Le dixième Congrès national du Parti du progrès et du socialisme est une occasion pour réfléchir en profondeur sur les développements de la situation générale et leur impact sur l’évolution du Parti, dans le cadre international, régional et national. En effet, le Parti a toujours tenu, depuis sa création il y a plus de soixante-dix (70) ans, à bien préciser ses concepts et à bien encadrer sa politique avec suffisamment de clarté quant à ses principes, l’imprégnant ainsi du rationalisme qui le met à l’abri de toute déviation possible en l’absence de cette immunisation idéologique et politique. Cette démarche, respectée par le Parti dans tous ses Congrès, est un travail collectif sur lequel veille le Comité Central, en tant que cadre d’expression de l’intelligence partisane collective, et qui confère toute sa valeur à la production intellectuelle et idéologique du Parti, notamment à l’occasion de la préparation du Congrès, en procédant à l’analyse des données et du contexte politiques dans lequel il se tient. Après avoir participé pendant vingt (20) ans à la gestion gouvernementale, le Parti est en droit de s’interroger, dans le cadre d’une réflexion collective globale et complète, sur ce qui a été réalisé et ce qui ne l’a pas été parmi nos objectifs du changement et des réformes démocratiques, loin de toute autosatisfaction béate ou toute auto-flagellation abusive. Ces «thèses politiques» constituent un moment privilégié pour procéder à une profonde et rigoureuse introspection et pour tenter de comprendre le sens de l’étape et prospecter les horizons qui s’annoncent, par rapport aux responsabilités politiques, organisationnelles et historiques du Parti, sachant qu’au cœur de la philosophie organisationnelle sur laquelle s’appuie le Parti se trouve la vertu de la critique et de l’autocritique, auxquelles doit recourir le Parti de manière méthodique pour mieux garantir l’efficience de son action. Le Parti du Progrès et du Socialisme est en effet une école particulière pour mettre l’analyse scientifique et objective au service du «décryptage» d’une réalité complexe et pleine de contradictions. La réalité dans le cadre de laquelle se meut le Parti est, en effet, de nature complexe, tiraillée entre des tendances et des rapports de force contradictoires, à même d’exercer parfois des pressions sur la vie politique et militante, exigeant par conséquent que le Parti fasse preuve d’une assez haute capacité à la fois de résistance, d’objectivité et de clairvoyance pour traverser les zones de «turbulence» avec le moindre coût possible. Et cela, en recourant toujours et sans complaisance, à la sagesse et à l’objectivité, afin de préserver son identité fondamentale dans la prise de position et son expression, à sa manière, et avec le style particulier qui lui est reconnu et qui le distingue dans le champ politique national. Partant de ces considérations de principe, les «thèses politiques» s’articulent, dans une approche logique et cohérente, autour de six (6) axes :
LE PARTI DU PROGRES ET DU SOCIALISME ET LE PROCESSUS POLITIQUE
Cette partie sera consacrée à l’effort analytique du Parti pour appréhender les développements de la vie politique, à travers son interaction avec elle, en passant par la question constitutionnelle et la centralité de la question de l’unité territoriale, et en s’arrêtant sur la question de la participation du Parti au gouvernement depuis près de deux décennies ainsi que sur la carte politique marocaine, ses composantes et les relations qu’elles entretiennent entre elles.
CHAPITRE I
LA NECESSITE D’UN REGARD CRITIQUE SUR LE PARCOURS DU PARTI A L’EGARD DE LA CHOSE POLITIQUE
Il s’agit, dans ce chapitre, de rappeler quelques concepts fondamentaux, comme le Parti s’est accoutumé à le faire à l’occasion de la rédaction des documents politiques de ses congrès successifs, notamment lors des VIIIe et IXe Congrès. Plus particulièrement, ce rappel concernera les questions liées au processus démocratique et à la question du «compromis historique», à la question des accords et des alliances et à la question de la dialectique de la stabilité et des réformes.
Le processus démocratique est en effet un concept normatif, que le Parti a innové au milieu des années soixante-dix du siècle dernier, pour la sortie du pays du cycle de la violence, de la crispation, de l’instabilité et de l’absence de démocratie et pour le constat et l’analyse d’une dynamique politique nouvelle qui coïncidait avec l’unanimité nationale autour de la question de la récupération du Sahara marocain.
Le concept de « processus démocratique » renvoie théoriquement à une méthodologie non linéaire ; il renvoie à une dynamique dialectique qui connaît un mouvement de flux et de reflux, en fonction des rapports de forces en présence, entre les forces démocratiques et progressistes, d’une part, et les forces conservatrices et réactionnaires, d’autre part. Et c’est la caractéristique de l’essence même de l’action politique : des hauts et des bas, des avancées et des reculs, et non pas une ligne droite. Le cours du « processus démocratique » connaît en effet des étapes de développement et d’autres de « freinage », sinon de reflux, et de ces reflux naissent souvent plus tard des succès, l’Histoire ne s’arrêtant pas, parce qu’elle est une structure dialectique infinie.
C’est également le cas du «compromis historique» et des «consensus», dont la finalité est la recherche de solutions médianes aux antagonismes et divergences, permettant aux partenaires de travailler ensemble sans être nécessairement en accord absolu. Quant aux «consensus», c’est une méthodologie adoptée par les partenaires qui laissent leurs divergences de côté pour travailler la main dans la main dans une étape historique donnée, sachant que le «consensus» n’est pas «l’unanimité», qui signifie un accord total et sans aucune divergence.
Et c’est dans ce cadre que doit être envisagée la question des «alliances», que le Parti considère, pour rappel, comme fondée sur une approche dynamique et non pas figée, car il s’agit d’une question incontournable dans le cadre de la carte politique et partisane marocaine, vu que la sociologie électorale dans notre pays ne permet pas l’apparition d’un parti politique qui pourrait jouir de la majorité absolue. Ce qui implique impérativement la recherche d’une majorité composée de plusieurs partis divers (la diversité peut être relative ou forte, en fonction des circonstances). C’est d’ailleurs ce qui s’est passé depuis 1998 jusqu’à nos jours.
Enfin, parmi les questions essentielles qui fondent l’approche du Parti dans son encadrement de la chose politique il y a sa foi dans la dialectique de la stabilité et des réformes, c’est-à-dire dans la nécessité historique et impérieuse de la stabilité, qui ne tient bien qu’en symbiose avec la logique de la réforme, qui doit concerner la pratique politique, administrative, économique et sociale, dans un environnement régional trouble.
Tous ces concepts encadrant l’action politique ont été expérimentés depuis près de quarante années et la réalité en a confirmé la justesse ; ce qui conforte profondément le Parti dans ses convictions à ce sujet.
CHAPITRE II
OU EN SOMMES-NOUS DANS LA MISE EN ŒUVRE DE LA CONSTITUTION DE 2011 ?
La Constitution et sa charge politique
Le Parti du progrès et du socialisme a adopté, dès le premier instant, c’est-à-dire dès le discours royal du 9 mars 2011, une position positive à l’égard de la question de la réforme constitutionnelle, fidèle en cela à ses positions antérieures pour la réforme de la Constitution de 1996 et la consolidation du choix démocratique, et s’appuyant sur la forte teneur réformiste et la dimension moderniste prometteuse du discours royal précité, et sur ce que cette réforme profonde que la loi suprême allait apporter. Il convient de rappeler ici que le Parti a adopté de manière systématique une attitude positive sur la question de la réforme constitutionnelle depuis 1992 (à la différence des autres composantes du mouvement démocratique et progressiste marocain), en passant par la Constitution de 1996 jusqu’à la Constitution de 2011 que le Parti a considérée, vu sa forte charge rénovatrice, comme la véritable deuxième Constitution du Royaume (et non pas la sixième si on retient le simple classement chronologique). C’est, en effet, une loi suprême dont la rédaction a été le fruit de larges consultations, qui ont impliqué les diverses composantes du champ politique, syndical et social marocain, et qui a introduit des réformes substantielles, que le Parti a saluées en toute sincérité à ce moment-là.
Le Parti du progrès et du socialisme considère que la Constitution de 2011 est un acquis précieux dont il convient d’être fier pour la charge réformatrice qu’elle a apportée et pour l’engagement de sa mise en oeuvre pratique, qui a commencé, même si, paradoxalement, cette mise en œuvre de ses dispositions, dans leur esprit et leur lettre, reste assez lente, au niveau de toutes les pratiques politiques et institutionnelles.
Cette lenteur peut être constatée d’abord au niveau du chapitre des droits économiques et sociaux. Le citoyen ressent cette lenteur dans son vécu quotidien et regrette que les promesses contenues dans la nouvelle Constitution ne se traduisent pas encore concrètement dans sa vie quotidienne.
Ensuite, cette lenteur peut être enregistrée au niveau des principes et des institutions relatives à la bonne gouvernance. La Constitution, bien qu’elle ait apporté un ensemble conséquent de facteurs de rénovation dans ce domaine (celui des principes, des institutions et des pratiques), il reste indéniable que, même si la mise en œuvre a commencé, cette opération reste hautement tributaire des pesanteurs du champ politique marocain, et avance à un rythme trop lent, sans motif raisonnable. Beaucoup d’institutions, soit n’ont même pas été mises en place, soit leurs structures n’ont pas été renouvelées, alors que la Constitution les dénomme dans son Titre XII (article 160) : «Les institutions et instances de protection des droits et libertés, de la bonne gouvernance, du développement humain et durable et de la démocratie participative».
Enfin, cette lenteur apparaît également au niveau des principes de la parité, de la solidarité et de l’exercice des libertés et des droits, car la politique réformatrice et volontariste de l’Etat dans ces domaines, et dont la consécration a requis des révisons radicales, ne sont encore qu’à mi-chemin sur la voie de la réalisation des objectifs recherchés.
La lenteur qui caractérise la mise en œuvre de tous ces chantiers donne l’impression qu’il existerait une sorte de réticence dans la concrétisation des engagements de la Constitution de 2011 à travers des politiques à exécuter effectivement sur le terrain, sachant que le Parti du progrès et du socialisme n’est pas convaincu de cette thèse, du moins en ce qui concerne les décideurs stratégiques, dont l’engagement officiel atteste de leur attachement à l’Etat de droit et des institutions. Partant de là, notre pays a un besoin impérieux aujourd’hui à ce que l’Etat et les différents partenaires du champ politique tiennent à ce que l’opération réformiste reprenne avec plus de volontarisme, en commençant par la mise en œuvre des différentes dispositions de la Constitution, dans leur esprit et leur lettre.
La Constitution de 2011 et la dialectique de la rupture et de la continuité
La valeur ajoutée de la Constitution de 2011 a été que grâce à la procédure suivie dans sa rédaction, elle a réussi à réaliser une heureuse synthèse qui a favorisé un consensus politique très fort, et qui a permis par la suite de traverser de manière efficace et au moindre coût les turbulences engendrées par ce qui a été appelé «printemps arabe».
Ses rédacteurs ont réussi en effet à bien maîtriser la dialectique de la rupture et de la continuité, dans la mesure où la teneur conceptuelle, morale, culturelle, politique, institutionnelle et juridique de la Constitution est très riche. Elle a puisé ses significations profondes dans la richesse de la culture politique marocaine qui est capable d’assimiler des composantes aux référentiels divers dans une coexistence constructive. Et c’est précisément grâce à cette sagesse que la Constitution marocaine peut mieux que d’autres produire cette énergie créative qui conjugue les atouts de la légitimité royale et de la légitimité démocratique. Et c’est ce qui pousse certainement le Parti du progrès et du socialisme à avoir confiance dans la Constitution de 2011 comme fruit consensuel avancé, qui associe la légitimité royale rénovée (la continuité) et la légitimité démocratique électorale (la rupture) dans l’élaboration d’un modèle politique national qui développe un régime démocratique avancé, fondé sur l’Etat des institutions et des droits démocratiques.
Le besoin d’adaptation du modèle politique marocain pour la poursuite de la réforme
A l’instar du « modèle économique », le modèle politique marocain, malgré ses contributions dans la consolidation des fondements de la stabilité et son aptitude au début des processus de l’édification démocratique, a montré quelques défaillances qu’il convient de prendre en compte, afin de corriger, sans tarder, ce qui doit être corrigé. Le modèle politique marocain est un bloc composé de facteurs intellectuels, philosophiques, éthiques, juridiques, politiques, institutionnels, économiques, sociaux et constitutionnels, tels des affluents qui versent dans un seul et grand fleuve qu’on appelle «modèle politique». Evidemment, ce dernier porte l’empreinte de chacun de ces affluents qui l’alimentent et qui contiennent les «gènes» de l’étape historique actuelle, l’étape de la transition démocratique encore inachevée, dans le contexte d’une transition démographique et sociale qui, pour sa part, influe sur l’image du pays et sa dynamique continue. C’est ainsi que le modèle politique national est empreint par les caractéristiques de la réalité dialectique, pleine de contradictions, où coexistent des facteurs positifs et d’autres négatifs. Ce qui le rend ouvert sur plusieurs donnes, qui peuvent l’habiliter à réaliser encore plus de succès, comme elles peuvent l’exposer à l’arrêt, ne serait-ce que temporaire. D’où le rôle des forces politiques responsables, qui doivent attirer l’attention sur les points de faiblesse et veiller à leur dépassement, avec l’audace et la rapidité nécessaires, dans le cadre de la coopération positive et constructive entre les institutions et les acteurs politiques. C’est cette approche dialectique qui confère aux analyses du Parti du progrès et du socialisme toute leur sagesse, leur objectivité, leur force et leur potentiel d’anticipation.
