Ahmed Saâri, le «Google du théâtre marocain»

C’est une mémoire vivante, l’un des vétérans et précurseurs du théâtre marocain. Ahmed Saâri ou le  «Google du théâtre marocain» comme beaucoup d’amis et de professionnels du domaine aiment l’appeler, a beaucoup donné au paysage culturel et théâtral national. Une longue carrière qui s’est étalée sur de nombreuses années de recherche et de travail rigoureux.

On le connait pour avoir initié un bon nombre d’acteurs et de comédiens au champ artistique. Des noms de la scène culturelle, même actuelle lui doivent beaucoup. Son nom est lié émotionnellement au quartier Derb Sultan… où il a vu le jour en 1940 dans une maison de Derb Lihoudi. Et comme beaucoup d’enfants de sa génération, Saâri a mené une vie paisible sous le ciel de ce quartier de la ville blanche où il a fait ses études, d’abord dans les écoles coraniques et ensuite, au sein d’établissements scolaires. Amoureux du 7e art, Saâri fréquentait  les salles obscures de Derb Sultan, entre autres le cinéma théâtre Al Malaki, El Kawakib. Une belle époque où il fit la découverte du reste du monde  à travers l’image et le cinéma ouvert sur les autres continents. Très jeune, Ahmed Saâri s’est adonné au théâtre. Ses débuts remontent aux années 50.

C’est en 1956, à l’âge de 16 ans, que le comédien entame son parcours artistique dans la «troupe de théâtre marocaine» qui regroupait une belle brochette de comédiens et de dramaturges marocains tels que Tayeb Saddiki, Ahmed Tayeb Laâlej, Mohamed Afifi et Abdessamad Kenfaoui. Que de grands noms qui avaient jeté les fondements d’un théâtre national enraciné dans sa culture populaire et millénaire, mais aussi ouvert sur l’universalisme.

Après 9 ans d’ expérience, Ahmed Saâri est devenu en 1965 professeur au Conservatoire municipal de musique, de danse et d’art dramatique de Casablanca qui a donné naissance à d’autres noms et futures figures emblématiques de la scène théâtrale nationale dont le couple Aziz Saâd Allah et Khadija Assad, les comédiens Houcine Beniaz (Baz), Fouad Saadllah, Smail Abou Lknater  et  Miloud El Habachi et d’autres artistes. Incontestablement, le conservatoire était, à l’époque, une véritable pépinière où ont été formés, dans les règles de l’art, des artistes talentueux et porteurs d’une vision et d’un projet culturel dans un contexte où le pays vivait dans les années 60 et 70 de véritables changements sur tous les plans y compris artistique. Saâri ayant côtoyé la génération de son époque notamment casablancaise, entre autres Mustapha Dassoukine, les frères El Badaoui, Abdelaadim Chennaoui a contribué au dynamisme culturel et artistique de sa ville natale. En outre, avec le monstre sacré du théâtre marocain, Tayeb Saddiki, il a été la cheville ouvrière  du Théâtre municipal de Casablanca pendant plus de 13 ans.

A cette époque, l’établissement accueillait les artistes de renommée internationale et les troupes nationales qui avaient l’habitude d’entamer leurs tournées nationales à travers ce théâtre. L’histoire de ce petit bijou s’est arrêtée malheureusement avec sa démolition en 1984. Une véritable perte pour la ville et sa population!

Un « Père spirituel » pour certains, un «Google du théâtre marocain» pour d’autres, Saâri aune mémoire forte et infaillible où sont gardées précieusement les adresses des artistes. Il a joué pendant des années le rôle d’impresario, un «métier» qui était nouveau au Maroc. C’est vers lui que se dirigeaient les réalisateurs marocains ou étrangers quand ils avaient besoin du contact d’un profil.

Ahmed Saâri est aussi un grand acteur qui a enrichi la filmographie marocaine. Le comédien est connu par son militantisme et sa lutte pour les droits sociaux et culturels des artistes marocains. Longue vie à Ahmed Saâri.

Mohamed Nait Youssef

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