Entre ferveur spirituelle et traditions ancestrales

Ramadan à Goulmima

Par Samia Boufous – MAP

Les habitants de Goulmima, ce paisible oasis de l’oued Ghriss dans la province d’Errachidia, ont accueilli pour la deuxième année consécutive, le mois sacré de Ramadan dans une ambiance inhabituelle tout en restant fidèles aux traditions et coutumes de ce mois béni.

Une situation assez déconcertante qui a astreint les habitants de Goulmima à passer chez eux les soirées ramadanesques dans une ambiance exceptionnelle venue perturber la majorité des traditions que la population locale veillait à revivifier durant cette période de recueillement et de piété.

Ainsi, pendant la journée, les marchés et souks de ce village du Haut-Atlas prennent des couleurs variées et dégagent des senteurs et parfums particuliers qui attirent de nombreux visiteurs venus faire leurs emplettes et s’approvisionner en toutes sortes de produits.

Le soir, à table, qui se veut aussi un lieu de retrouvailles et de resserrement des liens familiaux, on mange riche, varié et succulent, c’est ce qu’explique Moha. M, un quinquagénaire de pure souche Goulmimi.

Au menu, confie-t-il, on opte pour « Taklilt », un fromage qui ressemble au « Jben » (fromage frais marocain) et qui se consomme au « Ftour » avec les dattes et le petit-lait, ou d' »Azarir », à savoir du « Taklilt » séché pour être conservé plus longtemps.

Selon Moha, le plat typique de Goulmima est le fameux pain du milieu dit « Aghroum Nwamass » fait à base de « Tamart Noumghar » qui veut littéralement dire « La barbe du vieux » et qui est accompagné pour certains, d’un tajine d’anchois, de salés et des crêpes locales fourrées de beurre de chèvre dont raffolent les habitants de cette région.

Une autre composante essentielle de la table ramadanesque des goulmimis est la « Harira » ou « Asgis » avec des plantes médicinales comme « Tazakht », en plus du pain fourré de graisse animale et de piments forts, a-t-il relevé, insistant sur l’importance qu’accordent les familles goulmimis à la préparation de cette soupe traditionnelle et à l’achat de tous les ingrédients nécessaires pour que la table du Ftour soit complète.

Pour le café et le thé à la menthe accompagnés de Sfouf ou autres délices, il faut attendre quelques minutes après le repas pour être servis alors que le repas du soir et « Shour » sont généralement faits de bouillon et de pain.

Moha, a en outre relevé qu’avant la pandémie du Covid-19, les habitants de ce petit patelin du Sud-Est avaient tendance en cette période à prendre d’assaut les cafés pour déguster thés, limonades, s’adonner à de passionnantes parties de cartes, d’échecs et jaspiner sur l’actualité et les problèmes de la vie de tous les jours ou encore se diriger vers la mosquée pour accomplir avec dévotion les cinq prières en temps et en heure.

Ce qui a changé aujourd’hui, a-t-il poursuivi, c’est que les Goulmimis ont banni de leur agenda les rencontres familiales en s’attachant toutefois à préserver leurs rituels, en particulier la tradition du thé chez soi, en plus des traditions à vocation spirituelle liées aux chants religieux en berbère, qui selon Moha sont considérés comme « un dépassement extatique » et une « évasion vers un paradis compensatoire ».

Pour ce qui est des plus jeunes et des enfants qui n’ont plus cette opportunité de jouer dehors, ils ont préféré rivaliser dans la composition des vers en « Tamazight » dans une ambiance de défi, en variant les thèmes en toute fluidité, du sacré au profane, soit une pratique très commune à Goulmima depuis des décennies déjà.

Au-delà de sa forte charge religieuse et spirituelle, le mois de Ramadan est une occasion propice pour perpétuer les traditions et les coutumes d’antan des habitants de Goulmima bien que certaines sont, hélas, en voie de disparition en raison des mutations de la société.

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