Morsi, un mort qui va faire du bruit…

«Il a parlé devant le juge pendant 20 minutes puis il s’est animé et s’est évanoui. On l’a vite emmené à l’hôpital où il est mort plus tard».

C’est en ces termes que ce lundi 17 juin des sources judiciaires ont signalé à l’AFP la mort, après une audition au Tribunal du Caire, de l’ancien président égyptien Mohamed Morsi, 67 ans. Premier président égyptien démocratiquement élu et issu des «Frères musulmans», il avait été accusé de fomenter des actes terroristes. Rapidement écarté du pouvoir à la suite d’un coup d’Etat perpétré par son ministre de la Défense, le Maréchal Abdelfattah Al Sissi – actuel chef de l’Etat – il avait été maintenu en détention depuis 2013 pour plusieurs chefs d’inculpation dont principalement l’espionnage pour le compte de l’Iran, du Qatar et du Hamas à Gaza.

Après ce coup de force de l’armée, des milliers de membres des «Frères musulmans» et  l’insurrection jihadiste qui s’en était suivie et qui avait visé les forces s’était soldée par la mort de centaines de policiers et de soldats et ce, principalement dans le nord-Sinaï, devenu, depuis lors, un bastion du groupe Etat islamique.

La télévision d’Etat qui a évoqué une mort consécutive à «un arrêt cardiaque» a diffusé un communiqué du parquet général égyptien attestant que «le tribunal lui a accordé le droit de parler pendant cinq minutes (…) Il est tombé sur le sol dans la cage des accusés (…) et a immédiatement été transporté à l’hôpital où il est décédé». Le communiqué ajoutera qu’«il  est arrivé à l’hôpital à 16 h 50 précises et (qu’) il n’y avait aucune blessure nouvelle visible sur son corps».

Dès l’annonce de la mort de l’ancien président égyptien, dont les conditions de détention étaient régulièrement pointées du doigt par les organisations de défense des droits humains, Rupert Colville, le porte-parole du Haut Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme, auquel plusieurs ONG ont immédiatement emboité le pas, a réclamé qu’une enquête « minutieuse et indépendante » soit diligentée dans les plus brefs délais au motif que «toute mort soudaine doit être suivie d’une enquête rapide, impartiale, minutieuse et transparente menée par un organe indépendant afin de faire la lumière sur la cause du décès».

Et si, par ailleurs, il n’y avait plus de relations diplomatiques entre Ankara et Le Caire depuis l’éviction du président Morsi par son ministre de la Défense devenu président depuis lors, le Président turc Recep Tayyip Erdogan a été le premier chef d’Etat étranger à déplorer, devant un parterre de journalistes, la mort de celui qui, comme lui, est issu de la mouvance islamiste en déclarant : «Comme vous le savez, le tyran Al-Sissi, qui a pris le pouvoir en Egypte en supprimant la démocratie à travers un coup d’Etat, a, jusqu’ici, fait exécuter près de 50 égyptiens alors que l’Occident garde le silence». Il ajoutera : «Que Dieu accorde sa miséricorde à notre martyr, notre frère Morsi».

Cheikh Tamim Ben Hamad Al-Tani, l’émir du Qatar, a, pour sa part, exprimé «sa profonde tristesse» et adressé ses «condoléances fraternelles à sa famille et au peuple égyptien».

Aux journalistes de l’AFP venus l’interroger, Abdelmouneim Abdel Maksoud, l’un de ses avocats, a déclaré n’avoir même pas pu «le voir au tribunal à cause des parois de verre blindé du box insonorisé» et que ce sont d’autres détenus qui lui ont fait savoir, par des signes, «qu’il n’avait plus de pouls» avant de le voir «emporté dans une civière» de la prison de Tora vers un hôpital. Lequel ? Personne ne sait sauf ses geôliers.

Déclarant, dans un communiqué, que les mauvaises conditions de détention du défunt n’avaient pas d’autre but que celui «de tuer à petit feu» l’ancien président égyptien, le Parti de la Liberté et de la Justice de Mohamed Morsi, bras politique des «Frères musulmans», déplore, pour sa part,  un odieux «assassinat»; ce qui va immanquablement relancer le conflit entre les autorités égyptiennes qui, à l’occasion, font montre d’un silence assourdissant et la confrérie des «Frères musulmans», disséminée à travers l’ensemble du monde musulman qui, en criant, haut et fort, que Morsi est tombé en «martyr» de la répression exercée par l’Etat égyptien va, sans nul doute, appeler au jihad qui, à l’approche de l’été, ne peut que nuire grandement à la vocation touristique du pays des pharaons. Quoiqu’il en soit, attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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