Pourquoi les agriculteurs manquent de cran

Le marché financier se veut comme une nouvelle opportunité de financement pour un secteur agricole toujours en mal de fonds. Partant de ce constat, pourquoi les agriculteurs marocains n’y recourentils pas?

La plupart des activités économiques concernées par la production de matières premières sont gourmandes en capitaux. L’activité agricole n’échappe pas à cette règle.Aujourd’hui, le schéma traditionnel d’investissement ne suffit pas à lui seul, pour financer un secteur en pleine croissance, qui contribue à hauteur de 14% au PIB national. Au Maroc, le recours des exploitants agricoles au marché de capitaux demeure faible, voire quasi nul.

C’est un fait : les sociétés agricoles «Pure Player» sont toujours absentes des marchés financiers et ce, malgré une enveloppe de 100 milliards de DH allouée par le Plan Maroc Vert (PMV) pour pallier la difficulté des agriculteurs à recourir aux capitaux. L’architecture du secteur ne favorise pas le développement de ce nouveau moyen de financement. Les petits agriculteurs qui, d’ailleurs, représentent la majorité du tissu agricole, sont écartés d’office. Les règles prudentielles imposées à ce secteur pourraient également expliquer ce faible accès des agriculteurs au marché de capitaux. Déjà, l’octroi de crédit bancaire n’est pas chose facile. Le triptyque, fonds propre, prise de garantie et faible risque est difficile à concilier.

Pour l’heure, seuls les grands opérateurs osent ce schéma de financement.Il s’agit en général des entreprises dont l’activité est variée. Ainsi, la Bourse ou le marché de la dette privée comptent certaines sociétés agro-alimentaires très liées au secteur agricole marocain comme Cartier Saada ou Dari Couspate. D’autres à l’instar de Cosumar sont quant à elles des agrégateurs d’agriculteurs. On compte également des entreprises comme Zalar Holding, qui dispose d’un pôle d’abattage et d’un pôle d’aliments de bétail et qui s’est financé par la dette obligataire. D’autres émetteurs encore, comme Société des Brasseries du Maroc (SBM) ont diversifié leur activité dans l’oléiculture à travers des oliveraies.

En revanche, les sociétés agricoles à 100% ne pensent pas au marché financier, ni pour lever des capitaux, ni pour émettre de la dette privée.

Farid Mezouar, expert des marchés financiers, ex-directeur général de CFG Gestion et directeur exécutif de la société d’épargne FL Markets, nous explique cette absence par deux principaux facteurs. «Le premier est le désir de discrétion des grands agriculteurs qui peuvent ne pas éprouver le désir d’exposer leurs marges, leurs bénéfices ou leurs revenus, surtout que la taxation de l’agriculture était nulle avant 2014. En deuxième lieu, le cycle de production est parfois très long, sans compter la volatilité des réalisations, liée aux aléas climatiques.» «Par ailleurs, l’agriculteur a besoin de fonds en début de récolte quand l’incertitude ou le risque sont élevés», ajoute-t-il.

Groupe Avril, un modèle de financement pour les sociétés agricoles

Néanmoins, en cas de volonté collective d’ouvrir le secteur agricole aux marchés financiers, l’ingénierie financière peut trouver des solutions. A ce titre, nous pouvons donner l’exemple du montage du Groupe français «Avril». Fonctionnant selon un modèle économique structuré en filières, ce derniere st en relation avec près de 130 000 éleveurs et producteurs. Il exerce parallèlement à un métier agro-industriel un métier financier,en ce sens qu’il assure un accompagnement de tous les acteurs des filières par des prêts et des prises de participation minoritaire. En effet, la vocation du Groupe repose sur la valorisation des productions agricoles en développant les filières oléagineuses et protéagineuses. Avril a ainsi bâti une organisation dans laquelle chaque métier (transformation des graines, alimentation humaine, nutrition et expertises animales, énergie et chimie renouvelables…) crée de la valeur pour tous les maillons de la chaîne. Parallèlement, son modèle financier est basé sur le réinvestissement systématique de tous les résultats dans le développement des filières, selon une logique d’économie circulaire. La stratégie d’Avril repose sur la complémentarité de ses deux métiers : un métier agro-industriel organisé autour des filières du végétal et de l’animal, et un métier d’investisseur que le Groupe exerce à travers Sofiprotéol, société de financement et de développement.