CHAPITRE III
LA QUESTION DE LA CONSOLIDATION ET DE L’ACHEVEMENT DE L’INTEGRITE TERRITORIALE DU MAROC, A TRAVERS LE RENFORCEMENT DES FONDEMENTS DE L’UNANIMITE NATIONALE ET LA RELANCE D’UNE DIPLOMATIE PROACTIVE
La consolidation de l’intégrité territoriale du Maroc est une cause sacrée, qui fait l’objet de l’unanimité de la nation, fondée sur une conviction profonde qui ne souffre d’aucune tache, car soutenue par des données historiques que rien ne peut falsifier. La récupération du Sahara marocain en 1975 a marqué le processus politique marocain, en figurant en tête de l’agenda politique national. Le Parti du progrès et du socialisme réaffirme avec la même conviction nationale profonde son attachement à la marocanité des villes occupées de Sebta et Melilia et des îles avoisinantes, tout en appelant à l’ouverture de négociations avec l’Espagne sur cette question. Ces deux villes occupées par le colonialisme espagnol demeurent au cœur d’une revendication nationale unanime. Le Parti du progrès et du socialisme considère encore que l’unanimité nationale qui caractérise la position des Marocains à ce sujet doit être renforcée et immunisée à travers le renforcement du front intérieur, la poursuite de la promotion des chantiers de développement dans nos provinces sahariennes et la valorisation de la culture hassanie.
Le Parti exprime également son soutien total à la diplomatie de l’ouverture que mène notre pays sous la conduite royale éclairée, et qui a enregistré de nombreux succès dans le continent africain où le Maroc n’a eu que trop de querelles.
Ce succès africain vient s’ajouter au grand succès diplomatique réalisé par le Maroc en 2007 lorsqu’il a exposé sa proposition du statut d’autonomie interne, dans le cadre de la souveraineté marocaine. L’opinion publique internationale a salué cette initiative et l’a accueillie avec beaucoup de considération, ce qui a aggravé l’embarras de nos adversaires, qui sont acculés aujourd’hui dans des positions plus que jamais défensives, après avoir pendant longtemps joui de positions offensives leur permettant de réaliser quelques acquis, qui paraissent bien fragiles aujourd’hui. C’est le Maroc qui se trouve aujourd’hui dans une position offensive, et il faut renforcer cette tendance.
Le Parti considère aussi que les autorités, plus particulièrement celles du Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale, devraient associer de manière effective les différents partenaires politiques pour mettre à profit leur force de proposition et impliquer les acteurs qui appartiennent aux différents organes nationaux dans ce qui ce qu’on appelle la diplomatie parallèle, en soutenant toutes les initiatives qui visent à diffuser le message marocain dans ce domaine.
Ce qui requiert également une vigilance permanente, car les adversaires persistent dans leur hostilité envers notre pays. Cette même vigilance doit être présente au sein de l’Etat, de la société et des institutions quant aux impératifs d’immuniser l’intégrité territoriale, la stabilité et la sécurité. Notre Parti saisit cette occasion pour saluer de nouveau les rôles importants que jouent les forces armées royales, et à leur tête leur Chef Suprême, Sa Majesté, le roi Mohammed VI, dans la défense de l’intégrité de notre patrie, ainsi que les autres forces de sécurité, dans la lutte contre le terrorisme et la défense de la sécurité et de la stabilité du pays.
CHAPITRE IV
VINGT ANS DE PARTICIPATION DU PARTI AU GOUVERNEMENT
Vingt années se sont écoulées depuis que le Parti a entamé l’expérience de la participation à la gestion des affaires publiques au sein de gouvernements de coalition, notamment dans le cadre de « l’alternance consensuelle », sous la direction de Monsieur Abderrahman Youssoufi, puis, dans sa continuité, dans le gouvernement de Monsieur Driss Jettou, auquel a succédé une autre équipe gouvernementale sous la direction de Monsieur Abbas El Fassi, avant l’arrivée du Parti de la justice et du développement au gouvernement, sous la présidence de Monsieur Abdelilah Benkirane puis de Monsieur Saadeddine El Othmani.
Aujourd’hui, nous sommes en droit de nous interroger sur la justesse de la position adoptée quant à cette participation, durant ces vingt années, en toute objectivité et avec toute la rigueur nécessaire, loin de toute logique d’autosatisfaction ou, à l’inverse, de dévalorisation, parce que dans les deux cas, on s’éloignerait de la méthodologie analytique, posée et réfléchie, fondée sur la prise en compte des principes et des résultats.
Le Parti et la participation au pouvoir exécutif
Le Parti prend toujours ses positions essentiellement à partir d’un référentiel principiel, qui considère que le premier critère auquel il doit recourir dans la prise de toute position est qu’elle soit dans l’intérêt du pays et du peuple. Quant à la question de la contribution à l’action gouvernementale, il faut rappeler que le Parti ne choisit pas, par principe, de se positionner de manière volontaire dans l’opposition.
Par contre, il a le courage de prendre ses responsabilités pour participer au gouvernement chaque fois que les conditions de cette participation et son intérêt pour le pays sont réunies.
C’est sur la base de ces positions que le PPS a choisi de participer à la gestion gouvernementale depuis mars 1998 jusqu’à aujourd’hui, étant entendu qu’il lui revient d’en évaluer les aspects positifs et négatifs.
Ce que le Parti a gagné a consisté à mettre son capital militant et cognitif au service de l’enrichissement du programme gouvernemental et de son développement, aux côtés des autres forces participantes, surtout dans des secteurs tels que : l’éducation nationale, l’agriculture, l’enfance, les affaires sociales, la communication, l’habitat et l’urbanisme, la santé, la culture, l’emploi, la formation professionnelle et l’eau. Le Parti du progrès et du socialisme a montré en effet pendant ces deux décennies qu’il était un parti non seulement armé de principes et de valeurs nobles, dont aucune action gouvernementale ne peut se passer, mais qu’il disposait aussi un excellent réservoir de compétences.
De même, il convient de souligner à ce sujet que la contribution du Parti du progrès et du socialisme à l’équipe exécutive a apporté une valeur ajoutée à l’image du Maroc, considéré désormais comme un pays engagé sur la voie d’une démocratie naissante, contribuant ainsi au succès de l’alternance dans la gestion des affaires publiques, et par là-même, à la consolidation des fondements de la stabilité. Et le Parti ne peut qu’exprimer sa fierté d’avoir sa part dans ce service rendu à la patrie. Cependant, et malgré tout cela, il n’est pas question de dépeindre la réalité tout en rose. La vérité requiert de s’arrêter aussi sur notre faiblesse, en tant que famille de pensée et d’action politique, devant la lenteur que connaît le processus d’édification de la démocratie politique et de la justice sociale ; deux chantiers sur lesquels influent d’autres volontés politiques, différentes des volontés et du référentiel du Parti.
En plus de cette lenteur, il faut reconnaître que le positionnement du Parti dans le gouvernement durant ces deux décennies a ancré au sein de l’opinion publique nationale en général et parmi certaines forces sociales, en particulier celles traditionnellement attachées au Parti, une image stéréotypée et étriquée, qui voudrait en résumé signifier que le Parti aurait renoncé durant cette période aux luttes qui étaient les siennes quand il était dans l’opposition.
En fait, il apparait que le Parti n’a pas bien conduit sa politique de communication, notamment en montrant que la participation au gouvernement n’est pas moins un autre front de lutte et de combat, caractérisé, comme tous les autres fronts de lutte, par des succès et des échecs. Mais cela ne nous dispense pas de l’obligation de reconnaître, également, que le Parti n’a pas fait, à travers ses structures et ses outils, suffisamment d’efforts pour encadrer les luttes des masses populaires, dans leurs diverses expressions.
Dans le contexte d’une réalité politique complexe, la décision de la participation a été juste
La vérité impose de reconnaître que la réalité politique marocaine est une réalité complexe. Elle est sous l’emprise d’une carte politique d’une extrême complexité, caractérisée essentiellement par l’existence de partis politiques de natures diverses, dans un contexte de régression des courants de la gauche (dont notre Parti) et de perte de nombreuses positions idéologiques, organisationnelles et électorales, parallèlement au développement des positions des courants de l’islam politique et à l’apparition de nouveaux rôles assignés aux partis nés dans la mouvance de l’Administration.
C’est cette réalité politique qui conditionne la problématique gouvernementale et nous rappelle que l’action politique implique d’agir sur la réalité telle qu’elle est et non pas telle que l’on voudrait qu’elle soit, à condition, évidemment, que l’objectif suprême reste la transformation de cette réalité dans le sens positif, en vue d’améliorer la situation des gens.
