Dernière révolution du XIXe siècle et symbole d’une histoire populaire tragique, la brève aventure de la Commune de Paris, 72 jours du 18 mars au 28 mai 1871, s’est achevée dans un bain de sang.
L’insurrection des Parisiens intervient il y a 150 ans, après la défaite française face à la Prusse à qui Napoléon III a imprudemment déclaré la guerre en 1870 avant d’être fait prisonnier et de céder l’Alsace et la Lorraine.
Adolphe Thiers dirige alors un gouvernement provisoire et l’Assemblée, élue en février 1871 et qui s’installera à Versailles, est très majoritairement monarchiste.
Soumis à 135 jours de siège, les Parisiens, au vote majoritairement Républicain, ne digèrent pas la capitulation annoncée. Ils sont 1,7 million enfermés dans la capitale qui a essuyé des bombardements, sans travail et affamés pour certains d’entre eux.
Le 18 mars, Thiers décide de reprendre sur la Butte Montmartre les canons, non armés, de la Garde nationale payés par souscription des Parisiens pour se défendre contre les Prussiens qui encerclent la capitale.
Au petit matin les blanchisseuses du quartier, premières à se lever, alertent de l’arrivée de troupes versaillaises. La foule afflue pour protéger les canons et parmi les soldats envoyés par Thiers, certains baissent la crosse, fraternisent avec les insurgés, c’est la débandade.
Deux généraux sont tués. Thiers ordonne le départ des troupes et des fonctionnaires de Paris et s’enfuit à Versailles.
Le Comité central de la Garde nationale, qui comptera près de 200.000 hommes, s’installe à l’Hôtel de Ville et l’élection d’un Conseil municipal, d’où naîtra la Commune, est fixée au 26 mars.
Cette assemblée communale républicaine élue avec 40% des électeurs parisiens inscrits sera aux affaires une cinquantaine de jours, en pleine guerre civile.
Elle remet en marche les administrations comme la Poste et soulage de trois termes les ouvriers qui ne peuvent payer leur loyer, elle restitue partiellement les objets déposés au Mont de piété, subventionne des boucheries municipales, interdit le travail de nuit des boulangers.
Elle ouvre aussi les ateliers fermés à leurs ouvriers, qui devront toutefois indemniser les propriétaires ayant fui Paris.
Elle proclame la séparation de l’Eglise et de l’Etat, abolit la conscription militaire, proclame la gratuité de l’enseignement laïc et obligatoire en primaire et des bourses d’Etat pour le secondaire, ouvre des écoles professionnelles aux filles.
L’anti-cléricalisme est puissant, mais la majorité des églises de Paris continuent leur office et les petites soeurs des pauvres leurs missions.
Le Conseil communal institue la révocabilité des élus et la consultation citoyenne. Mais ne s’attaque ni à la Banque de France, ni à la Bourse.
Le 16 mai la colonne impériale Vendôme, « symbole de force brute et de fausse gloire » aux yeux des communards, est abattue sous les applaudissements.
Tout n’est pas appliqué, pas le temps, et tout n’est pas rose sous les coups de boutoir conjugués des Versaillais, des Prussiens aux portes de Paris, sans compter les divisions et démissions au sein du Conseil, et la foule incontrôlable.
Des maires font la navette entre Versailles et Paris pour trouver une issue, les Parisiens y croient, en vain. A Versailles, on dénonce « une révolte des paresseux » et on exécute nombre de soldats dissidents et de prisonniers communards.
Le 5 avril, un
décret de la Commune prévoit que « toute exécution d’un prisonnier de
guerre ou d’un partisan du gouvernement régulier de la Commune de Paris sera,
sur-le-champ, suivie de l’exécution d’un nombre triple d’otages (…) désignés
par le sort ».
Des exécutions n’interviendront qu’après la dissolution, le 24 mai, du Conseil
de la Commune, pas sous ses ordres.
Le 8 mai, Thiers, pressé de mater Paris, adresse un ultimatum aux Parisiens et
bientôt les forts d’Issy et de Vanves, au sud de la capitale, tombent.
Le 21 mai, les troupes versaillaises entrent dans Paris, c’est le début de la « Semaine sanglante », ses combats de rue déséquilibrés et ses exécutions sommaires. Des femmes et enfants gisent aussi au sol. « Même des personnes opposées à la Commune ont été horrifiées par la répression », selon l’historienne Laure Godineau.
L’Hôtel de Ville et les Tuileries notamment sont incendiés en retour: « la démence féroce du désespoir », écrira Jules Vallès.
Le 24, des communards exécutent six otages, dont l’archevêque de Paris. Le 25, cinq dominicains d’Arcueil et neuf employés sont abattus. Le 26, la foule massacre 11 religieux, 35 gendarmes et quatre mouchards rue Haxo.
Un député républicain favorable à la Commune est fusillé à genoux sur les marches du Panthéon par les soldats Versaillais.
Le 28, 147 défenseurs de la Commune sont exécutés devant le mur des fédérés du cimetière du Père-Lachaise et jetés dans une fosse commune.
Le fort de Vincennes capitule le 29, c’est fini. Voici venu le temps des exécutions ou déportations des prisonniers communards.
Selon les historiens, la répression de la Commune a fait de 6.500 à 20.000 morts.