Décès de Julio Anguita, ex-secrétaire général du PCE
Julio Anguita, une figure de proue de l’Espagne contemporaine, s’est éteint, samedi dernier à Cordoue, à l’âge de 78 ans. Il était Secrétaire général du Parti communiste d’Espagne, entre 1988 et 1998, et avait occupé, entre 1989 et 2000, le poste de coordinateur fédéral de l’«Izquierda Unida», une alliance politique et électorale dirigée par le PCE.
Julio Angueta avait rejoint le PCE clandestin en 1972 alors que la dictature du général Franco battait son plein avant de devenir moribonde.
Ce fut le temps où Santiago Carrillo et Dolores Ibarruri (La Passionaria), la présidente du PCE et auteure de la fameuse phrase «Nu pasaran!», étaient en exil et assuraient la direction du parti.
C’est dans ces conditions que Julio Anguita a fait ses premières armes militantes.
Premier maire communiste de Cordoue
Il faisait partie de cette première génération d’élus démocrates qui avait marqué l’Espagne de l’après Franco.
Il était le premier maire communiste de Cordoue, lors de la période de transition, en 1979, puis il avait rebiffé en 1983, pour un second mandat jusqu’en 1986.
Il a été également élu député régional d’Andalousie et aux Cortes (le Congrès des députés espagnols).
Et c’est à partir de 1988 que Julio Anguita jouera un rôle de premier plan au niveau du parti communiste. Il sera porté à la tête du PCE, après le départ de l’ex-secrétaire général Gerardo Engles, qui avait hérité de Santiago Carrillo un parti divisé et secoué par plusieurs tendances inconciliables et au score électoral le plus bas de son Histoire.
Le «Prof» et le «Kalife de Cordoue»
C’est à ce moment là que Anguita prouvera ses capacités à tenter de refonder le PCE, grâce à ses grandes qualités intellectuelles et d’historien.
Professeur d’histoire à l’Université de Cordoue, sa méthodologie faite de didactique et de pédagogie politique lui ont valu le sobriquet de «Le prof».
Notre camarade l’historien Abdelouahed Akmir, un ami du défunt, lui, retient plus celui du titre de «calife rouge» que la presse lui attribuait, pour avoir défendu ardemment pour le droit des musulmans d’avoir une mosquée à Cordoue.
Le même surnom était surtout dû, en comparaison avec le khalife de la dynastie des Amaouites, à ses nombreuses réalisations en tant que maire de cette ville de l’Andalousie qu’il avait dans le cœur et dans l’âme.
Mais sa popularité avait dépassé l’Andalousie natale (il est né à Fuengirola) pour atteindre le grand Madrid et la Catalogne pour ne citer que ces deux importantes régions d’Espagne, où il jouissait, partout, d’un grand respect pour son honnêteté, sa droiture et son humanisme, dépassant sa stature d’homme politique chevronné.
Un homme politique de grand talent
Avec son arrivée à la tête du PCE, en 1987, il a porté la pensée de la Gauche espagnole, obligeant le PSOE (Parti socialiste ouvrier d’Espagne) à changer sa formule qui voulait engloutir le PCE, passant de «La Maison commune» à «La cause commune» et envisager des alliances dans l’indépendance de chacun des deux partis.
Ainsi, il a réussi à améliorer sensiblement, en 1996, le score électoral du PCE et de l’IU, pour dépasser la barre des 10% et une vingtaine de députés.
Un dirigeant historique
Aussi, Julio Anguita s’est distingué, parmi les leaders historiques du PCE, pour avoir été le premier intellectuel à diriger le parti, depuis Jose Dias, SG de 1930 à 1944, qui était boulanger. Aguito n’avait pas la réputation de Dolores Irraburi, La «passionaria», SG du PCE entre 1944 et 1954, députée aux Cortes, en 1936, et porte-drapeau de La IIIème République en guerre contre le fascisme de Franco.
Il se distinguait aussi de Santiago Carrillo, initialement apprenti à l’imprimerie, qui assura, avec Ibarruri, la survie du parti lors de la clandestinité, depuis l’exil, et son incrustation dans la vie politique après la chute de la dictature de Franco.
Et si le contexte et les conditions, objectives et subjectives, étaient différents, le hasard de la vie a voulu que, avec les deux derniers SG du PCE, il a été secoué par le même drame familial. La Pasionaria avait perdu l’un de ses deux enfants dans la bataille de Stalingrad où, exilé, il s’était engagé dans l’Armée Rouge et défendait la république des Soviets contre le nazisme lors de la seconde guerre mondiale.
Carrillo, lui, perdra sa fille, infectée lors du confinement, après l’avoir sauvée, en même temps que sa campagne, en les faisant fuir de Madrid jusqu’en France…
Julio Aguita, lui aussi, a vécu un drame similaire avec le décès de son fils, en 2003 en Irak, atteint par un missile quand il couvrait, en journaliste de guerre, l’invasion américaine.
Il faudra dire que, depuis cette date, Julio, fortement affecté, s’est retiré, progressivement de la scène politique, préférant s’investir dans la base militante et la société civile, au sein du Collectif Prometheus et du «Frente Cívico Somos Mayoría», dont il était le fondateur.
A la fin de sa vie, il deviendra le «sage de l’Espagne» chez qui les politiques trouvaient conseil, tant Il était connu pour son intellectualisme, ses réflexions, analyses et critiques pertinentes.
Il laisse limage d’un fin analyste de l’historie du marxisme et de militant dévoué aux causes des peuples d’Espagne.
Qu’il repose en paix.
Mohamed Khalil