C’est sur la base de ces principes-là que le Parti a pris la décision de participer au gouvernement, décision qui fût parfois plus difficile à prendre, plutôt que celle de se replier dans l’opposition, notamment lors de la participation au gouvernement Benkirane.
CHAPITRE V
LA SCENE POLITIQUE ET SES ACTEURS
Une réalité complexe encadrée par un arsenal juridique en développement et une pratique démocratique en régression
L’analyse objective de la réalité politique marocaine ne peut que réfuter les jugements absolus qui, sous prétexte du développement de l’arsenal juridique, tendent à nier les lacunes et les carences qui surviennent en cours de route. De même il faut refuser le discours qui, partant des reculs enregistrés ici et là, nie l’orientation générale qui demeure positive.
La valeur ajoutée de notre analyse est justement qu’elle prend la mesure de ce double phénomène de manière méthodique. En effet, qu’il s’agisse du texte constitutionnel ou des lois organiques le complétant, la volonté de parachever l’édification d’un système moderne combinant les accumulations civilisationnelles avec les inspirations des normes de la modernité apparait avec évidence, bien qu’il soit impérieux d’insister sur le fait que l’étape historique actuelle requiert le respect rigoureux des exigences du succès de la transition démocratique. Ce qui implique le nécessaire respect par l’Etat de ses engagements démocratiques, au niveau de tous ceux qui exercent l’autorité, aussi bien au niveau central qu’au niveau territorial, surtout pendant les périodes électorales, qui ne supportent plus aujourd’hui aucune forme d’ingérence, qu’elle soit directe ou indirecte. C’est là une condition essentielle pour insuffler un nouveau souffle à la participation démocratique, qui pâtit déjà du phénomène de la désaffection et qui n’augure de rien de bon.
Un champ partisan qui a besoin d’une autonomisation plus affirmée de la décision politique
L’un des piliers essentiels de l’ordonnancement constitutionnel marocain est son option, depuis 1962, pour le multipartisme, avec comme corollaire, la reconnaissance des rôles constitutionnels, politiques, institutionnels et sociaux des partis, notamment à l’occasion de la réforme constitutionnelle de 2011. Cette reconnaissance de principe implique que soient garanties toutes les conditions appropriées pour que les partis politiques puissent s’acquitter de l’ensemble de leurs missions, dans un climat d’initiative, de liberté et d’autonomie, tant qu’ils respectent scrupuleusement les règles constitutionnelles du Royaume. Tout le monde y sera gagnant, d’abord les partis, ensuite le processus constitutionnel et enfin la pratique démocratique et sa maturation.
L’unique ligne rouge qu’il est défendu de franchir est constituée par les constantes de la Nation, dont les composantes sont passées du nombre de trois à quatre dans le cadre du nouveau texte constitutionnel ; la quatrième constante, celle de « l’option démocratique », s’ajoutant alors aux trois premières (la religion musulmane, l’intégrité territoriale et le régime monarchique).
C’est dans ce sens que la vie partisane pourra compléter et soutenir la vie institutionnelle, qui s’enrichira, avec l’apport de ces partis -dans la diversité de leurs origines et de leurs horizons-, en idées, en énergies, en expériences et en compétences. Et s’ils se trompent, le Maroc demeure un Etat des institutions, dont l’arsenal constitutionnel et juridique dispose de suffisamment de moyens pour corriger cela. Mais si les partis perdent leur propre identité, ils ne serviront à rien, aussi bien sur le plan de la pratique de l’action institutionnelle qu’au niveau des rôles de médiation qu’ils sont censés jouer pour contribuer à surmonter les difficultés quand elles surviennent.
Les tensions sociales, à la croisée des chemins du politique et de l’économique
La jeune démocratie marocaine se caractérise par son aptitude à contenir toutes les formes de tension sociale, à travers lesquelles les citoyens expriment leurs inquiétudes et leurs revendications, dans le cadre de la pratique de la liberté d’expression et de manifestation pacifique que consacre la Constitution.
En effet, le Maroc se distingue de plusieurs pays, à niveau politique équivalent, et est cité en exemple dans ce domaine. Cependant, ces manifestations des tensions sociales, qui se sont multipliées ces derniers temps, commencent à être souvent affrontées avec une certaine « nervosité », qui risque d’ouvrir des perspectives qu’on ne peut souhaiter. Il faut accorder l’intérêt nécessaire à ces manifestations, afin d’y mettre fin, tant que les revendications sociales exprimées requièrent un traitement social, pour éviter leur instrumentalisation par ceux dont les agendas politiques sont douteux.