Néanmoins, en cas de volonté collective d’ouvrir le secteur agricole aux marchés financiers, l’ingénierie financière peut développer et élaborer des solutions. Le montage du Groupe français «Avril» est un exemple à ce titre. Fonctionnant selon un modèle économique structuré en filières, ce dernier est en relation avec près de 130 000 éleveurs et producteurs. Il exerce, parallèlement à un métier agro-industriel, un métier financier, en ce sens qu’il assure un accompagnement de tous les acteurs des filières par des prêts et des prises de participation minoritaire. En effet, la vocation du Groupe repose sur la valorisation des productions agricoles à travers le développement des filières oléagineuses et protéagineuses. «Avril» a ainsi bâti une organisation dans laquelle chaque métier (transformation des graines, alimentation humaine, nutrition et expertises animales, énergie et chimie renouvelables…) crée de la valeur pour tous les maillons de la chaîne. Parallèlement, son modèle financier est basé sur le réinvestissement systématique de tous les résultats dans le développement des filières, selon une logique d’économie circulaire. La stratégie d’«Avril» repose sur la complémentarité de ses deux métiers : Le premier est agro-industriel organisé autour des filières du végétal et de l’animal. Le second est celui de l’investisseur que le Groupe exerce à travers Sofiprotéol, société de financement et de développement.

Avril crée une filière «Huile» au Maroc

Dans le cadre du Plan Maroc Vert, Sofiprotéol accompagne notamment au Marocle développement des filières de colza, tournesol et olive, à travers Lesieur Cristal. L’objectif étant faire de la filière « Huile »un levier prioritaire du développement agricole au Maroc.

D’ici à 2020, le Royaume souhaite doubler la production d’oléagineux à 230 000 tonnes, ce qui couvrirait 20 % des besoins. Telle est l’une des ambitions du Plan Maroc Vert qu’il a lancé en 2008. Pour atteindre cet objectif, Cristal a planté 1200 hectares d’oliviers et investi 14,8 millions d’euros dans un outil industriel qui triture 270 tonnes d’olives par jour. Les engagements d’ «Avril » à accroître la production d’huile ne se limitent pas aux plantations d’oliviers. La société française a entrepris de développer la culture de colza et de relancer le tournesol localement. Les premiers semis de tournesol et de colza ont eu lieu en 2013 sur 44 000 hectares. L’objectif du Plan Maroc Vert est de tripler cette surface en 2020, les deux tiers revenant au tournesol, une culture délaissée par les agriculteurs faute de rendements suffisants.

Aujourd’hui, nos sociétés nationales d’agriculture pourraient s’inspirer du modèle du Groupe «Avril»afin de solliciter les marchés financiers quand elles le souhaitent.

De la coopérative à la société anonyme

Les agriculteurs peuvent s’adonner à des coopératives dont l’activité a atteint sa maturité, à l’exemple de COPAG ; surtout que ces dernières peuvent très bien prendre la forme juridique d’une société anonyme (SA) pour s’ouvrir aux marchés des capitaux. Ainsi, les parts sociales seront transformées en actions nominatives et les coopérateurs deviendront des actionnaires.

«En cas de problème de trésorerie, le statut d’une société anonyme permettra aux agriculteurs-actionnaires, d’accéder aux marchés financiers et par conséquent, d’alléger leurs situations », nous explique Farid Mezouar. L’apport de nouveaux capitaux donnera, ainsi, une assise financière nécessaire et rassurante dans une période difficile, voire critique. Par ailleurs, la SA sera en mesure d’investir non seulement dans la croissance de l’activité mais aussi dans la qualité des produits agricoles, la communication et la commercialisation.

Enfin, pour conclure cette réflexion, nous pensons que sans la sollicitation du marché financier, le fait d’y être éligible donne l’indépendance et la force aux agriculteurs dans les négociations avec les banques.

Kaoutar Khennach

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