La rupture promise il y a 15 ans n’a pas eu lieu. Les discriminations à l’égard des femmes n’ont pas disparu avec l’adoption de la Moudawana, s’accordent à souligner les militants associatifs. Dans cette interview accordée à Al Bayane, Amina Lotfi, présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) revient sur les principales défaillances du code de la famille.
Al Bayane : Votre association revendique une réforme profonde de la Moudawana. Que faut-il revoir dans ce code?
Amina Lotfi : Effectivement, nous venons de lancer une campagne de sensibilisation pour une refonte globale du code de la famille. Ce texte est appliqué depuis 15 ans, mais les femmes n’ont toujours pas atteint leurs droits. Il y a souvent des violations et des discriminations des droits. Nous faisons toujours face au problème du mariage des mineurs, ce qui est inacceptable au 21e siècle. Nous faisons toujours face à des discriminations concernant le divorce, la tutelle des enfants et le partage des biens pendant le mariage. En gros, les défaillances sont nombreuses.
Quels sont ces défaillances qui persistent?
Les principales défaillances du code de la famille sont liées au vide juridique et à de mauvaises interprétations concernant la mise en œuvre de la loi. Il est temps de l’harmoniser avec la Constitution qui prône l’égalité ainsi que la primauté des conventions internationales sur les lois internes.
A titre d’exemple, le partage des biens acquis pendant le mariage devrait être obligatoire. Actuellement, le contrat annexe précisant les modalités de partage des biens n’est pas obligatoire. Il y a d’ailleurs une méconnaissance de ce droit. Les mariés ne sont pas informés lors de l’établissement de l’acte de mariage. Nous souhaitons donc que ce contrat devienne obligatoire.
Quel regard portez-vous sur le fait que les postes de responsabilité soient très peu féminisés?
Deux raisons sont derrière ce constat. La première est liée à cette mentalité patriarcale qui ne permet pas à la femme d’accéder à ces postes. La 2ème raison est que les discriminations indirectes dans l’emploi, aussi bien dans le public que le privé, existent toujours. Quand nous parlons d’égalité dans l’accès aux postes de responsabilité, il est clair que les deux sexes n’ont pas les mêmes besoins. Les femmes prennent en considération leur situation familiale. D’où l’intérêt de prendre des mesures de conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle. Des mesures qui permettraient d’encourager la femme. Il faudra notamment développer le transport scolaire, mettre en place des crèches et des cantines scolaires au sein des entreprises et de l’administration.
On reproche souvent aux femmes de s’autocensurer, qu’en pensez-vous?
Les femmes ne s’autocensurent pas, c’est vraiment un préjugé. Une femme à qui on propose un poste de responsabilité, mais qui s’occupe quotidiennement de ses enfants, va finir par refuser.
Par contre, si on avait des bus scolaires, des cantines et des crèches de qualité et à proximité du lieu de travail, la femme ne refusera pas.
En tant que femme, quel a été votre plus grand défi au cours de votre parcours professionnel?
Mon plus grand défi a été de concilier entre ma vie associative, ma vie professionnelle et ma vie familiale.
Propos recueillis par Hajar Benezha