Thaïlande: Le roi Rama X fait face à un mouvement de révolte inédit

Nabil El Bousaadi

C’est qu’il n’est vraiment pas dans de beaux draps, le roi de Thaïlande, et c’est le moins que l’on puisse dire en ce moment où un mouvement d’une ampleur inédite conteste sa fortune, son style de vie et son absolutisme et exige qu’il se conforme aux limites d’une monarchie constitutionnelle.

En effet, depuis le début de cet été, les rues de la capitale, Bangkok, voient défiler des dizaines de milliers de manifestants qui réclament, non seulement un nouveau gouvernement qui ne soit pas issue de cette junte militaire qui a mis en place un système politique qui a creusé les inégalités de salaires et favorisé les secteurs «de pointe» au détriment des classes pauvres et rurales du Nord et du Nord-Est mais, également, une nouvelle constitution «démocratique» qui réformerait profondément l’institution monarchique.

Cette dernière exigence qui bouscule sans ménagement le trône thaïlandais constitue, incontestablement, un tournant dans l’histoire d’un pays où la personnalité des souverains, quasiment sacrée, a toujours été intouchable. C’est à ce titre, d’ailleurs, que les figures-clés de la monarchie – à savoir, le roi, la reine, le prince héritier et le régent – ont toujours été protégées par l’article 112 du Code pénal, violemment décrié dès lors qu’il permet d’emprisonner pour une durée maximale de quinze années, toute personne reconnue coupable de crime de lèse-majesté.

Mais, outre le fait qu’il dispose de pouvoirs exorbitants fortement dénoncés par le mouvement pro-démocratie, Maha Vajiralongkorn Bodindradebayavarangkun, 68 ans, roi de Thaïlande ayant pour nom dynastique Rama X, use d’un comportement carrément provocateur lorsqu’au lieu de se préoccuper du sort de ses sujets à l’heure où le monde entier est ébranlé par la pandémie du nouveau coronavirus, il passe le plus clair de son temps en Allemagne dans un hôtel des Alpes bavaroises à se pavaner au milieu de dizaines de «compagnes».

Aussi, ce sont des milliers de manifestants qui, ce dimanche, ont, de nouveau marché dans les rues de Bangkok en transportant un cercueil en carton, grandeur nature, sur lequel est inscrit «Va en enfer !» et à l’intérieur duquel gît un mannequin représentant le Premier ministre Prayut Chan-O-Cha porté au pouvoir en 2014 à la faveur d’un coup d’Etat puis «légitimé» par les élections controversées de l’année dernière. «Nous ne voulons pas renverser la royauté, nous voulons l’adapter à la société» déclarera un étudiant pro-démocratie. Mais, alors qu’ils souhaitaient rejoindre le Grand Palais de Bangkok pour remettre au roi des correspondances sollicitant la tenue d’un dialogue portant sur la réforme de l’institution monarchique, les manifestants en ont été empêché par un important déploiement des forces de l’ordre.

Anon Nampa, un des leaders du mouvement pro-démocratie thaïlandais mis en examen pour «sédition» mais récemment libéré sous caution tout comme plusieurs autres têtes d’affiches de la contestation,  a formulé, sur son compte Facebook, le souhait que le monarque puisse changer «de comportement une fois pour toutes» et devenir «le roi de tous les peuples». Il ajoutera : «J’espère que Votre Majesté acceptera le dialogue pour résoudre toutes les crises» que traverse le pays.

Interrogé sur une éventuelle refonte de la monarchie, Rama X qui a répondu qu’il aime «tout le monde de la même manière (et que) la Thaïlande est un terre de compromis» acceptera-t-il de se plier, enfin, aux injonctions de la rue en réformant l’institution monarchique conformément aux espérances de la jeunesse du pays ? Attendons pour voir…

Étiquettes ,

Related posts

Top