Par : Abdeslam Seddiki
La journée mondiale de la femme célébrée le 8 mars de chaque année constitue une occasion pour traiter de la question de l’égalité hommes-femmes et de la problématique féminine en général. Il ne s’agit pas cependant de céder à un effet de mode et se limiter à un cérémonial de routine pour avoir bonne conscience en applaudissant aux efforts accomplis et éventuellement en déplorant les retards enregistrés.
Nous sommes en face d’une problématique beaucoup plus complexe qui nécessite un combat de tous les jours et une lutte incessante sur plusieurs fronts : au sein de la famille qui est la cellule de base où se produit la ségrégation ne serait-ce qu’au niveau de la réalisation des tâches domestiques; au sein de l’école et des instituts de formation où la ségrégation se transforme en idéologie et valeurs ; dans la vie quotidienne où elle s’exerce au vu et au su de tout le monde y compris dans les programmes audio-visuels, les coutumes sociales perpétrées consciemment ou inconsciemment; les discriminations rencontrées dans l’accès au travail et l’exercice des responsabilités à tous les niveaux.
Il faut rappeler que l’origine de cette discrimination remonte loin dans l’histoire tant elle est antérieure à l’apparition des sociétés de classes. En effet, la première division du travail a pris au départ la forme d’une division sexuelle. En ce sens que les femmes se spécialisaient dans des tâches domestiques alors que les hommes s’adonnaient aux activités de la pêche et de la cueillette.
Cette division a généré de facto un rapport de domination au profit des hommes. Et elle n’a fait que changer de forme avec les différents modes de production qui se sont succédé à travers l’histoire : esclavagisme, féodalisme, capitalisme. C’est dire en définitive que la question de la femme, ou de la condition féminine, est inscrite au cœur des rapports de production dominants et de leur superstructure correspondante. Il a fallu que des femmes prennent conscience, se révoltent contre cette discrimination qui leur est imposée et s’organisent en conséquence pour voir enfin la question de l’égalité inscrite dans les pactes internationaux relatifs aux droits humains et dans les constituions des différents pays.
C’est le même processus qui est suivi partout dans le monde. Un processus lié au rapport de forces entre progressistes et conservateurs, à la nature des rapports de production dominants sachant que l’idéologie dominante est l’idéologie de la classe dominante. Il n’y a pas de question de la femme en elle-même, comme le laissent entendre les mouvements féministes et sexistes qui cherchent à opposer hommes et femmes.
C’est une question fondamentalement sociétale qui oppose des projets de société différents. Ce qui n’exclut pas la prise en considération de certaines spécificités propres au sexe sans tomber, toutefois, dans les excès des fondamentalistes qui confinent la femme dans un rôle rétrograde et lui imposent une tenue vestimentaire méprisante et aliénante !!
Où en est le Maroc aujourd’hui dans ce processus ? Force est de relever que d’importants acquis ont été réalisés tant sur le plan législatif (code de la famille, constitution de 2011, levée des réserves sur la CEDAW, loi contre la violence faite aux femmes…) que sur le plan politique (présence renforcée de la représentativité des Femmes au parlement et dans les collectivités territoriales) et professionnel (accès, même insuffisant, des femmes à certains métiers considérés à tort comme masculins). Mais beaucoup de disparités subsistent et le chemin s’annonce encore long et périlleux pour parvenir à l’égalité et à la parité.
A commencer par la question litigieuse et controversée de l’égalité en matière d’héritage. Ceux qui s’y opposent et se défendent bec et ongle s’appuient sur une interprétation passéiste des textes. Ce sont d’ailleurs les mêmes milieux qui se déchainent pour bloquer toute velléité de changement dans le sens progressiste et moderniste.
Aujourd’hui, les forces de progrès dans notre pays sont appelées à dédoubler d’effort et à multiplier les initiatives pour donner un nouvel élan à la question de la femme. Cela passe par le renforcement de sa place dans la vie active, la marche franche vers la parité, la lutte sans merci contre toutes formes «d’asservissement» et d’instrumentalisation de la femme, l’harmonisation des textes juridiques avec la constitution de 2011 y compris une révision du code de la famille. Une chose est sûre : pas de nouveau modèle de développement sans la pleine intégration de la femme et le respect de la parité à tous les niveaux de la vie en société. Ce faisant, le Maroc ne sera que plus prospère et plus équitable!