Depuis la mi-novembre, les rues et les places de toutes les grandes villes d’Italie sont secouées par des manifestations d’un genre nouveau – tenues sous le signe de la sardine – où sont absentes les banderoles mais qui sont une condamnation claire et sans équivoque du fascisme et des discours de haine et de souverainisme incarnés par Matteo Salvini et sa Ligue.
Ainsi, dimanche dernier et malgré la pluie battante, ce sont au moins 25.000 «sardines» qui se sont retrouvées sur la Piazza del Duomo à Milan.
Mais d’où vient ce mouvement et pourquoi ses membres ont-ils choisi la sardine comme emblème?
Ce mouvement est né du désir de quatre jeunes trentenaires (3 hommes et une femme) de la ville de Bologne de lancer une contre-manifestation d’un genre nouveau afin de s’opposer à la venue, le 14 novembre dernier, de Matteo Salvini, dans la capitale de l’Emilie-Romagne, à l’effet d’y lancer la campagne de sa candidate Lucia Borgonzoni pour l’élection régionale du 26 Janvier 2020.
Bastion de la gauche italienne, l’Emilie-Romagne est depuis de nombreuses années classée parmi les premières régions italiennes en matière de croissance et d’emploi car le chômage y touche à peine 6% de la population active.
Le choix des quatre jeunes hommes se serait porté sur la sardine au motif que, par son humilité, ce poisson symboliserait cette Italie travailleuse qui refuse la résignation. Leur message en forme de boutade ? «Pas de drapeau, pas de parti, pas d’insulte. Créez votre propre sardine et participez à la première révolution piscicole de l’histoire».
En quelques jours, ce message s’est répandu sur les réseaux sociaux, tel une trainée de poudre, si bien que le 14 novembre ce sont quelques 15.000 «sardines» qui, pour voler la vedette à Matteo Salvini qui organisait son meeting au Palais des Sports de Bologne, ont décidé de se retrouver au même moment sur la Piazza Maggiore au centre de la ville et de s’y tenir «bien serrés, comme dans une boite de sardine» pour symboliser leur cohésion face à l’extrême-droite. Les sardines étant muettes, le rassemblement des anti-fascistes s’est donc fait dans le calme malgré la présence de quelques 15.000 manifestants soucieux de se démarquer du vacarme bouillonnant de Matteo Salvini.
Le 18 novembre, alors que les salvinistes s’apprêtaient à tenir leur meeting à Modène, ce sont près de 7.000 «sardines» qui leur ravirent, encore une fois, la vedette en chantant «Bella ciao».
Ainsi, en l’espace de deux semaines, ce sont près d’une cinquantaine de rassemblements des « sardines » qui ont été organisés partout en Italie et, le 2 décembre, alors que Matteo Salvini était en Belgique, quelques 200 « sardines » lui ont emboité le pas en se regroupant sur la place Henri-Conscience à Anvers. Un meeting similaire est prévu le 14 décembre à Paris.
C’est donc plus par la forme que par le fond que les «sardines» se démarquent de tous les autres mouvements qui les ont précédé, plus par leur ton courtois et policé et par la modération que par des passions ou des excès. Aucune insulte, aucune invective, du jamais vu, certes, et qui, de surcroît, n’en est pas moins subversif, pour autant…
Ce choix de comportement a fait dire à Romano Prodi, l’ancien président du Conseil italien et président de la Commission européenne lors d’un colloque qui s’est tenu à Florence ce lundi: «Je n’avais jamais vu de manifestation qui appelle à la civilité de ton».
C’est donc par l’humilité, la civilité, la courtoisie et la modération que les «sardines» comptent battre à plate couture le bouillonnant Matteo Salvini et mettre un terme à la progression de l’extrême-droite en Italie. Y parviendront-elles ? Rien, pour l’heure, ne permet d’en douter au vu de leur impact mais attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi