Même si près de deux mois le séparent encore du 1er Janvier 2019, date de son investiture en tant que nouveau président du Brésil, Jair Bolsonaro, cet ancien capitaine de l’armée nostalgique de la dictature militaire qui avait gouverné le pays de 1964 à 1985, qui, à l’âge de 63 ans, a pris les commandes du plus grand pays d’Amérique latine, a déjà commencé à dessiner les contours de son équipe gouvernementale. Ainsi, nous apprenons qu’il a accordé l’important portefeuille de la Justice et de la Sécurité publique, à Sergio Moro, le héraut de la lutte anti-corruption dans le pays et tombeur de Lula et que celui-ci a déclaré, dans un communiqué, que c’est «la perspective de mettre en œuvre de fortes mesures contre la corruption et le crime organisé» qui l’a poussé à donner une suite favorable à la proposition du prochain chef de l’Etat.
On apprend, également, que le poste de chef du gouvernement sera occupé par Onyx Lorenzoni, celui de l’Economie par l’économiste ultra-libéral Paulo Guedes qui va aider Bolsonaro à mettre en marche son plan économique axé sur l’austérité fiscale, le contrôle des dépenses ainsi qu’un processus de concessions et de privatisations, que le portefeuille de la Défense sera attribué au général de réserve Augusto Heleno Ribeiro et, enfin, que le ministère des Sciences sera dirigé par l’astronaute Marcos Pontes.
Par ailleurs et conformément à ses promesses de campagne faites à l’effet de combler « le déficit monstrueux » des comptes publics, Jair Bolsonaro entend faire «avancer très vite la réforme des retraites». Le prochain président du Brésil compte même «armer les gens biens»; une mesure qui, à ses yeux, va incontestablement faire baisser la violence car un voleur qui se sait pouvant être abattu sans délai ni procès va réfléchir à deux fois avant de commettre son forfait. Aussi, le prochain ministre de la Défense propose-t-il que des snipers d’élite abattent les criminels armés même en dehors de confrontations.
Soucieux, tout de même, de «protéger l’environnement sans que cela n’entrave le progrès», le nouveau chef de l’Etat a corrigé sa promesse de campagne afférente à la fusion des ministères de l’Agriculture et de l’Ecologie.
Mais ce sont les relations extérieures du Brésil qui vont connaître un bouleversement de taille puisque le nouveau chef de l’Etat entend nouer de nouvelles alliances et prendre des décisions «spectaculaires». La première décision, et elle est de taille, a trait au transfert de l’ambassade du Brésil en Israël de Tel Aviv à Jérusalem ; ce qui va incontestablement chambouler les relations du Brésil avec les pays arabes et qui fait dire, dans «Le Monde», à Guilherme Casaroes, professeur de relations internationales à la Fondation Getulio Vargas de Sao Paulo, que c’est là «un grand risque qu’a pris Jair Bolsonaro (car) le Brésil a beaucoup à perdre à froisser les pays du Moyen-Orient et peu à gagner vis-à-vis d’Israël».
Le nouveau président du Brésil entend, également, effectuer ses premiers déplacements à l’étranger au Chili, aux Etats-Unis et à Israël.
S’étant félicité de l’accession de Jair Bolosonaro à la tête du Brésil, le Président du Conseil italien Matteo Salvini a immédiatement demandé à ce dernier d’extrader Cesare Battisti, le «terroriste rouge» ancien membre du groupe des Prolétaires Armés pour le Communisme (PAC) condamné par contumace par la Justice italienne pour quatre assassinats mais qui s’était vu accorder l’asile politique au Brésil par l’ancien président Lula.
Et si, selon certains analystes, la victoire de Bolsonaro réside moins dans l’adhésion à un projet de société que dans l’approbation d’un candidat antisystème qui a su incarner le «rejet de la politique et des politiques» et qui est parvenu «à faire passer l’image d’un homme fort, adepte de la ligne dure qui va combattre la corruption», il semble que celui qui, dès son premier discours, retransmis en direct sur Facebook, avait manifesté son désir de «changer le destin du Brésil» soit vraiment sur le point de le faire. La politique n’étant pas une science exacte et, de surcroît, pleine d’aléas – notamment en matière de relations internationales – attendons pour voir…
Nabil Bousaadi