Décidément, à chaque fois qu’on se leurre de dire que la société marocaine a commencé à s’affranchir de la dictature de la pensée conservatrice, on découvre de ténébreuses poches de réticence au changement, au progrès, à l’innovation et au renouveau. La polémique en cours autour de la règle successorale du «Ta’sib» inscrite dans le Code marocain de la famille, en dit long dans ce sillage.
Après sa démission de la Rabita Mohammadia des Oulémas, Asmae Lamrabet, s’est retrouvé, faut-il le rappeler, au cœur d’une polémique qui s’est accentuée après la signature par quelques dizaines d’intellectuels d’une pétition demandant la réparation des préjudices que cause cette règle, dont on ignore les fondements, contre les femmes.
Il n’a fallu que la publication d’une pétition pour que les gardiens du temple sortent de leurs gonds et commencent à proférer des injures contre une citoyenne qui n’a fait qu’exprimer ses idées.
Rien d’étonnant ! Quand on fait la liste des détracteurs de l’ancienne directrice du Centre des études féminines en Islam, et on voit qu’elle comporte des figures salafistes comme l’autoproclamé «Cheikh» Hassan Kettani ! Celui-ci s’est félicité sur son mur Facebook de sa démission ouvrant le bal à une vague d’insultes et d’injures proférées par ses disciples vis-à-vis de Lamrabet.
Ainsi, oser mettre en avant des idées qui fâchent peut s’avérer une démarche périlleuse. Or, quand on jette un coup d’œil sur l’histoire, on s’aperçoit que le sort réservé à cette grande dame est très clément par rapport à ce qu’ont enduré des savants éclairés du rite malékite comme Al Chatibi, Ibn Roshd, Cadi Ayyad Sebti, etc.
Au-delà de la réaction au ras des pâquerettes d’un certain nombre de conservateurs salafistes, cette porte drapeau du féminisme musulman a le mérite d’avoir soulevé un débat scolastique qui a toujours existé entre les théologiens et érudits musulmans et qui s’impose avec acuité au vu de l’évolution de la société.
Ô combien avons-nous besoin d’un effort de renouveau venant de l’intérieur même du système religieux dans une société arabo-musulmane «déchirée entre un fondamentalisme qui veut reconstruire le présent sur le modèle d’un passé idéalisé et un modernisme importé qui rejette la tradition», comme l’a bien souligné notre grand penseur éclairé feu Abed El Jabri dans l’ensemble de son œuvre et en particulier dans son livre «La différence entre le salafisme des textes et le salafisme des fondamentaux».
D’autant plus que le principe du renouveau fait partie intégrante de la pensée musulmane.
Le prophète, paix et grâce sur lui, nul besoin de le rappeler, dit que «Dieu va envoyer à cette communauté chaque cent ans, (chaque siècle), un homme ou un groupe de personnes qui va renouveler sa religion».
Mohammed Taleb