«Pluie, une lecture horizontale» de docteur Aïcha Al Khedr

Recueil de poésie publié par les Éditions Orion

La grande poétesse syrienne, Aïcha Al Khedr, vient de publier un nouveau recueil de poésie aux Éditions Orion. Un voyage poétique à la fois actuel et profond sur un monde à la dérive, avec l’espoir comme dernier rempart.

Par Abdelhak Najib, journaliste et critique

Nous sommes face à une œuvre qui traverse toute une vie, avec ce que cela suppose comme expériences, comme projections, comme espoir, comme attentes, comme déceptions, comme rêves et souvenirs, comme mémoire vivace contre l’oubli. Aïcha Al Khedr, la grande figure contemporaine de la poésie arabe, puise sa sève dans ses veines. Elle écrit à même le sang. Elle plonge en spéléologue dans les abysses de l’âme pour en revenir avec cette quintessence, cette cinquième essence, qui allie le passé, le présent et l’avenir, dans une vision circulaire de la vie et de ses ramifications sinueuses. Écrire sur le non-dit. Écrire sur l’improbable. Écrire  sur ce qui naît et se dissipe. Écrire sur l’existence comme une aventure où l’humain en nous se doit de se perdre, d’un passage à l’autre, d’un territoire à l’autre, pour enfin tenter de se retrouver dans des noces alchimiques entre ce que nous sommes et ce que nous aurions pu devenir. Comme chez Marina Tsvetaieva, cette poésie creuse des sillons dans l’opacité des jours et fait éclater des étincelles pour illuminer tous les lendemains : «Nos poèmes, ce sont nos enfants. Ils sont plus âgés que nous parce qu’ils vivront plus longtemps que nous. Plus âgés que nous depuis l’avenir. Voilà pourquoi ils nous sont aussi parfois étrangers.» C’est justement dans cette orbite giratoire où les temporalités se mordent la queue dans un retour éternel des choses que nous devons approcher les poèmes de ce recueil, résolument inscrit dans la dérive des mondes tels qu’ils se délitent devant nos yeux. Rien d’étranger pour cette écrivaine syrienne qui vit dans sa chair l’éclatement d’un pays, l’effritement d’un territoire, la fin annoncée d’une histoire. Aïcha Al Khedr multiplie les images d’un bonheur à réinventer dans un monde clos, un univers de plus en plus opaque, où chacun de nous est sommé de créer son histoire, de la réécrire, de trouver son horizon dans la brume du temps. Quand la poétesse parle d’amour, elle nous invite à aimer coûte que coûte dans un monde de désamour et de folie. Quand elle parle d’espoir, elle nous appelle pour semer les graines de l’espérance sur ces terrains arides que sont nos vies aujourd’hui. Quand elle parle d’oubli, elle ravive nos mémoires pour nous souvenir que souvent l’oubli est le salut des âmes qui ont vécu. Chez Aïcha Al Khedr, écrire, c’est offrir au rêve les graines de la liberté, dans un saut unique vers demain. Demain, ce jour qui signe nos renaissances : «Je suis exclue de naissance, du cercle des humains, de la société (…) Je suis sans âge et sans visage. Peut-être suis-je la Vie même.

… Je sais qui je suis : Une danseuse de l’âme. », écrivait la poétesse russe qui trouve ici un écho grandissant qui nous rappelle que nous sommes d’abord fils et filles de l’espoir.

Légende : « Pluie, une lecture horizontale » du Docteur Aïcha Al Khedr. Éditions Orion. 120 pages. Juillet 2021.

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