Désertification

A quelques rares exceptions, le discours politique se limite depuis fort longtemps aux affaires des personnes.

Il est plus que normal dans notre société de dénoncer les abus de biens sociaux, la déviation des comportements, l’hypocrisie des attitudes, l’usage de la corruption, l’insuffisance des services et les dysfonctionnements de l’administration. C’est là une fonction tribunitienne nécessaire mais non suffisante dans l’action politique. Elle tend, par le zèle de certains, à présenter un aspect de la situation qui n’existe pas dans la réalité mais qui répond à un état d’esprit de la plèbe, encore friand de dénonciations et de règlements de comptes.

L’exagération des faits et leur noircissement à dessein fait perdre au plaidoyer l’objectivité et la crédibilité. Le débat s’en trouve handicapé et ses résultats ne sont pas la plupart des cas ceux attendus par la population. Rien ne se fait pour répondre aux attentes légitimes de la population qui devient de plus en plus sceptique sur la volonté des autorités, de toute sorte, à apporter les solutions adéquates à leur souffrance. La dégradation des relations entre la population et les institutions censées la représenter s’affirme. Le préjudice apporté au changement de la société est initié. D’autres facteurs en relation avec l’avidité des hommes interviennent dans ce processus de désertification du champ politique national.

La désertification est un processus insidieux dans le champ politique. Elle ne se fait sentir que lorsque ses effets sont déjà avancés. C’est alors qu’au lieu de consacrer ses efforts pour assurer le bienêtre et la justice sociale, on s’attèle à la lutte contre les signes apparents de cette corrosion des relations sociales et de la carie de leurs systèmes de protection et de transformation. Le mal est fait. Il peut être irréversible. Il est plus couteux pour la société dans son ensemble que le coût de la réforme nécessaire pour son enrayement. Son impact est général. Il touche aussi bien les élites que la plèbe, les affaires que les mœurs et rien ne semble à l’abri de cette régression. Les maux de la société s’exacerbent. La pauvreté matérielle se complique par celle immatérielle, rampante et rasante. Le capital humain est décimé et rien n’arrive à le remplacer. Les horizons s’obscurcissent et l’obscurantisme prend le pas sur le savoir.

Le contexte socio-économique, environnemental, politique qui favorise cette détérioration du champ politique est par excellence celui de la mondialisation des inégalités et de la comm. à outrance. Les incitations au développement prennent en considération les injonctions «exogènes» et soumettent l’endogène au service de la créance de la dette supportée. La population méditative se demande si elle est encore ce qu’elle est censée être et rien ne se fait pour que sa conscience se libère des aliénations. Les discours se suivent, se ressemblent et n’ont aucun effet sur la mobilisation des forces vives.

 La conjoncture, aussi bien ici qu’ailleurs, montre que la pratique démocratique immunise contre la désertification. C’est un combat de tous les instants où les roublards, ceux qui croient que l’histoire se fait par des petites phrases, sont éliminés. Le simulacre ne peut tromper que son promoteur!

La lutte contre la désertification doit prendre en considération l’ensemble des facteurs régissant cette dégradation complexe et sournoise du milieu politique. Le système éducatif, la prise en considération des valeurs progressistes et humanistes dans notre société, la solidarité entre les personnes et les territoires, l’égalité devant les droits et les obligations, l’ouverture par la promotion de l’homme et non pour son asservissement, la lutte contre le gaspillage des ressources et leur gestion dans le cadre d’un développement durable…, autant de chantiers à consolider dans notre quotidien pour empêcher la pollution et la désertification de notre champ politique.

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