Droit international et législation et réalité nationales
Ahmed Bouharrou
2ème Partie
Droit national et discriminations
Le droit national régissant les discriminations consiste en l’interdiction des discriminations et leurs sanctions et en des exceptions aux interdictions lorsqu’elles sont justifiées. Il comprend essentiellement des règles constitutionnelles, des dispositions du droit du travail et du code pénal.
Dans le domaine de l’égalité et la non-discrimination, la Constitution du 1/7/2011 prévoit dans son préambule les critères de discrimination, établit le principe de l’égalité homme/femme dans tous les domaines et celui de l’égalité des citoyens devant la loi.
Le préambule de la constitution de 2011 qui en fait partie intégrante annonce que «Le royaume réaffirme ce qui suit et s’y engage à :
«bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit».
En affirmant également dans le préambule de la Constitution son engagement à «protéger et promouvoir les dispositifs des droits de l’Homme et du droit international humanitaire et contribuer à leur développement dans leur indivisibilité et leur universalité», le Maroc est tenu de respecter le principe de l’égalité et la non –discrimination largement prévu dans les sources du droit international.
L’égalité devant la loi
Le principe de l’égalité devant la loi est un droit fondamental de l’homme. La démocratie est inconcevable sans l’égalité des citoyens. Etant devenu un droit international et un principe général du droit, l’égalité devant la loi est constitutionnalisé dans beaucoup de pays.
Le principe de l’égalité devant la loi dit également égalité en droit est un principe en vertu duquel toute personne doit être traitée de manière identique par la loi. Cette dernière doit recevoir une application effective et ne privilégier aucun individu au détriment des autres.la constitution marocaine consacre ce principe.
En vertu de son article 6, « la loi est l’expression suprême de la volonté de la Nation. Tous, personnes physiques ou morales, y compris les pouvoirs publics sont égaux devant elle et tenus de s’y soumettre».
Dans ce cadre, «les pouvoirs publics œuvrent à la création des conditions permettant de généraliser l’effectivité de la liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens…».
L’égalité homme /femme
Dans l’article 19, La constitution affirme le principe de l’égalité entre l’homme et la femme.
A cet effet , «l’homme et la femme jouissent , à égalité , des droits et libertés à caractère civil , politique , économique , social , culturel et environnemental dans le présent titre et dans les autres dispositions de la constitution , ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Maroc et ce, dans le respect des dispositions de la constitution , des constantes du Royaume et de ses lois . L’Etat œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes .Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la Parité et la lutte contre toutes formes de discriminations».
L’Autorité chargée de la parité et de la lutte contre toutes les formes de discrimination est investie par l’article 164 de la constitution de veiller notamment au respect des droits et libertés prévus à l’article 19 précité et ce, sous réserve des attributions dévolues au conseil national des droits de l’homme.
La loi n° 79-14 relative à l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination promulguée par le dahir n°1-17-47 du 21/9/2017 fixe les attributions , la composition , les modalités d’organisation et le fonctionnement de cette Instance.
L’égalité entre les nationaux et les étrangers est instituée par l’article 30 paragraphe 3 disposant que « les ressortissants étrangers jouissent des libertés fondamentales reconnues aux citoyennes et citoyens marocaines conformément à la loi ».
Les discriminations dans l’entreprise
Elaboré et adopté dans un contexte international marqué par la volonté de promouvoir les droits fondamentaux au travail dans le contexte de la mondialisation, et ce plan interne par l’entreprise de réformes économiques, juridiques et sociales, le code du travail , le code du travail a valorisé les droits fondamentaux au travail dans le droit à l’égalité et à la non-discrimination.
La prohibition des discriminations
Le préambule du code du travail se réfère aux quatre catégories de droits fondamentaux au travail dont «l’interdiction de la discrimination en matière d’emploi et de profession» et «l’égalité des salaire».
«Les dispositions de la présente loi sont applicables sur l’ensemble du territoire national sans discrimination entre les salariés fondée sur la race, la couleur, le sexe,le handicap, la situation conjugale, la religion, l’opinion politique, l’appartenance syndicale, l’origine nationale ou sociale.
En vertu de l’article 9,est également interdite à l’encontre des salariés, toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, le handicap, la situation conjugale, la religion, l’opinion politique, l’affiliation syndicale, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, ayant pour effet de violer ou d’altérer le principe d’égalité des chances ou de traitement sur un pied d’égalité en matière d’emploi ou d’exercice d’une profession, notamment, en ce qui concerne l’embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, le salaire, l’avancement, l’octroi des avantages sociaux, les mesures disciplinaires et le licenciement.
Les critères de discrimination sont nombreux .Ils sont cités dans nombreux instruments internationaux et dans des disciplines juridiques (constitution, droit pénal, droit social). Souvent ces différentes sources ne prévoient pas ces critères de manière homogène et identique.
La discrimination raciale est définie par l’article premier de la convention des Nations Unies de 1965 comme «toute distinction, exclusion , restriction ou préférence fondée sur la race ,la couleur , l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique , qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance , la jouissance ou l’exercice , dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaine politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique ».
L’interdiction de la discrimination raciale vise donc la jouissance de tous les droits y compris dans la sphère de l’emploi et la profession .L’article 9 du code du travail interdit la discrimination pour raison de race dans le champ du travail et de l’emploi et l’article 36 interdit le licenciement pour cause de race.
Discrimination pour raison de couleur
La plupart des instruments des droits de l’homme interdisent la discrimination pour raison de couleur (Déclaration universelle des droits de l’homme, le pacte international des droits économiques, sociaux et culturels ; pacte international des droits civils et politiques ; convention internationale relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ; la convention internationale du travail n° 100 …).
