotify.
Mais la particularité de cette application, créée en 2015 au Nigeria et présente dans six pays africains, réside dans son catalogue essentiellement centré sur la musique africaine.
« On propose une très grande bibliothèque qui permet de découvrir de nombreux artistes locaux. C’est notre approche: être un lieu où on peut faire de la découverte d’artistes », explique Paola Audrey, directrice générale de la branche ivoirienne de Boomplay.
Financée par la publicité et gratuite pour l’utilisateur, Boomplay veut désormais grandir en Afrique francophone.

L’objectif: faire connaître à l’international les stars de la musique contemporaine d’Afrique francophone, comme ont su le faire les stars de l’afro-pop nigériane ces dernières années.
« Pour l’instant, c’est beaucoup plus simple de mettre en avant des artistes nigérians dans le monde francophone, mais on fait quelques expériences dans l’autre sens, comme avec le rappeur ivoirien Didi B. Et puis il y a des petites niches, et c’est notre rôle de pousser des artistes à trouver leur public à une plus grande échelle », développe Paola Audrey.

Pour les experts du secteur qui se réunissaient la semaine dernière à Abidjan au Salon de l’industrie musicale africaine, la révolution numérique est une chance à saisir pour les artistes ouest-africains.
Selon le cabinet Dataxis, les revenus du streaming musical africain devraient plus que tripler en cinq ans, passant de 92,9 millions de dollars (90,7 millions d’euros) en 2021 à 314,6 millions de dollars (307,3 millions d’euros) en 2026.
« Regardez le succès de la chanson sud-africaine +Jerusalema+ ou du tube +Calm Down+ du Nigérian Rema, qui est single diamant (50 millions d’écoutes streaming) en France: c’est sur les plateformes numériques que tout a démarré », estime Akotchayé Okio, chargé du développement international pour l’Afrique à la Société française des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem).

« Les artistes d’Afrique francophone doivent apprendre à se mettre en avant sur les plateformes. Par exemple, Spotify a fait une playlist afro-pop, il faut expliquer aux artistes l’importance d’être dedans », ajoute Magali Palmira Wora, chargée de l’Afrique francophone pour le distributeur américain The Orchard.
Une bonne exposition sur les plateformes permet en effet d’avoir rapidement accès à un marché plus large et à une carrière beaucoup plus internationale qu’avant.
« Peu importe où tu es, tu peux écouter mes chansons en un clic. Avec le numérique, l’accès à l’information est tellement plus vaste. Ça permet à des industries musicales locales de se développer et nous, en tant qu’artistes, ça nous donne de l’exposition », reconnaît le rappeur ivoirien Suspect 95.
« On n’a plus besoin de passer par des réseaux où il était compliqué de faire arriver mon CD dans tel ou tel pays », ajoute t-il.

Si, selon Dataxis, 86% des revenus proviennent aujourd’hui de cinq pays (Afrique du Sud, Egypte, Nigeria, Algérie et Maroc), les 400 millions de consommateurs potentiels en Afrique francophone, dont les deux tiers ont moins de 25 ans, constituent une perspective prometteuse.
Reste à s’assurer que les principales plateformes jouent le jeu et que les artistes indépendants puissent profiter de cette manne.
« Évidemment, les majors font des facilités, on profite d’un réseau déjà établi. Pour les artistes indépendants c’est plus compliqué, pour l’instant », reconnaît Suspect 95, sous contrat avec Universal.
« Les grosses plateformes qui exploitent massivement nos titres ne paient pas encore les droits qu’elles devraient en Côte d’Ivoire. Mais nous sommes en négociations et on devrait voir la fumée blanche d’ici la fin de l’année », espère Karim Ouattara, directeur général du Bureau ivoirien du droit d’auteur.

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