Haut Karabakh: Paris réclame un «droit de regard»

Nabil El Bousaadi

Bien que les affrontements entre Arméniens et Azerbaïdjanais, qui avaient capté pendant près de six semaines l’attention du monde entier, se soient apaisés et que les armes se soient tues après l’accord de cessez-le-feu conclu le 9 Novembre dernier sous l’égide de la Russie, force est de reconnaître que, sur le plan diplomatique,  rien n’est réglé et que plusieurs questions demeurent en suspens.

Qu’en est-il, en effet, du statut du Haut-Karabakh ou du devenir des 120.000 arméniens qui, devant l’ampleur des combats, avaient été contraints de quitter leurs foyers? Quel sort sera réservé aux 2.000 mercenaires syriens qui avaient été acheminés par la Turquie? Qu’en sera-t-il, enfin, de la souveraineté arménienne sur le couloir routier prévu entre l’Azerbaïdjan et la région autonome du Nakhitchevan si cet accord qui, pour l’Azerbaïdjan, a consacré d’importants gains de territoires, s’est également traduit par le déploiement d’une «force de paix» russe comprenant quelques 2.000 hommes  appelée à se mouvoir dans l’enclave du Haut-Karabakh et autour du corridor de Latchin, désormais, seul axe de communication entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan?

Autant de questions qui inquiètent les chancelleries occidentales et, au plus haut point, la France qui, en dépit de sa qualité de coprésidente du groupe de Minsk avec les Etats-Unis et la Russie et nonobstant ses appels téléphoniques à tous les protagonistes depuis le 27 septembre dernier – à savoir, Vladimir Poutine, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinyan –  s’était trouvée ravalée au rang de spectatrice.

Ce n’est que le 16 novembre que le président français qui tente, tant bien que mal, de reprendre pied dans le Haut-Karabakh après que son pays ait été mis sur la touche pendant plusieurs semaines, a pu s’entretenir, durant près d’une heure, avec son homologue russe. Au cours de cette communication téléphonique, Vladimir Poutine aurait signifié à Emmanuel Macron que c’est parce qu’elle avait été contrainte de parer au plus pressé vu l’avancée rapide des troupes de Bakou soutenues par les mercenaires syriens déployés par Ankara que Moscou n’avait pas fait appel à ses partenaires du groupe de Minsk.

Mais, en craignant que, dans le conflit qui oppose l’Azerbaïdjan à l’Arménie, la Russie et la Turquie – allié clé de l’Azerbaïdjan, détracteur du Groupe de Minsk et accusé, par la France, d’alimenter la crise dans le Caucase – ne puissent conclure un accord permettant à Ankara de déployer des troupes dans la région et excluant Paris et Washington des futurs pourparlers de paix alors même que la population française compte entre 400.000 et 600.000 personnes d’origine arménienne, Emmanuel Macron réclame, avec insistance, une «supervision internationale» à même de finaliser le statut du Haut Karabakh et d’organiser le retour des réfugiés arméniens et le départ des combattants étrangers, notamment les milices syriennes.

«Nous voulons que le Groupe de Minsk joue son rôle dans la définition de la surveillance du cessez-le-feu (…) Nous comprenons que les russes discutent avec les Turcs d’une formule possible, dont nous ne voulons pas, qui reproduirait le processus d’Astana pour diviser leurs rôles dans cette région sensible (…) Nous ne pouvons pas avoir d’un côté Minsk et de l’autre Astana. A un moment donné, les Russes doivent faire un choix» a déclaré, à la presse, un responsable de l’Elysée.

Enfin, si le processus d’Astana avait permis à la Russie et à la Turquie de mener des discussions bilatérales portant sur la meilleure manière de gérer le conflit syrien tout en écartant les puissances occidentales, le conflit du Haut-Karabakh a-t-il encore de très fortes chances de se muer en chasse gardée des deux pays? Attendons pour voir…

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