Les hommes sont-ils des «monstres», des dangers à l’épanouissement des femmes ? Il faut dire que la plupart des études sur la promotion des droits des femmes fustigent généralement tous les hommes, au point où avec le temps, l’image de la gent masculine a été écorchée. Peu d’études mettent en avant les figures positives d’hommes investis dans leurs rôles. C’est dans ce sens qu’a été menée l’enquête Images sur «les masculinités et l’égalité des sexes» dans la région Rabat-Salé-Kénitra. Les résultats de l’étude présentés mardi à Rabat révèlent entre autres que 80% d’hommes sont favorables à une égalité de salaires en milieu professionnel.
C’est mardi dernier que le bureau régional d’ONU-femmes pour les Etats arabes a révélé les résultats de son étude menée en 2016, en partenariat avec l’Agence suédoise de coopération internationale au développement. L’objectif de cette enquête étant est de mettre en lumière les perceptions des hommes sur leur identité masculine, a indiqué Leila Rhiwi, représentante du Bureau Multi-pays de l’ONU Femmes pour le Maghreb.
L’étude propose de faire une lecture comparée de la vie des hommes en tant que pères, fils, maris et au travail, dans la vie publique pour comprendre leur perception de leur statut et leurs attitudes en faveur de l’égalité entre les sexes. Elle évalue également les connaissances et les attitudes des hommes et des femmes, entre autres, en matière de loi et de politiques concernant l’égalité entre les sexes, l’emploi et les quotas politiques pour les femmes, l’autonomisation économique des femmes et la violence. Elle a été réalisée auprès de 2.889 ménages de la région Rabat-Salé-Kénitra dont la moyenne d’âge est comprise entre18 à 59 ans.L’ échantillon de ménages représentatif de la grande région de Rabat-Salé-Kénitra est réparti sur 80 communes urbaines (grandes, moyennes et petites) et rurales appartenant aux provinces et préfectures de Rabat, Salé, Kénitra, Skhirate-Témara, Khémisset, Sidi Kacem et Sidi Slimane.
Selon l’étude, il apparait que 61% d’hommes non-mariés dans la région considèrent qu’il est important que la future conjointe travaille après le mariage. 73% des femmes non-mariées partagent également la même opinion. En outre, l’enquête révèle que dans le monde du travail, contrairement aux idées généralement véhiculées, 80% des hommes sont en faveur de l’égalité des salaires. Les femmes le sont un peu plus, soit 93%. De même, il ressort que 70% des hommes accepteraient de travailler sous la direction d’une femme (contre 87% des femmes). Toutefois, 41% d’hommes jugent que les femmes sont trop émotives pour être dirigeantes. Une idée partagée également par 36% de femmes.
Si les femmes (91%) défendent davantage la légitimité de leur rôle dans le monde du travail et la vie publique, selon l’enquête, 67% d’hommes considèrent que les femmes devraient occuper des postes de responsabilité politique. Malgré quelques avancées sur la perception des hommes des femmes, il apparait toutefois que 70% des hommes ont une vision patriarcale des rôles au sein du ménage. 70% affirment que «la responsabilité la plus importante de la femme est de s’occuper de la maison et que l’homme soit avoir le dernier mot dans les décisions du ménage», affirme l’enquête. Dans le même sens, plus de 75% des hommes se considèrent comme responsables des femmes et estiment avoir un devoir de tutelle à leur égard.
Concernant la promotion de l’égalité entre les sexes, 87% de femmes contre 56% de femmes affirment que davantage de travail et d’efforts devraient être faits dans ce sens. De même, 50% d’hommes contre 48% de femmes pensent que l’idée de l’égalité entre les sexes ne fait pas partie des traditions et de la culture marocaine. Pour ce qui est des lois en faveur de la femme, l’étude montre que seulement 1/4 des hommes et 1/3 des femmes connaissent les dispositions de loi sur la violence à l’égard des femmes, le divorce, le mariage précoce et le quota pour la représentation politique des femmes au parlement. Selon Mohammad Naciri, directeur du bureau régional d’ONU-Femmes pour les États arabes, «en dépit du développement enregistré, il reste encore du travail à faire pour changer la perception patriarcale et les stéréotypes et préjugés qui réduisent le rôle de la femme». Il a appelé l’ensemble des composantes de la société, notamment les médias, à s’engager dans ce processus pour «promouvoir une image positive sur la masculinité».
Promouvoir une éducation égalitaire et non-violente dans la famille et à l’école
Dans ses recommandations, l’enquête plaide pour l’élimination des stéréotypes sexistes concernant les rôles sociaux, politiques et économiques des hommes et des femmes dans les manuels scolaires et l’élaboration de programmes éducatifs favorisant la culture de l’égalité. Elle préconise dans ce cadre d’initier dans les établissements scolaires des campagnes et d’initiatives pour sensibiliser les garçons et les filles dès le plus jeune âge au partage des tâches ménagères et l’intégration dans le cursus scolaire et universitaire de modules visant à renforcer les connaissances des jeunes sur l’égalité entre les sexes. Autre recommandation, l’enquête appelle à renforcer les capacités des femmes en matière de leadership, leur accès à l’emploi décent, parallèlement aux actions de sensibilisation des hommes au soutien des femmes et des filles sur le lieu de travail et à leur accès aux postes de direction.
Elle souligne la nécessité de favoriser des débats publics dans le but d’informer et de sensibiliser les hommes et les femmes aux lois existantes et réformes législatives en cours, afin de les amener à comprendre pourquoi de tels changements sont nécessaires et à percevoir les avantages qui en découlent et d’intensifier les mesures de prévention communautaires en vue d’éradiquer les normes encourageant la violence et inviter les dirigeants communautaires à prévenir la violence à l’égard des femmes et à responsabiliser les hommes qui recourent à cette violence.
D. Engolo