Congrès de la section de l’enseignement supérieur PPS

Enseignement supérieur: les experts déplorent un déficit de gouvernance de la réforme

Youssef Kouari: «le Fonds national d’appui aux recherches scientifiques et au développement technologique devrait être activé»

Les maux de l’université ne sont un secret pour personne. Des spécialistes du secteur, réunis vendredi à Rabat à l’occasion du congrès de la section de l’enseignement supérieur du Parti du progrès et du socialisme (PPS) dans le cadre de la préparation du 10e congrès du parti, ont tenté d’apporter des réponses aux défaillances du système. D’emblée, le secrétaire général du PPS, Mohamed Nabil Benabdallah a planté le décor : «Les tentatives de réforme menées au cours de ces dernières années n’ont pas permis d’atteindre les objectifs escomptés», a-t-il déploré. Le leader du PPS explique cet échec par un déficit de gouvernance de la réforme, pointant du doigt la multiplicité des intervenants. Pour lui, le rôle de chaque partie impliquée dans le processus de réforme devrait être clairement précisé. « Il faudra également définir un calendrier d’exécution de la réforme », a-t-il insisté. Et d’ajouter que la problématique de l’enseignement supérieur reste intimement liée à la gestion des ressources humaines. Nabil Benabdallah considère que la réforme ne peut être menée sans l’implication des ressources humaines du secteur, appelant notamment le syndicat national de l’enseignement supérieur à se positionner comme une force de proposition.

Les partis politiques sont également appelés à apporter leur pierre à l’édifice. Car «le débat politique est la base de toute réforme», a-t-il insisté. Il faudra également consolider la réflexion au niveau de l’université. Car, rappelle le SG du PPS, «l’université constitue un lieu de réflexion à même de préparer des visions de réforme». Le monde universitaire est notamment appelé à contribuer à la réflexion lancée sur l’élaboration du nouveau modèle économique. Cependant, les défis à relever pour renforcer le rôle de l’université demeurent nombreux. Le secrétaire général du Syndicat national de l’enseignement supérieur évoque la nécessité de booster les investissements publics dans le domaine de la recherche scientifique.  Les panelistes ont été unanimes à souligner que ce domaine reste embryonnaire. En 2016,  les chercheurs marocains n’ont produit que 5.425 publications. «Le Maroc se classe ainsi 4e en Afrique du Nord après l’Egypte, la Tunisie et l’Algérie», a fait savoir Mohamed Sahabi, vice-président chargé de la recherche scientifique et du partenariat à l’Université Chouaib Doukkali d’El Jadida. Par contre, les dépôts de demande de brevets ont progressé, passant de 1240 en 2016 à 2105 l’an dernier. Une nuance est de mise : «c’est la valorisation de ces brevets qui compte et non pas le fait de les déposer», estime Mohamed Sahabi. Le Maroc souffre en fait d’une pénurie de chercheurs. L’on compte à peine 13.000 chercheurs.

Tous les participants à cette journée d’étude ont fustigé la faiblesse du dispositif d’aide à l’innovation et à la recherche et développement. Fatima Zaoui, enseignante à la Faculté de médecine dentaire de Rabat, estime que le Maroc manque réellement d’un dispositif  d’aide à la publication. Elle n’y va pas par quatre chemins pour dénoncer les dernières réformes de l’enseignement, particulièrement l’introduction du système LMD (licence, master, doctorat). Pour elle, la réforme LMD a transformé l’enseignant en transmetteur du savoir au lieu de producteur du savoir du fait de l’augmentation de la charge de travail.

Face à cette situation, ces experts du secteur ont prodigué des conseils pour faire de l’université un espace propice à la recherche scientifique et à l’innovation (RSI). La première recommandation est de réviser la loi 00-01 portant organisation de l’enseignement supérieur afin d’y introduire un chapitre sur la RSI. Mohamed Sabihi prône également le retour à la contractualisation entre l’université et l’Etat pour garantir le financement des travaux de recherches scientifiques. Ceci-dit,  «le Fonds national d’appui aux recherches scientifiques et au développement technologique devrait être activé», insiste de son côté, Youssef Kouari, coordinateur de la section de l’enseignement supérieur du PPS. «Cela devrait être accompagné par la création de centres d’études doctorales et de laboratoires de recherches au sein des universités», ajoute Kouari.

Le privé est aussi appelé à la rescousse. Fatima Zaoui suggère surtout aux pouvoirs publics d’exiger que les investisseurs étrangers délocalisent une partie de leur recherche et développement au Maroc. Pour l’heure, la contribution du privé demeure faible, avec seulement 30% en termes de financement des recherches tandis que le public contribue à hauteur de 68%. Les travaux financés dans le cadre de la coopération internationale ne dépassent pas 2%. D’où l’appel à la création d’une agence de gestion et de montage des projets financés dans le cadre de la coopération internationale, à l’instar de la Tunisie qui se positionne devant le Maroc en matière de recherche scientifique. Enfin, le intervenants s’accordent aussi à souligner la nécessité de réformer le statut de l’enseignant chercheur. L’idée est d’instaurer un système de reconnaissance et de gratification pour la production scientifique reconnue à l’international.

Hajar Benezha

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