Manami Ito, le violon pour vaincre la perte de son bras

Sa prestation a crevé l’écran à la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques de Tokyo

L’archet fixé à sa prothèse de bras, Manami Ito a crevé l’écran avec son solo de violon à la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques de Tokyo le 24 août. Une performance brève mais qui en disait long sur sa détermination.

« J’ai pensé que je pourrais ainsi exprimer ma gratitude à tous les gens qui m’ont aidée », explique à l’AFP cette ancienne para-athlète japonaise de 36 ans, au regard qui pétille et à la joie rayonnante, entourée des siens chez sa mère à Shizuoka (ouest de Tokyo).

A 20 ans, alors qu’elle a commencé des études d’infirmière, elle perd son bras droit sous la roue d’un camion dans un accident. Le choc psychologique est terrible pour la jeune fille qui pense son avenir brisé.
« Je me suis dit que je resterais enfermée chez moi à vie. Je ne voulais pas que mes amis et voisins voient mon corps, ni qu’ils apprennent ce qui m’était arrivé, alors je ne sortais plus », se souvient-elle.
« Mais j’ai aussi vu que mes parents souffraient (…) Je me suis rendu compte que je ne pourrais pas les faire sourire si je ne souriais pas moi-même ».

Alors qu’elle est encore à l’hôpital, celle qui enfant « détestait perdre ou échouer » se jure de se remettre au violon, pour sa mère qui l’avait encouragée à en jouer quand elle était petite.
Elle essaie d’abord l’archet fixé à un pied avec des adhésifs. En 2009 elle finit par obtenir une prothèse de bras spécialement conçue pour qu’elle puisse jouer du violon, mais il lui faudra encore plusieurs années pour maîtriser la technique et oser jouer en public.

Manami Ito donne de l’impulsion à sa prothèse et à l’archet en roulant son épaule droite, un mouvement guère conventionnel pour jouer de cet instrument. Et pourtant, des notes en jaillissent, aussi fragiles que belles.
A chaque défi qu’elle se lance, le scepticisme de certains ne fait qu’accroître sa motivation: « Je veux montrer au monde que ce n’est pas parce que personne ne l’a fait que je ne peux pas le faire. »
C’est ainsi qu’elle a repris ses études, non sans difficultés, devenant en 2007 la première infirmière avec une prothèse de bras au Japon.

« La première prothèse de bras que j’ai eue n’était qu’un bras de mannequin, juste pour l’apparence (…) Au bout d’un moment j’ai réalisé que (cela) ne me serait d’aucune aide ».
Elle remue ciel et terre pour qu’on lui fabrique une prothèse manipulable, capable de l’aider pour son travail. Une fois diplômée, elle décide exprès de travailler loin de chez ses parents, à Kobe (ouest du Japon), pour prendre son autonomie.

A Kobe, la jeune femme redécouvre une autre de ses passions d’enfance, la natation, et décide rapidement de devenir para-athlète, s’entraînant après son travail.

Elle participe aux Jeux paralympiques de Pékin-2008 et Londres-2012, se hissant trois fois dans des finales sous son nom de jeune fille, Nomura. Sans décrocher de médaille, mais son principal objectif était ailleurs.
Au départ, « je ne voulais pas que quiconque voie mes cicatrices, la partie la plus vulnérable de mon corps. Mais j’ai commencé à penser à les exposer aux autres, sans quoi j’avais le sentiment que je ne pourrais jamais devenir forte (…). C’est pourquoi j’ai volontairement choisi la natation ».

Depuis son mariage en 2015, elle a cessé d’être infirmière et vit avec son mari à Itami, entre Kobe et Osaka, élevant leurs deux filles âgées de deux et cinq ans. Elle donne aussi des conférences sur son parcours, qu’elle conclut en jouant quelques airs au violon.

« La vie ordinaire que l’on tient pour acquise peut être détruite en quelques secondes (…) J’ai appris à quel point je suis chanceuse avec ce que j’ai déjà. Je dois apprécier les gens qui m’entourent, chérir la vie chaque jour. »
Son nouveau défi: faire qu’en grandissant, ses filles expliquent naturellement à leurs camarades qu' »être normal diffère d’une personne à l’autre et d’une famille à l’autre ».

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