Hassan El-Fad: «Ce long-métrage canadien est venu au bon moment»

Propos recueillis par Khadija Benhaddouch (MAP)

Installé depuis des années à Montréal, l’humoriste marocain Hassan El Fad signe sa première participation au film québécois «Les vieux Chums», en projection dans plus de 50 cinémas de la province canadienne. Approché par la MAP, le comédien revient sur son expérience nord-américaine, ses choix et ses projets à venir, de même qu’il livre son évaluation des productions marocaines.

Parlez-nous de votre première participation à un film canadien, «Les vieux chums» ?

C’est mon premier film au Québec où j’ai été sollicité par la maison de production «Objectif 9». Quand j’ai lu le scénario, il y a eu une conviction mutuelle pour mener à bien le film. Même si le réalisateur savait que je suis d’abord humoriste ou, du moins, c’est ce que je faisais depuis une vingtaine d’années.

Je joue le rôle d’Abdel, un ex-professeur de philosophie qui a fait le choix de s’installer dans un village de pêcheurs pour apprendre leur façon de voir la vie, et c’est dans ce village qu’il a fait la connaissance de son ami québécois. Une amitié qui va durer pour longtemps.

Atteint d’un cancer en phase terminale, le personnage principal a fait le choix d’effectuer une sorte de pèlerinage dans sa ville natale au Québec. Il choisit ensuite le Maroc, plus précisément ce village de pêcheurs où il a passé une grande partie de sa vie.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce scénario ?

Avant même de lire le scénario, j’étais quasiment sûr que j’allais faire le film quand je me suis documenté sur le cinéaste. C’est une personne éprise d’humanisme, un cinéaste qui s’est donné pour mission de porter la fibre humaine dans le septième art et tous ces films avaient un message humain. Les thématiques mais aussi les sujets ont été traités avec succès.

Cette charge humaine et émotionnelle transparaît à travers ses films. J’ai donc été en face d’un artiste qui sait ce qu’il veut et sait concrétiser ce qu’il cherche. C’est pour moi un gage que l’aventure ne pourrait qu’être valorisante.

Peut-on dire que le film marque une nouvelle phase de votre parcours professionnel?

Cette proposition cinématographique est venue à temps parce que je commençais à nourrir l’envie de retourner au cinéma. En fait, l’expérience des «Vieux Chums» est intervenue un petit peu plus tôt que ce que j’avais programmé.

J’ai déjà reçu des propositions de collaboration au Canada pour des longs métrages, et aussi pour une pièce de théâtre avec une troupe de renom ici à Montréal, mais je n’étais pas prêt.

En bref, le long-métrage canadien est venu au bon moment, mais serait-il le début de quelque chose ? je ne sais pas. Ce qui est certain, c’est qu’on va reconduire la collaboration avec la maison de production «Objectif 9», avec un futur long-métrage québécois.

Je suis également en train de coécrire une série pour la télévision dans l’attente de l’ouverture des salles pour un spectacle vivant sur scène.

Vous avez présenté au cours du Ramadan «Fed-TV». Êtes-vous satisfait des échos?

«Fed-TV» est un cocktail de personnages qui ont marqué les esprits ces dernières années. Des personnages qui ont leur public et, donc, j’ai essayé de les mettre dans la même boîte.

Cela fait des années que je reçois des demandes des fans pour interpréter ces personnages. J’ai en effet créé cinq rubriques avec dix caractères pour, justement, me satisfaire d’abord et satisfaire les fans.

Dans le souci de créer un fil conducteur entre les rubriques, je n’ai pas trouvé mieux que le casting lui-même : deux acteurs, un homme et une femme, qui incarnent les dix personnages. Un seul projet avec des publics disparates qui peuvent fusionner dans Kabbour mais qui sont différents pour les autres personnages.

Les échos correspondent parfaitement à mes attentes comme le confirment les chiffres d’audimat sur le web.
Kabbour a effectivement un public nombreux et qui s’exprime. C’est bien un personnage fédérateur tant on trouve plusieurs publics dans les fans de Kabbour.

Vous savez qu’au Maroc il n’y a pas un seul public mais il y en a plusieurs. Très souvent on a droit à des interprétations impressionnistes et on oublie qu’on est différent. Même sans Kabbour, les autres personnages ont continué à faire de l’audimat par rapport à ce qui se présente au Maroc en matière d’humour.

Que pensez-vous des productions qui ont été offertes pendant le Ramadan?

Je n’ai pas vu tous les projets pour pouvoir donner un avis mais je sais que faire rire est le plus périlleux qui soit. C’est difficile. Les ingrédients du drame sont connus mais pour ce qui est de l’humour c’est très imprévisible.

Je sais que pour ce qui concerne l’humour ou du moins celui que je pratique, c’est-à-dire l’humour très punchline, ce n’est pas gagné d’avance, ce n’est pas une science exacte. Même avec de l’expérience, on n’est pas sûr d’être à la hauteur.

Toutefois je peux vous dire qu’il y a une mode qui s’installe dans les séries dramatiques : la «tendance lacrymogène».

Le Ramadan risque de se transformer en saison des deuils. Ce sont des choix aussi, c’est la mode parce qu’on a découvert qu’il y a une certaine sensibilité chez les Marocains. Une sensibilité à la mélancolie et on essaie de nourrir ce petit penchant chez eux. Les Marocains aiment rirent aussi, ils aiment les émotions extrêmes.
Il convient peut-être de créer un équilibre émotionnel pendant le mois sacré de Ramadan.

Les producteurs s’orientent vers les registres qui marquent les esprits. Et maintenant, c’est la tendance : faire pleurer les gens, faire mourir les personnages de manière dramatique la plus attendue. Les ingrédients du drame sont connus et accessibles et, du coup, le risque est qu’on s’oriente vers des excès susceptibles de générer de l’exaspération et du dégoût.

Tout le monde va se mettre à l’imiter, avec les mêmes éléments, les mêmes ingrédients. Et c’est un cercle vicieux qui s’installe alors qu’à la base, il ne faut pas avoir cette logique d’offre et de demande.

C’est mon analyse à propos de ce qui s’offre aujourd’hui pendant le Ramadan. Dans l’humour, je ne peux pas comparer mon travail avec d’autres puisqu’il s’agit d’un exercice dangereux.

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