Le Maroc a besoin aujourd’hui d’une nouvelle approche interactive dans la gestion des manifestations pacifiques. Cette approche impose à l’Etat le respect rigoureux des dispositions constitutionnelles et juridiques y afférentes, sans crispation. Comme il impose aux manifestants le respect total des exigences de la manifestation pacifique, loin de la violence, orale ou matérielle, et de tous les actes de provocation qui ne peuvent conduire qu’à aggraver inutilement la tension, vu que la manifestation n’est pas une fin en soi mais plutôt une forme d’expression populaire, pour transmettre des messages déterminés et ouvrir le dialogue, qui reste un des mécanismes essentiels pour une pratique démocratique mûre.
Les structures d’encadrement social ont besoin d’un souffle nouveau pour promouvoir le modèle marocain
L’Etat moderne est encadré par deux sortes d’institutions : d’une part, des institutions pour gérer l’exercice de l’autorité et, d’autre part, des institutions, qui ne sont pas de moindre importance que les premières, pour encadrer la société.
Le Parti du progrès et du socialisme considère que les institutions qui encadrent la société, vu le rôle important qu’elles jouent sur la scène sociale marocaine, doivent jouir d’une position privilégiée pour la promotion de la vie sociale et politique démocratique, notamment les partis, les syndicats et les associations non gouvernementales dont regorge la société marocaine. Considérant le dynamisme et le renouveau qu’elles insufflent aux institutions de la bonne gouvernance, elles méritent une attention plus grande de la part des autorités publiques, afin qu’elles puissent jouer efficacement leur rôle, en toute indépendance et en toute responsabilité, dans la promotion du modèle politique et économique marocain.
Par ailleurs, le champ syndical paraît souffrir pour sa part des mêmes difficultés que connaissent les autres structures d’encadrement social. Le syndicalisme, qui est combattu et dont les centrales syndicales sont divisées, est en régression. L’apparition d’un nouveau phénomène, à savoir la création de « coordinations » qui concurrencent l’action syndicale traditionnelle, contribue à son tour à cet affaiblissement. Le Parti du progrès et du socialisme ne peut que réitérer son attachement à l’unité des rangs syndicaux, dans l’optique de l’unification de l’action syndicale et du renforcement de son rôle.
La nécessité d’instaurer la confiance entre les institutions pour asseoir l’action politique sur des fondements solides
La vie démocratique dans les pays qui ont développé ce modèle politique éminent se fonde sur le principe du partage du pouvoir entre les principaux acteurs politiques. Car, l’éthique démocratique signifie l’acceptation de l’autre, l’acceptation de sa légitimité, l’acceptation de sa différence, l’acceptation de règles du jeu (« jeu » dans le sens noble du terme), et l’acceptation, finalement, de la coexistence dans un espace commun, au service de l’intérêt général. Ce sont-là les fondements éthiques de la démocratie, qui ne peut être réduite à la seule pratique du « vote », malgré son importance.
Quant au Maroc, le « conflit des légitimités » depuis le début de l’ère de l’indépendance au milieu des années cinquante du siècle dernier, a conduit à un grand malentendu historique, entre la légitimité royale, profondément enracinée dans l’histoire, et la légitimité partisane, acquise dans la lutte contre le colonialisme (même si cette donnée est partagée avec l’institution monarchique, qui a joué son rôle dans ce domaine). Ce « conflit » a conduit en effet à gaspiller un temps politique précieux au lendemain de l’indépendance. De précieuses occasions ont été ratées dans l’édification politique, économique et sociale du pays, et cela jusqu’au début des années soixante-dix, quand fut engagée la lutte pour l’unité territoriale, ouvrant ainsi des horizons prometteurs, dans le cadre de ce que nous avions appelé le « processus démocratique », qui a permis l’édification des ponts entre la légitimité monarchique, la légitimité partisane et la légitimité modernisatrice et démocratique. Le but était alors de fonder ces « ponts » sur la confiance, pour que la politique soit pratiquée sans « arrières pensées » occultes.
Aujourd’hui, et c’est le plus important, la conviction partagée que la légitimité partisane n’est pas en concurrence avec la légitimité monarchique, mais en a plutôt besoin, et que la légitimité monarchique n’est pas non plus en concurrence avec la légitimité partisane, doit prévaloir chez tous. Car les deux légitimités s’unissent ensemble, pour garantir la stabilité, qui est devenue une denrée rare dans la région et qu’il faut préserver avec suffisamment d’intelligence politique et d’ouverture d’esprit. C’est du moins la conviction profonde du Parti du progrès et du socialisme, qui considère que c’est la voie la meilleure pour construire les consensus dynamiques qui ouvrent des horizons devant l’avenir du Maroc et des Marocains, parce que le modèle politique et de développement alternatif doit être consensuel, fondé sur la confiance, ou ne sera pas.
