Les Marocains stigmatisent les migrants subsahariens
Par: Hakima Laala Hafdane*
La société marocaine a forgé son image sociale sur deux paramètres sociaux et humains: le don et l’accueil. L’hospitalité marocaine est presque une légende. Cependant, elle se révèle sélective et discriminatoire envers les pauvres ressortissants venant de notre chère Afrique! Elle s’insurge, d’elle-même, contre ses propres pratiques fondatrices de sa tradition d’hospitalité. Elle dénonce la présence de l’Étranger pauvre, celui qui a avidement besoin d’aide.
La société marocaine se révèle stérile, infertile, dure, voire presque abjecte à l’encontre des migrants pauvres subsahariens. Ces migrants sont stigmatisés et vus comme des sauvageons, des sales, des incultes, des voleurs, des violeurs, ceux qui souillent la terre propre. Maroc immaculé et civilisé avant l’arrivée de nos voisins africains ! Dans le contexte actuel, le Maroc et les Marocains se montrent sous un nouveau jour, plutôt un mauvais jour.
À Casablanca, nous sommes presque tout le temps dans une guerre de misère entre les miséreux dans des quartiers populaires, loin des quartiers chics. Ces derniers temps, il y a une nouvelle guerre contre l’intrus, l’étranger. Nous sommes exactement à la gare routière Ouled Ziane à Casablanca, une gare avoisinant des quartiers populaires en extrême fragilité. Il faut souligner que la société riche à Casablanca ne tolère ni la présence de la «populace» marocaine ni les migrants subsahariens; elle fait en sorte de s’en débarrasser. La société riche a fait d’eux des malfrats, car ceux qui se ressemblent se rassemblent. La société marocaine riche ne peut être en aucun cas concernée ni par le devenir de ses propres exclus ni par les migrants subsahariens très miséreux. La guerre des miséreux ne peut les interpeller ni les soucier. Elle est bien, trop bien protégée de ce monde infect des pauvres.
Dans ce contexte d’exclusion des pauvres, les migrants subsahariens cherchent refuge dans les quartiers populaires et défavorisés. Alors, ils se trouvent nez à nez avec sa population fragile et délaissée. Ils se rencontrent comme des ennemis de longue date, alors qu’ils se connaissent à peine. La population locale les considère comme des adversaires. Alors qu’ils sont à vrai dire des transitaires vers un autre horizon et un autre monde. Ils cherchent à passer la frontière pour prendre pied en Europe. Pour mille raisons politiques et économiques, les migrants subsahariens voient leur route barrée. Ils se trouvent piégés et contraints de rester au Maroc. Non seulement cela, pire encore, ils deviennent des «lors la loi» en situation de violation de la loi internationale régissant l’immigration. Ils sont considérés comme étant en conflit avec la loi et risquent la prison dans leurs pays d’origine, dans le pays de transit et même dans les pays d’accueil. Ce sont des criminels sans crime avéré, sauf celui de rêver d’une vie meilleure.
On annonce des chiffres de 400 à 600 Subsahariens originaires de plusieurs pays à Oulad Ziane, voire 2000 pour certains médias. Ce qui est sûr c’est que le flou plane encore sur les statistiques de cette population, qui à défaut de trouver un refuge ou un lieu d’accueil, squattent des lieux publics. S’il y a des petits groupes éparpillés un peu partout dans la ville, leur majorité se trouve dans les environs de la gare d’Oulad Ziane. Ils occupent principalement trois endroits majeurs : un grand stade de béton, un jardin et des trottoirs des cafés protégés par des toitures. Les trois lieux sont vus comme des campements illégaux et nuisibles pour la population du quartier. Les individus et les réseaux sociaux ne se gênent pas à enchérir sur cette situation. Leur égocentrisme leur fait dénigrer la misère de nos migrants subsahariens pour s’auto sublimer. Aucune interrogation sur leur situation dégradante et déplorable.
La semaine dernière, les migrants subsahariens ont été pris pour cible par la population locale. Presque une émeute sociale, suite au soi-disant accrochage entre une jeune fille marocaine, sujet du harcèlement sexuel par les migrants. Des groupes de jeunes des quartiers voisins ont accouru à son secours. A rire ou à pleurer, cette mise en scène est digne d’un film égyptien des années 50. Une image de la chevalerie marocaine prête à secourir leur compatriote en danger. Ironie du sort : le Maroc est classé parmi les pays les moins sécurisés pour les femmes, seules ou en groupe, tentées par le tourisme. Les marocaines d’ores et déjà sont apeurées et se sentent menacées par leurs concitoyens. Elles souffrent de l’insécurité dans leur propre société.
Le quartier de la gare d’Oulad ziane s’est enflammé, des confrontations dures ont eu lieu. Une réelle mise en danger d’un groupe vulnérable mais qui fait office de danger urgent pour la population locale. La sanction infligée à l’encontre de ses Subsahariens a été de brûler le peu de bien qu’ils possèdent, leur habitat de fortune, leurs matelas, leurs vêtements, leurs couvertures afin de les rendre plus miséreux, faire en sorte que le prétendu jardin qu’ils occupaient soit bétonné fermé, que le groupe entier soit maintenu dans un espace en béton, clôturé par les barres de fer, camouflé par un cache-misère de plaques en métal, n’ayant accès ni à l’eau ni aux sanitaires.
Un ensemble d’imputations envers ces migrants subsahariens, une idéologie de désolation et de conflit véhiculé par des individus, par les dires, les rumeurs portées par des réseaux sociaux pour faire oublier les causes tangibles de la pauvreté des pauvres au Maroc. Ainsi, les migrants subsahariens/africains/noirs/azzis deviennent «les ennemis numéros un» de la société, ils sont porteurs de toutes les déviances. Dorénavant, l’imaginaire social se réconforte par la présence de cet ennemi qu’il faut abattre ou chasser pour rapporter la paix sociale et le confort tant rêvés par la population marocaine.