La discrimination à cause de la couleur peut s’inscrire dans la xénophobie et l’intolérance.
Le critère couleur est combiné parfois avec ceux d’ethnie et de race.
L’article 36 interdit le licenciement pour raison de couleur. Dans les relations du travail privées ou publiques, toute décision fondé sur la couleur de la personne est interdite même le licenciement. Ce dernier est également interdit par l’article 36 du code du travail.
Discrimination pour raison de sexe
Les distinctions fondées sur le sexe concernent les exclusions qui apparaissent dans l’organisation ou la gestion du service public ou dans l’entreprise au détriment du sexe féminin ou du sexe mâle.
La discrimination fondée sur le sexe peut revêtir plusieurs formes. Celles-ci concernent notamment l’accès au marché du travail, la rémunération, les conditions du travail, la maternité, la paternité, le statut matrimonial et l’accès aux postes de responsabilités.
En dépit de la généralité du critère de la discrimination fondée sur le sexe, celle-ci concerne plus particulièrement la discrimination homme /femme à tel point que des instruments internationaux des droits de l’homme et ceux relatifs au travail. A titre d’exemple , il y a lieu de citer la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979 et la convention internationale du travail n° 100 sur l’égalité en matière de salaires entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine. Cette non-discrimination vise tout le champ de l’emploi et du travail dont le licenciement qui est également interdit par l’article 31 du code du travail.
Discrimination pour raison d’handicap
Le handicap peut conduire à des discriminations et à des stigmatisations dans la formation professionnelle, l’emploi et le travail. D’où l’adoption de la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées qui interdit les discriminations pour des raisons d’handicap dans plusieurs domaines et l’institution de mesures compensatrices des inégalités , d’une part et de la convention internationale du travail n°159 sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées de 1983 qui établit , entre autres, le principe de l’égalité de chances entre les travailleurs handicapés et les travailleurs en général. Donner effet à ce principe, nécessite le bannissement de la discrimination fondée sur le handicap.
L’article 9 du code répond à cette préoccupation et l’article 36- 6°, considère que le handicap ne constitue pas un motif valable dans « dans la mesure où il ne fait pas obstacle à l’exercice par le salarié handicapé d’une fonction adéquate au sein de l’entreprise».
Discrimination pour raison de situation conjugale
La situation conjugale, c’est -à-dire, le fait d’être mariée ou célibataire rentre dans la sphère de la vie privée. Toute décision privant la personne de ses droits économiques sociaux, culturels civils ou politique est discriminatoire en vertu de différentes sources du droit international. Ce critère est imbriqué avec d’autres liés aux responsabilités familiales et à la maternité. Le code du travail interdit par l’article 9 la discrimination fondée sur la situation conjugale en matière d’emploi, de discipline, d’avantages sociaux, de répartition du travail et de licenciement. L’article 36 prohibe le licenciement pour raison conjugale ou de responsabilités familiales.
Discrimination pour raison religieuse
La discrimination fondée sur la religion peut concerner tous les aspects de l’existence y compris la vie professionnelle. Cette liberté qui s’inscrit dans certains contextes dans les libertés de l’esprit est une liberté de conscience qui est très proche de l’intimité personnelle de l’individu. La liberté religieuse est affirmée dans divers instruments et dans les constitutions qui interdisent la discrimination en raison de cette liberté. Le code du travail et le code pénal incriminent la discrimination fondée sur la religion dans la vie professionnelle et l’article 36 interdit tout licenciement pour cette raison.
Discrimination pour raison d’opinion politique
Le critère relatif à l’opinion politique ou aux croyances politiques, philosophiques ou morales a fait l’objet d’une importante reconnaissance juridique pour prohiber la discrimination.
L’interdiction de la discrimination pour opinion politique s’inscrit dans la liberté de pensée et la liberté d’expression dans un contexte de pluralisme politique et économique. La discrimination politique peut s’imbriquer avec la liberté syndicale. Ce critère peut englober l’exercice des activités politiques ou partisanes, la prise de positions politiques.
L’interdiction de la discrimination politique a acquis une place dans les plus importants instruments internationaux des droits de l’homme, en l’occurrence la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La constitution marocaine garantit dans l’article 25 la liberté de pensée d’opinion et d’expression sous toutes leurs formes. Le code du travail et le code pénal marocains interdisent la discrimination fondée sur l’opinion politique dans tous les aspects de la relation du travail .L’article 36 considère parmi les motifs non valables du licenciement, la rupture de la relation du travail pour raison politique.
Discrimination pour raison d’appartenance syndicale
L’interdiction de la discrimination pour des raisons syndicales est affirmée par plusieurs conventions internationales dont notamment la convention n° 89 de 1948 sur le droit d’organisation et de négociation collective et par la convention n° 151 sur la relation du travail dans la fonction publique .L’article 9 utilise les termes d’appartenance syndicale. Le législateur aurait dû d’autres vocables comme « raisons syndicales » pour englober l’exercice des libertés et activités syndicales (constitution d’un syndicat, affiliation, réunions, exercice du droit syndical ….).
En application de l’article 36-1°l’affiliation syndicale ou l’exercice d’un mandat du représentant syndical.
1°l’affiliation syndicale ou l’exercice d’un mandat du représentant syndical ;
2° la participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l’employeur ou conformément à la convention collective de travail ou au règlement intérieur, durant les heures de travail;
L’article 478 paragraphe 2 interdit aux agences de recrutement privées de pratiquer toute discrimination se basant sur la sélection privative de la liberté syndicale ou de la négociation collective. L’article 428 punit l’entrave à l’exercice du droit syndical.