Après «Le Crépuscule des dieux» de Richard Wagner, la descente aux enfers des miliciens de Wagner?

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

«Le Kremlin va tomber», «La Russie, c’est fini», «Poutine va finir ses jours en prison», «Les moscovites sont dans la rue pour accueillir leurs sauveurs» ! On aura vraiment tout entendu. Tout et n’importe quoi, tant les médias occidentaux s’en sont donnés à cœur joie…

En cause, ce fameux groupe Wagner qui nourrit une réputation sulfureuse et qui a fait parler de lui ces dix dernières années sur les différents champs de bataille en Ukraine, en Syrie, en Libye, en Centrafrique et au Mali notamment mais, surtout, la semaine dernière lorsqu’à la satisfaction du monde occidental, il avait déclaré s’être soulevé contre son géniteur et affirmé avoir pris «sans aucun coup de feu», le quartier général de l’armée russe à Rostov, dans le sud du pays, et qu’il entendait même poursuivre sa progression en direction de Moscou avec, à terme, un assaut contre le Kremlin et, bien entendu, l’arrestation de son patron.

Il n’en fallait pas plus pour que Washington jubile plus que d’ordinaire et que les chancelleries européennes – toujours promptes à lui servir de porte-voix – lui emboitent le pas.

Mal leur en prit lorsqu’en faisant volte-face moins de quarante-huit heures après, Evgueni Prigojine ordonna à ses troupes de stopper leur marche vers Moscou à la demande du président biélorusse Alexandre Loukachenko et que les capitales occidentales réalisèrent subitement qu’elles avaient vendu la peau de l’ours russe avant même de l’avoir capturé.

Mais qui est donc ce fameux groupe qui se cache derrière le nom du célèbre compositeur allemand du Crépuscule des Dieux et de Tristan et Iseult et quels sont ses objectifs ?

Wagner est un groupe paramilitaire privé russe qui avait été fondé, en 2014, par Evgueni Prigojine, un homme d’affaire proche de Vladimir Poutine, avec pour objectif de soutenir l’émergence d’un mouvement séparatiste dans la région du Donbass en Ukraine mais qui, comme l’avait déclaré son chef, avait été, par la suite, au chevet «du peuple syrien et d’autres peuples de pays arabes» et auprès des «démunis africains et latino-américains».

Véritable rassemblement de mercenaires, Wagner recrute et forme des hommes au combat avec comme objectif de créer des zones d’influence pro-Kremlin, à l’instar de ce qui a été fait au Mali et en Centrafrique, sans aucune intervention officielle de la Fédération de Russie.

Ainsi, comme l’a affirmé Catrina Doxsee, chercheuse au Centre pour les études stratégiques et internationales, en entretenant des «liens obscurs» avec le Kremlin, cette nouvelle armée de miliciens avait fini par se voir assigner comme mission de «permettre à la Russie d’étendre son influence géopolitique», voire même d’«évincer la France» de ces pays où elle opérait, comme ce fut le cas au Mali, et de se transformer en un véritable «pilier de (la) patrie» russe.

Or, si l’on croit l’historien Cédric Mas, «Wagner n’est pas une milice classique (mais) une véritable armée» qui, en étant dotée d’une «aviation», participe à de «réelles» opérations de guerre. Elle compte, dans ses rangs, d’anciens membres des forces spéciales russes «Spetsnaz» et d’anciens officiers de l’armée régulière.

Au palmarès de Wagner, en Ukraine, la plus importante opération reste, sans conteste, la prise de Bakhmout en mai dernier qui avait vu le jour après plusieurs mois de combats. C’est, justement, la longueur de cette attaque qui avait donné, au patron du groupe, l’occasion d’accuser Moscou d’avoir privé ses hommes de munitions ; ce qui avait déclenché les tensions entre Evgueni Prigojine et l’Etat Major russe.

Mais, en ayant les yeux plus gros que le ventre, le patron de Wagner s’est trouvé pris à son propre piège à telle enseigne que plus il se rapprochait de Moscou, plus il prenait conscience de sa «solitude» et de son incapacité à transformer politiquement l’avantage militaire qu’il s’était arrogé pour pouvoir renverser le président Poutine comme certaines «personnes bien intentionnées» le lui avaient fait croire.

En rappelant, enfin, que la rébellion avortée de Wagner n’affectera, «en aucun cas», l’offensive russe en Ukraine, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a mis en garde les pays occidentaux contre toute tentative de «profiter de la situation intérieure en Russie pour essayer d’atteindre leurs objectifs russophobes».

Après le «Crépuscule des dieux» de Richard Wagner et ses musiciens, allons-nous assister, cette fois-ci, à la descente aux enfers d’Evgueni Prigojine et ses miliciens sans aucune musique d’accompagnement ?

Attendons pour voir…

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