Drame de Tanger :
La mort de 28 ouvriers dans une usine dite clandestine a meurtri tous les citoyennes, citoyens et résidents. Sur les réseaux sociaux, des messages de compassion et de condoléances ont été adressés par des anonymes du monde entier.
À la suite de ce tragique évènement survenu le lundi 8 février, de nombreuses informations ont circulé dans la presse, relayées par les réseaux sociaux. Atelier clandestin, ouvriers enfermés dans l’atelier, plus de 130 travailleurs présents dans les locaux, pas de protections sociales (CNSS)… Pour déceler le vrai du faux, nous sommes allés à la rencontre du dénommé El Boullaili Brahim, le frère de El Boullali Adil, gérant du tristement célèbre atelier de confection tangérois. En sa compagnie, trois ouvrières présentes au moment du drame. Les détails.
Karim Ben Amar
Depuis le lundi 8 février, tout le pays est en émoi après le drame survenu dans un atelier de confection à Tanger. Versions et allégations ont fusé de toutes parts dès la mi-journée du jour de la noyade des 28 ouvriers. Relayées par les réseaux sociaux, les rumeurs se sont répondues comme une trainée de poudre : atelier clandestin, plus de 130 ouvriers sous-payés travaillant dans une cave, pas de prestations sociales…
Pour livrer une information équilibrée à nos lecteurs, l’équipe d’Al Bayane est allée à la rencontre de Brahim El Boullaili, frère du gérant de l’atelier de textile où a eu lieu la catastrophe.
Il est près de 18H ce mercredi 10 février, lorsque nous rencontrons Brahim et trois ouvrières à proximité du commissariat principal de la ville de Tanger, situé non loin, de la Place des Nations. Dossier à la main, Brahim dénonce «les informations mensongères qui ont accaparé l’espace médiatique sur les réseaux sociaux, et notamment Facebook».
«On en a vu de toutes les couleurs depuis lundi. Entre la perte de camardes pour lesquels nous sommes tous profondément dévastés et l’acharnement que nous subissons, nous sommes au bord du suicide», atteste-t-il, larmes aux yeux.
Depuis le désormais «lundi noir», l’information principale présente dans toute la presse est que l’atelier de textile en question travaille dans la clandestinité, en toute illégalité. Or, le frère du gérant affirme, preuve à l’appui, le contraire. «Mon frère est le gérant de la société A&M Confection dont dépend l’atelier de textile où la catastrophe s’est produite», déclare-t-il tout en brandissant les statuts de l’entreprise.
Suite de la UNE
Lisant difficilement le français, Brahim nous confia la lecture des documents administratifs estampillés du tampon de différents ministères. «Ces documents prouvent que l’atelier n’est pas clandestin comme cela est répété partout, à l’image de ce registre de commerce qui démontre que l’entreprise est bel et bien enregistrée sous le numéro 80195. C’est ce que j’ai expliqué durant toute cette journée aux autorités compétentes», a-t-il ajouté.
«C’est une société à responsabilité limité (SARL), parfaitement en règle et en droit d’exercer son activité. Je le dis et je ne le dirai jamais assez, l’atelier n’a jamais été clandestin depuis sa création, le 26 janvier 2017. Il travaille dans un cadre régit par la loi. Son siège social est à Tanger, Route de Rabat-Lotissement Anas-lot16. De plus, documents le prouvant, le local de Branes est loué à 12.000 dhs par mois, location au nom de la société», signale-t-il.
Dans ce même sillage, Brahim a évoqué l’impossibilité selon laquelle « il est inconcevable que plus de 40 personnes travaillent dans un atelier clandestin sans attirer l’attention des autorités compétentes. Et de conclure, «tous les jours ouvrables, trois transports du personnel se pointent à l’atelier pour y déposer les ouvriers. Cela n’attire pas l’attention? Soyons sérieux».
Quant à la raison de l’accident, Kamar, ouvrière dans l’atelier présente le jour du drame affirme que, «cela est due aux infrastructures de notre ville, incapables de gérer une pluie diluvienne, et non pas à cause de Adil (gérant de la société)».
«Ce qui me révolte le plus, c’est que les vrais responsables de ce drame ne sont aucunement inquiétés, et principalement Amendis (société délégataire de distribution d’eau potable, d’électricité et des services d’assainissement liquide). Par contre, tout le monde s’acharne sur la personne de Adil», a-t-elle martelé.
Certains médias ont publié que l’atelier comptait près de 130 ouvriers. En réponse à cette information, Kamar a indiqué que «l’atelier comptait 45 salariés et non 100 comme relayé sur les réseaux sociaux».
Quant au jour du drame, Kamar, Imane et Nouhalia se souviennent de l’inquiétude de Adil, alors d’après ces dernieres, «lui-même entre la vie et la mort». « Leurs premières paroles à peine sauvés par des riverains courageux étaient : où est le reste de l’équipe?
S’agissant de la couverture sociale, Kamar a déclaré avoir refusé de s’y inscrire puisqu’elle en bénéficie par le biais de son époux. Imane et Nouhaila quant à elles, ont souligné que le salaire était fixé à 15Dhs de l’heure, contre 13,46 dhs dans d’autres ateliers de confection. Travaillant 8H par jours, toutes les personnes voulant s’inscrire à la CNSS est en droit de le faire. Avec un salaire variant entre 3300 et 3800 dhs, nous sommes presque 1000 dhs au-dessus d’autres ateliers de confection. Un plus, supérieur aux redevances versées à la CNSS», conclut-elle.
Concernant le donneur d’ordre de l’atelier de confection, la seule information de sources concordantes révèle qu’il s’agit d’une célèbre marque espagnole de prêt-à-porter, sans pour autant dire laquelle.
Pour l’heure, aucune information n’a filtré sur l’état de santé de Adil El Boullaili. Seule certitude, c’est qu’il est hospitalisé, sous haute surveillance et interdit de visite, à la clinique Achifaa de Tanger,