Suite à l’annonce de son nouvel investissement, Dari couspate a vu son titre en bourse de grimper de 6% la semaine dernière.C’est à croire que rien ne peut altérer la trajectoire de cette success story qui surfe allégrement sur une conjoncture de plus en plus difficile avec pourtant en toile de fond une concurrence plus que jamais aiguisée.
Dari Couspate, c’est l’histoire d’une entreprise familiale qui de se renouveler bien qu’elle ne s’éloigne de son cœur d’activité.«Pour se maintenir, il n’y a guère d’autres moyens que d’avancer, ceux qui l’oublient périclitent sans même s’apercevoir d’une chute qu’ils ont programmée, pourtant, eux-mêmes », avait déclaré Mohamed Khalil en 2005, l’année de l’introduction en bourse de Dari Couspate.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis, il applique cette « philosophie/stratégie ».
En voici la démonstration. Le 13 février dernier, Mohamed Khalil, PDG de Dari Couspate, et Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, signe une convention d’investissement dans le cadre du contrat programme de développement des industries agroalimentaires.Un programme d’investissement industriel, doté d’une enveloppe budgétaire de près de 100 MDH sur une période de 3 ans qui consiste dès cette année en la construction d’une nouvelle unité de production à Salé, l’acquisition de plusieurs lignes de production automatisées de dernière technologie ainsi que l’aménagement d’une nouvelle plateforme logistique, avec à la clé la création de 100 emplois directs permanents.
Mais cette nouvelle, tout à fait réjouissante pour l’entreprise aussi bien que pour l’industrie marocaine, a comme des aires de déjà-vu. Jugez-en par vous-même.
Se développer sans relâche
Dès son introduction en bourse, et sans doute un peu avant aussi, Dari Couspate est citée en exemple. De la douzaine d’employés qu’il avait recrutés à ses débuts en 1995, son effectif est passé à 80 personnes en 2005. Le chiffre d’affaires de la première année qui était de 7 MDH dépasse les 120 millions de dirhams dix ans plus tard avec 27% de parts de marché.
Le maître mot de Mohamed Khalil sur lequel il a fondé sa stratégie est d’anticiper et de se développer sans relâche. Autrement, c’est la contre-performance qui guette et il n’y a pas pire danger en affaire que l’engourdissement.
D’ailleurs, dès 2005 il prépare le développement de son affaire. C’est l’une des raisons qui l’ont poussées à s’introduire en bourse. À peine l’IPO bouclée qu’il est déjà en voie d’acquisition d’un terrain de plus de 11 000 m2 où il compte étendre son unité et projette d’investir 45 MDH.
Et en 2008, c’est le démarrage de la nouvelle unité de fabrication de couscous. Celle-ci est située dans le nouveau parc industriel de l’aviation à Salé. Le projet a été bâti sur un terrain de 9.000 m2 dont 3.000 couverts. «Avec cette extension, nous visons à augmenter nos capacités de production de 50%», précise Mohamed Khalil, PDG de Dari Couspate. Ainsi, celle-ci passera de 24.000 à 34.000 tonnes/an.
En 2013, l’industriel marocain, récidive.Une nouvelle ligne de production de couscous de dernière génération est prévue pour être opérationnelle fin 2013 pour augmenter la production de 35%, passant de 52 000 tonnes à 70 000 tonnes annuellement. Montant de L’investissement : 40 millions de dirhams.
Fort de deux sites de production composés de plusieurs lignes de fabrication entièrement automatisées, l’unité de production utilise une technologie avancée de séchage à très haute température. Sept ans après son introduction en bourse, Dari Couspate réalise un chiffre d’affaires de 352,5 millions de dirhams en hausse de 19,4% par rapport à 2011. C’est qu’entre temps, l’entreprise a bien développé son activité export grâce à la conquête de nouveaux marchés avec plus d’une trentaine de pays en Europe, Amérique, Asie ou Moyen-Orient. Aussi, la marque enregistre également une bonne avancée sur le marché local où elle a pu améliorer ses ventes de 15% grâce à l’extension de son réseau de distribution et une stratégie marketing et commerciale plus agressive.
Export & Innovation
En 2016, une nouvelle fois le management annonce un nouvel investissement de 50 MDH dans l’extension de sa seconde usine située à Salé près de Rabat. Son chiffre d’affaires est alors de 525 millions de dirhams avec augmentation de 18,9% en 2015, bien que le groupe doit affronter sur ses différents marchés toute une série de marques derrière lesquels se trouvent des compétiteurs comme Tria, Forafric, Dalia ou encore le premier minotier marocain Fandy (groupe Anouar Invest).Mais la société vedette des PME cotées à la Bourse de Casablanca n’en démord pour autant et a vu cette année-là ses deux sites de production revêtir la norme BRC Food, une des normes internationales les plus exigeantes et strictes en matière de sécurité alimentaire. Car l’export représente l’un des piliers les plus importants de la stratégie de développement de Dari.
En effet, la société a exporté ses premiers paquets de couscous en Europe en 1998. Aujourd’hui, l’activité à l’export représente plus de 25% de son chiffre d’affaires.
