Donné vainqueur à l’issue de l’élection présidentielle d’Octobre 2019, Evo Morales s’apprêtait à effectuer un quatrième mandat à la tête de la Bolivie qu’il dirige depuis 2006. Mais, la ferme opposition de ses adversaires qui, après avoir invoqué la «fraude massive» qui aurait entaché ce scrutin, prirent d’assaut les rues des principales villes du pays, a fini par pousser l’armée à se désolidariser de son commandant-en-chef et à ne lui laisser que l’exil comme seule issue. Aussi, après s’être dessaisi du pouvoir le 10 novembre 2019, Evo Morales cherchera refuge, dans un premier temps, au Mexique puis en Argentine.
S’étant proclamée présidente par intérim après avoir obtenu le soutien de ses pairs, la Sénatrice Jeanine Anez, qui, dès le surlendemain, prit ses nouvelles fonctions, s’était engagée à diriger un gouvernement de transition jusqu’à la tenue d’élections présidentielles en 2020.
Mais, l’annonce de sa candidature au scrutin présidentiel du 18 Octobre 2020 alors même qu’au moment de sa prestation de serment, elle s’était donné pour mission d’assurer une transition et d’organiser une nouvelle élection présidentielle transparente tout en promettant «de ne pas influer sur le processus et de ne pas essayer de se maintenir au pouvoir» – donc de ne pas se porter candidate – est venue brouiller les cartes; ce qui a été vivement critiquée aussi bien par ses adversaires que par certains de ses alliés.
S’étant donc aliéné une grande partie des boliviens, Jeanine Anez, qui perdra le soutien politique dont elle bénéficiait, en arrivera même à être conspuée à Santa Cruz, à l’est du pays, réputé comme étant le fief de la droite la plus radicale.
Autant de faits qui feront que, le 17 Septembre 2020, aux premiers jours de la campagne électorale et un mois avant le scrutin, cette dernière, soucieuse de «veiller à la démocratie» et craignant «de voir le vote démocratique divisé entre plusieurs candidats » et un retour du MAS – le «Mouvement pour le socialisme» de l’ancien président Morales – a annoncé son retrait de la course à la magistrature suprême tout en exhortant les boliviens à l’unité : «Si nous ne nous unissons pas, Morales revient; si nous ne nous unissons pas, la démocratie perd ; si nous ne nous unissons pas, la dictature l’emporte!».
Mais tous ses espoirs tombèrent à l’eau lorsque le premier tour du scrutin présidentiel du 18 octobre dernier a donné la victoire à Luis Arce, le dauphin d’Evo Morales et son ancien ministre de l’économie et des finances, signé la fin du gouvernement de transition qui est resté en place une année et non pas 3 mois comme initialement convenu et même annoncé le retour d’exil de l’ancien président Evo Morales.
Mais tout en étant salué par une importante frange de la classe politique bolivienne et notamment par les «progressistes», le retour d’Evo Morales va pousser Luis Arce à redoubler d’efforts pour s’imposer, «imposer ses différences et son style propre» et, surtout, convaincre que son gouvernement «n’est pas un gouvernement fantoche piloté à distance par Evo Morales».
Si donc, en Bolivie, le «Mouvement vers le socialisme» (MAS), dont Evo Morales est toujours le «patron», a reconquis le pouvoir par les urnes et permis, ce 9 novembre 2020, à ce dernier de retrouver sa terre natale après une année d’absence, force est de reconnaître, toutefois, que ce retour risque de poser la double-question de «l’indépendance» du nouveau chef de l’Etat vis-à-vis de son mentor et de la «marge de manœuvre» dont pourra disposer Luis Arce. Le nouveau président parviendra-t-il à se détacher de l’ombre de son mentor? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi