Lecture dans les résultats préliminaires de l’enquête Coface

La nouvelle loi 49-15 visant à étoffer le cadre réglementaire régissant les délais de paiement au Maroc est toujours d’actualité  et fait l’objet de nombreux débats. Le dispositif  juridique veut réduire la durée légale entre l’émission de la facture et le paiement définitif à 60 jours.

L’enquête de la Coface Maroc  sur les  comportements de paiement Maroc  et l’évolution des délais et des retards de paiement e fit long sur le problème des retards de paiement au Maroc et l’allongement des délais entre l’émission de la facture et son paiement. L’enquête en question anticipe une stabilisation des délais et des retards de paiement pour les 6 prochains mois.

Les résultats préliminaires de l’enquête Coface montrent un allongement des délais de paiement en 2017 et ce, quel que soit le secteur d’activité, la taille et le type d’entreprises.  Selon l’enquête en question, en 2017, le délai moyen de paiement serait de 99 jours contre 82 en 2016. Les délais observés sont donc loin des 60 jours préconisés par le nouveau cadre réglementaire mais cet allongement pourrait être temporaire et s’expliquerait par des facteurs conjoncturels. Les entreprises sont nombreuses en effet à s’attendre à une stabilisation des délais et des retards dans les mois à venir.

L’échantillon est représenté par plus de 256 entreprises tout secteur confondu. Il s’agit principalement du secteur de la construction (20,7 %), de la distribution (18,7 %), de l’industrie manufacturière (13,7 %), des services (services aux entreprises 11,7 % et autres services 10,5 %), de l’agroalimentaire (7,0 %) et des télécommunications (5,8 %). Le panel de cette édition comprend davantage d’entreprises exportatrices qu’en 2016.

Ainsi, les entreprises ayant déclaré des délais de paiements supérieurs à 120 jours sont en nette augmentation alors que la proportion des entreprises dont les délais se situent entre 90 et 120 jours est restée stable. En moyenne, les délais de paiement ont été de 66 jours en 2015, de 82 jours en 2016 et de 99 jours en 2017. Certains secteurs tel que la construction observent des délais de paiement traditionnellement longs, en fait l’allongement des délais semble toucher la quasi-totalité des secteurs représentés.

Construction : des délais de paiement de 105 jours en moyenne

Au cours du premier semestre 2017, les délais de paiement ont été en moyenne de 105 jours pour la construction, de 102 jours pour la distribution et le négoce, de 98 jours pour les services aux entreprises et de 90 pour l’agroalimentaire. Ils étaient respectivement de 87, 89, 64 et 63 jours en 2016 (graphiques 2 et 3). La part des délais de paiement supérieur à 120 jours a donc augmenté significativement. Elle atteint 45 % pour les entreprises issues de la construction (38 % en 2016), 46 % pour celles du secteur de la distribution (29 % en 2016), 33 % pour les entreprises agroalimentaires et 47 % dans les services aux entreprises (graphique 12 en annexe). À noter que le secteur des services représenté par le service aux entreprises et les autres services est un secteur où les délais de paiement sont généralement plus courts(2). Pour ce qui est de la répartition des délais de paiement en fonction de la taille de l’entreprise interrogée, celle de grande taille (plus de 175 Mns de chiffre d’affaires) sont plus nombreuses à rencontrer des délais de paiement supérieurs à 120 jours. Pour les entreprises de très petite taille (moins de 3 Mns de Dh), les délais sont mieux répartis puisque 34 % ont des délais de paiement supérieur à 120 jours, 21 % des délais entre 90 et 120 jours, 17 % des délais de 60 à 90 jours et 27 % des délais inférieurs à 60 jours(2).

Public ou privé, même dilemme

Globalement, les délais de paiement sur les six derniers mois se sont allongés aussi bien lorsque les clients sont des entreprises privées que lorsqu’ils sont issus du public. Par ailleurs, 59,4 % des répondants ont observé une dégradation de leurs délais de paiement auprès d’entreprises publiques au cours des six derniers mois (46% en 2016). Le chiffre est identique pour les entreprises privées (contre 52 % en 2016). Seules les entreprises étrangères semblent être épargnées (les délais de paiement sont stables pour 65 % de l’échantillon).

Situation paradoxale

Alors que l’activité économique a connu une reprise marquée au premier semestre 2017, l’allongement des délais de paiement observés semble paradoxal. Le ralentissement économique de 2016 pourrait apporter des bribes d’explications. La baisse de la croissance de près de 3 points et la contraction du PIB agricole de plus de 10% ont eu des répercussions sur l’activité des entreprises et ses conséquences semblent perdurer au premier trimestre 2017. Les défaillances d’entreprises(3) ont augmenté de 15 % en moyenne en glissement annuel au cours de la même période, le pic étant observé entre décembre 2016 et janvier 2017.

Par secteur, les entreprises enregistrant les retards les plus longs sont les secteurs industriels tels que le textile (111 jours) suivi de l’automobile (104 jours) et de l’agroalimentaire (87 jours). Les ratios d’impayés sont également en nette hausse puisque plus de 30% de l’échantillon affirme observer des ratios d’impayé supérieurs à 10%. En dépit d’une dégradation des conditions de paiement de leurs clients, plus de 83 % de l’échantillon n’appliquent pas de pénalité de retard et 36 % favorisent la mise en place d’un accord à l’amiable lorsqu’ils font face à un défaut de paiement de la part de leur client. 30 % des entreprises optent cependant pour un arrêt des livraisons.

Enfin pour les entreprises exportatrices, il semblerait que les retards de paiement à l’étranger se concentrent principalement en Afrique Subsaharienne (27 % de l’échantillon) et en Europe (22%).

Par ailleurs, le manque de liquidités et l’accès au financement des entreprises peuvent également être à l’origine de l’allongement des délais de paiement annonce la Coface Maroc. Ainsi, la part des entreprises qui affichent une situation de trésorerie mauvaise est en hausse. Les entreprises sont en outre plus nombreuses à se couvrir contre le risque de crédit puisqu’elles ne sont plus que 43% à ne pas faire appel à un tiers pour faire face à leur risque de crédit alors qu’elles étaient 57% en 2016.

Tout comme en 2016, l’augmentation des délais de paiement continue d’avoir une incidence sur les comportements d’investissement des entreprises. En effet les entreprises présentant les délais de paiement les plus longs tendent à moins investir que celles dont le délai de paiements moyen observé est inférieur à 60 jours. De même, lorsque les délais de paiement sont courts, les entreprises favorisent tous les types d’investissement (aussi bien de remplacement que de productivité). Plus le délai de paiement  s’accroît plus les entreprises privilégieront les investissements liés à la productivité conclut l’enquête.

Ces dernières montrent que malgré l’allongement des délais de paiement au cours des 6 derniers mois les entreprises ne s’attendent pas à une nouvelle dégradation. Même s’ils venaient à se stabiliser, les délais de paiement moyens observés aussi bien en 2016 qu’en 2017 restent loin des limites qui devraient être appliquées dans le cadre de la loi 49-15(5) visant à organiser les pratiques de paiement et dont la mise en application est attendue pour la fin de l’année 2017.

Fairouz El Mouden

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