C’est pourquoi, le Parti du progrès et du socialisme compte fermement déployer tous les efforts nécessaires pour contribuer, dans le cadre de son positionnement politique, à concrétiser ces consensus créatifs, fondés sur la confiance.
CHAPITRE VI
QUE FAIRE ? DANS QUELLE PERSPECTIVE ? AVEC QUI ?
LES EXIGENCES DE L’EDIFICATION DE L’ETAT NATIONAL ET DEMOCRATIQUE
L’horizon stratégique du Parti du progrès et du socialisme : bâtir des consensus avancés, au service du pays et des citoyens
Le Parti du progrès et du socialisme conçoit sa ligne politique dans une perspective stratégique précise et ne se contente pas d’élaborer des positions tactiques qui répondent à des conjonctures passagères. Car l’absence d’intégration de la dimension stratégique et à long terme dans tout acte politique le vide de tout sens et le transforme en un simple acte mécanique, sans signification ni efficacité. Le Parti considère la dimension démocratique dans son approche politique, la dimension humaine, dans son approche sociale et la dimension du développement dans son approche économique, en se basant sur la méthodologie consensuelle comme la clef de l’efficience des politiques publiques. Et si le Parti insiste à ce propos sur le mécanisme du consensus avancé, c’est parce qu’il s’appuie sur l’intériorisation de l’intelligence collective de la Nation, considérant qu’il ne peut y avoir d’avenir pour une approche politique qui ne soit pas acceptée par de larges pans de l’opinion publique. Evidemment, le consensus ne signifie pas l’unanimité mais plutôt une entente générale sur un cadre général, auquel adhère tout le monde, d’une manière positive, autour de ce qui fait l’objet du consensus, tout en préservant le droit de chacun d’avoir des réserves ou des divergences sinon des griefs à formuler. Le consensus ne veut pas dire l’annulation du débat démocratique mais il lui confère plutôt une dose de pertinence et de maturité et l’éloigne des crispations inutiles.
Le Parti pense fermement que c’est la seule approche méthodologique apte à assurer le succès de l’édification de l’Etat national et démocratique, qui permettra d’élargir le cadre de la pratique des droits et des libertés et de se doter des mécanismes de la bonne gouvernance politique, sociale et économique, à travers un usage créatif de la dialectique de la réforme et de la stabilité, dont le Maroc possède tous les atouts pour la réussir. C’est une approche qui épargne au Maroc les querelles superficielles et stériles et qui garantit le succès dans l’épreuve de la transition démocratique qui, elle-même, se nourrit de cette dialectique. Le Parti insiste fortement sur cette dialectique et invite les diverses forces politiques à l’appuyer.
Le Parti du progrès et du socialisme tend la main à toutes les forces nationales sincères qui partagent ses convictions
Loin de tout enfermement sur soi, le Parti tend la main à toutes les forces nationales sincères qui partagent cette foi dans les exigences de la dualité de la réforme dans la stabilité, pour développer la bonne gouvernance et édifier la société de la justice sociale, de la démocratie et de la modernité.
Cette position suppose que la première condition pour construire les ponts de l’action commune est de porter cette conviction de la dualité de la réforme et de la stabilité, qui écarte naturellement tous ceux dont le référentiel exclut cette stabilité institutionnelle et politique, comme elle écarte l’action commune avec ceux qui agissent en dehors des constantes nationales, constantes dont la force référentielle et la solidité juridique sont consacrées par la Constitution. Cette position du Parti écarte enfin tous ceux qui ne souhaitent pas développer la bonne gouvernance dans notre pays et qui ne font pas de la justice sociale leur préoccupation.
Ce sont-là des exigences de principe, qui éclairent le Parti dans sa quête de la réponse à la question « Que faire » ? Car, plus que jamais, il est impérieux d’insuffler un nouveau souffle politique, avec des réformes démocratiques avancées ; un souffle qui soit capable de générer une nouvelle dynamique politique, qui rassure l’opinion publique pour qu’elle retrouve l’enthousiasme qui lui a ouvert plein d’horizons il y a près de vingt ans. Ce qui ne se réalisera qu’avec la reprise des réformes pour l’édification du modèle politique marocain.
(A suivre)