Attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
Après avoir rejeté tous les recours « en annulation » pour « fraudes massives » déposés par 13 des 17 candidats en lice pour les élections présidentielles du 27 décembre dernier et proclamé la victoire, au premier tour, du président sortant Faustin Archange Touadéra avec 53,16% des suffrages exprimés, la Cour Constitutionnelle Centrafricaine avait jeté de l’huile sur le feu car, à la mi-décembre, six des plus puissants groupes armés contrôlant les deux-tiers du pays s’étaient alliés au sein de la Coalition des Patriotes pour le Changement avec pour objectif clairement affiché d’empêcher la tenue desdites élections et de chasser le président Touadéra.
En reprochant à la plus haute instance judiciaire du pays d’avoir soutenu un « coup d’Etat électoral » et « insulté » le peuple centrafricain en validant les résultats d’un scrutin où n’a participé qu’un électeur sur trois, la CPC, qui, dès le 19 décembre, avait « juré de marcher » sur Bangui, avait lancé une offensive contre la capitale mais, à son arrivée aux portes de la ville le 13 janvier dernier, cette attaque fut repoussée par les 12.000 Casques Bleus de la Minusca, présents dans le pays depuis 2014, et par les centaines de militaires rwandais et paramilitaires russes qui avaient été dépêchés par leurs pays pour venir en aide au président Faustin Archange Touadéra.
Ayant officiellement appelé à boycotter le scrutin et apporté son soutien à la CPC, l’ancien président centrafricain François Bozizé (2003-2013) fut accusé, par le président Touadéra, d’être à la tête de la coalition des groupes armés ; ce que son parti, le Kwa Na Kwa (KNK) avait nié avec force. Aussi, une enquête fut ouverte, à son encontre, pour « rébellion ».
Mais, depuis le temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et ce qui était vrai, il y a quelques semaines encore, ne l’est plus aujourd’hui du moment que Serge Bozangua, le porte-parole de la CPC a indiqué, à l’AFP, que François Bozizé aurait répondu favorablement à « l’appel » des six groupes armés membres de la CPC, lui « demandant de prendre la tête » de la coalition « en qualité de coordinateur général ».
Mais qui est donc ce personnage qui après avoir revêtu le costume de chef de l’Etat endosse, avec une facilité déconcertante, celui de « coordinateur général » de groupes armées rebelles?
Arrivé à la tête de la République Centrafricaine en 2003, à la faveur d’un coup d’Etat, François Bozizé sera chassé du pouvoir et contraint à l’exil en 2013 par la Séléka, une coalition de groupes armés dominée par les musulmans.
Or, après avoir été accusé par l’Organisation des Nations-Unies d’avoir organisé, depuis son exil ougandais, la contre-insurrection sanglante qui avait été menée par des milices dites « anti-balaka », majoritairement chrétiennes et animistes auxquelles il aurait demandé d’accomplir des « atrocités » contre les musulmans, des atrocités qui se sont soldées par des milliers de morts et par le départ forcé de près du quart des 4,7 millions d’habitants du pays, ces milices avaient été inculpées, par les Nations-Unies, de «crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité » et François Bozizé avait été placé « sous sanctions » par l’ONU.
Enfin, si tout cela confirme les soupçons qui pèsent sur François Bozizé depuis son retour d’exil et notamment sa ferme intention de s’emparer du pouvoir huit ans après avoir été contraint de s’en dessaisir, rien n’indique que la CPC va lui permettre d’atteindre son objectif alors qu’elle sera appelée à affronter les 12.000 casques bleus de la Minusca lourdement armés et les centaines de combattants rwandais et russes, tous prêts à en découdre avec la rébellion. Alors, attendons pour voir…