Ses produits sont d’ailleurs commercialisés dans plus de 45 pays notamment en Amérique (Argentine, Brésil, Canada…) ; Europe (France, Italie, Belgique…) ; Afrique (Burkina Faso, Gabon, sénégal…) ; Australie et Asie (Chine, Singapour, Japon…) et au Moyen-Orient (Emirats Arabes Unis, Arabie Saoudite, Koweït…).
L’autre cheval de bataille de Dari est l’innovation Dari.Le spécialiste du couscous et des pâtes a donné naissance à sa première innovation en 2001. Celle-là portait sur le lancement d’un couscous à base d’orge « Sakssou Al Belboula ». En 2009, Dari a lancé un couscous à base de maïs « Baddaz ». D’autres innovations se sont succédées, et parmi elles le fameux couscous complet bio. Depuis, c’est un parcours quasi sans faute que réalise Dari , si ce n’était l’accident de parcours de 2018. Le chiffre d’affaires a baissé de 2% à 569,83 MDH, pénalisé principalement par une atonie conjoncturelle de l’ensemble du marché, ainsi que par une pression sur les prix de vente sous l’effet d’une concurrence accrue et d’un secteur d’activité national en surcapacité.
Le résultat net a également été affecté avec une baisse de 8,9% par rapport à 2017. Une contraction due notamment e au contrôle fiscal portant sur l’impôt sur société (IS), l’impôt sur revenu (IR) et la TVA afférents aux exercices 2014 et 2017 et qui s’est soldé en décembre 2018 par la conclusion d’un accord avec la direction générale des impôts, ajoute la même source. Le résultat d’exploitation s’est établi à 90,78 MDH, en retrait de 3,4% par rapport à 2017, sous l’effet de l’accroissement important du coût de l’énergie thermique (+22%) suite à la hausse des cours du pétrole en 2018 et la hausse significative des budgets promotionnels et publicitaires.
Aujourd’hui avec le coup d’envoi d’un nouveau projet d’investissement industriel, et des résultats 2019 plutôt prometteurs (+7,9% du chiffres d’affaires sur les 9 premiers mois de 2019), Dari Couspate et son fondateur réaffirment une nouvelle fois la solidité et le bien-fondé de leur stratégie.
Fifty is The New Black !
A l’heure où la création d’entreprises est quasi systématiquement associée aux jeunes, aux start-up, aux nouvelles technologies, Mohamed Khalil, PDG de Dari Couspate lui ne cesse de démontrer année après année, que se lancer dans l’entreprenariat n’a pas d’âge.
Car c’est à 54 ans qu’il crée Dari Couspate. Et ce n’est pas le seul mantra du monde des affaires qu’il démonte. «Je n’ai accédé à l’école primaire qu’à l’âge de 8 ans. J’ai obtenu mon certificat d’études à rabat très tard, mon brevet aussi. J’ai décroché mon baccalauréat en philosophie et lettres à 22 ans. Je n’étais pas un bon élève. J’ai redoublé plusieurs fois», confie dans l’une des rares interviews dans laquelle il se révèle.
Né en 1941 dans l’oasis de Figuig, il vient d’une famille nombreuse (10 frères et sœurs), famille de commerçants, aussi bien dans l’alimentaire que dans le tissu. C’est d’ailleurs le seul de ses neufs frères et sœurs à poursuivre des études supérieures.
C’est sur l’Ecole supérieure de commerce de Dijon que se porte son choix grâce à une bourse d’études qu’il a pu décrocher. Dès qu’il obtient son diplôme, il rentre au Maroc en 1967 et intègre FAMO, une filiale de Rivoire &Carret, spécialisée dans la production de pâtes alimentaires et du couscous. Par un concours de circonstance inouïe, il accède directement au poste de directeur commercial qu’il occupe pendant 18 ans. En 1985, il devient directeur général de la filiale de Famco en Mauritanie. Mais après la marocanisation de Famco, les nouveaux acquéreurs ont souhaité de se défaire de cette filiale mauritanienne qui a finalement fini par monter une usine sur place. C’est Mohamed Khalil qui est chargé de trouver un repreneur. «Trois ans après la décision de Famo de mettre en vente l’usine, des Mauritaniens et un groupe étranger ont racheté l’affaire. Ils m’ont proposé de diriger l’unité et d’entrer dans le capital avec une petite participation. Je me plaisais en Mauritanie, donc j’y suis resté. C’est un très beau pays, qui m’a enseigné, entre autres, la sagesse», se rappelle Mohamed Khalil, nostalgique, dans le même entretien. Il garde un bon souvenir de son pays d’adoption qu’il ne quitte, d’ailleurs, qu’en 1995.
Avec le concours de certains membres de sa famille, Mohamed Khalil achète un terrain de 3 200 m2 dans le complexe industriel de Oulja (Salé). Entre l’apport de ses associés et sa propre mise, ils mettent au total 5 MDH et obtiennent, sans encombre, pas moins de 15 MDH de leur banquier, qui les suit allègrement dans la création de l’entreprise. Selon Mohamed Khalil, c’est la conjugaison d’un dossier bien ficelé et d’un savoir-faire fruit de plusieurs années d’expérience le terrain sans oublier l’appui de l’Agence française de développement, qu’il est arrivé à convaincre tous ceux qui l’ont accompagné.
Soumayya Douieb