Sur la rencontre au sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un

Ce mardi matin, le monde entier a assisté, à une scène inimaginable il y a à peu de temps encore ; une poignée de mains de près de dix secondes entre les deux ennemis d’hier, Donald Trump et Kim Jong-un, à l’hôtel Capella sur l’île de Sentosa à Singapour.

Très souriants, les deux chefs d’Etat se sont adressés l’un à l’autre sans que l’assistance ne puisse entendre ce qu’ils se sont dit à l’exception d’un très timide «Nice to meetyou Mr President» prononcé par le jeune dirigeant nord-coréen.

Puis, après la séance photo et pendant que les deux hommes se dirigeaient vers un salon privé, Kim Jong-un s’adressa à Donald Trump par l’entremise de son interprète en lui disant que de nombreuses personnes allaient voir cela «comme une sorte de film de science-fiction».

Les deux dirigeants rentrèrent alors dans un salon de l’hôtel accompagnés de leurs seuls interprètes non sans prendre la peine d’échanger quelques mots avec la presse avant de s’enfermer pour un tête à tête qui aura duré quelques 45 minutes.

A l’issue de cette entrevue, les deux chefs d’Etat entamèrent une séance de travail en présence de leurs proches collaborateurs. Le Président américain était accompagné du Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Mike Pompeo, du Secrétaire général de la Maison Blanche John Kelly et du Secrétaire à la Sécurité nationale John Bolton. Face à eux, et pour seconder le président Kim Jong-un, se trouvaient Kim Yong-chol, le vice-président du Comité Central du Parti du Travail en charge des affaires inter-coréennes, Ri Su-yong, le vice-président du Comité Central du Parti en charge des affaires internationales ainsi que Ri Yong-ho le ministre des Affaires étrangères.

Après cette séance de travail qui avait été entrecoupée par une pause-déjeuner de près d’une heure puis sanctionnée par la signature d’un document, «global» selon le président Trump et «historique» du point de vue du leader nord-coréen, les deux hommes se sont promenés durant quelques instants dans le parc de l’hôtel.

Remerciant le président américain pour avoir permis cette réunion, le dirigeant nord-coréen a déclaré : «Aujourd’hui nous avons eu une rencontre historique et nous avons décidé de tourner la page du passé. Le monde va assister à un changement majeur». De son côté, le président Donald Trump, qui a indiqué avoir noué «une relation très spéciale» avec son homologue nord-coréen, a dit : «Nous allons nous rencontrer souvent».

Au cours d’une conférence de presse, le président américain a annoncé que son pays allait mettre fin aux manœuvres conjointes avec la Corée du Sud et signalé que les soldats américains déployés en Corée du Sud vont se retirer de la péninsule coréenne même si cette question ne figuraient pas dans l’ordre du jour des négociations actuellement en cours avec Pyongyang.

Mais que faudrait-il retenir du document signé ce 12 Juin 2018 à Singapour par Donald Trump et Kim Jong-un et des annonces faites par les deux hommes ?

D’abord, «une complète dénucléarisation de la Péninsule coréenne» même s’il faut reconnaître que, d’une part,  aucun calendrier n’a été fixé et que, d’autre part, il n’est pas fait mention d’une dénucléarisation «vérifiable et irréversible» comme le réclamaient les Etats-Unis avant le sommet de Singapour ; ce qui risque d’être appréhendé, par certains observateurs, comme étant un recul de la part de Donald Trump.

En second lieu, figure l’arrêt des exercices militaires américano-sud coréens ; ce qui était une exigence pour la Corée du Nord qui considère que ces entrainements constituaient une source de tensions récurrentes entre les deux voisins.

Mais si «la présidence sud-coréenne a déclaré ne pas avoir été prévenue de l’arrêt de ces manœuvres», il est à noter, toutefois, que, dans sa conférence de presse, le président Donald Trump a signalé que celles-ci pourraient reprendre «si les futurs négociations avec Pyongyang ne se déroulent pas comme prévu».

A retenir, également, que si le président Trump a affirmé qu’il mettrait fin aux sanctions à l’encontre de la Corée du Nord lorsque «la menace nucléaire sera complètement abandonnée», le document n’évoque ni lesdites sanctions ni même la conclusion finale d’un traité de paix alors même que, d’un point de vue technique,  les deux Corées sont toujours «en état de guerre» depuis la trêve qu’ils avaient signé en 1953.

En outre, il n’est pas dit dans le document signé par Trump et Kim Jong-un que les soldats américains présents en Corée du Sud vont se retirer de la péninsule coréenne dans l’immédiat.

Or, pour pousser Pyongyang à renoncer à son arsenal nucléaire qui constitue une sorte d’assurance-vie pour la Corée du Nord, Donald Trump s’est formellement et personnellement  engagé à lui apporter «des garanties de sécurité» qui, selon Milke Pompeo, le secrétaire d’Etat américain aux Affaires étrangères, seront «uniques» et différentes» de celles promises jusqu’à présent.

Enfin, les deux pays s’engagent à restituer les restes des soldats morts au combat avec un «rapatriement immédiat» de ceux déjà identifiés.

Mais, s’il est encore prématuré de dire que la rencontre de ce 12 Juin 2018 à Singapour entre Donald Trump et Kim Jong-un va mettre un terme à un conflit qui perdure depuis plus de six décennies, il ne serait pas inopportun de considérer que ce sommet pourrait constituer un premier pas, voire même un pas de géant, vers une dénucléarisation de la Péninsule coréenne et, par voie de conséquence, vers l’instauration d’une paix définitive et durable dans la région. Or, comme il ne serait pas de bonne guerre,  pourrait-on dire,  de négliger le coté imprévisible et intempestif des deux signataires du fameux document de Singapour, attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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