Nabyl Lahlou, le génie

Un artiste unique, révolté, novateur, engagé… Nabyl Lahlou est un comédien et artiste qui échappe à toute classification. Un Homme de théâtre hors pair qui se distingue à travers sa touche artistique, esthétique  et son regard d’intellectuel critique qu’il porte sur la société et le monde.

Très jeune, Nabyl fréquente déjà les salles obscures et les planches. En 1964, il s’envole dans la ville des lumières et des arts, Paris, pour étudier le théâtre à l’Ecole Charles-Dullin et à l’Université du Théâtre des nations. Au début des années 1970, il s’installe en Algérie pour enseigner le père des arts. A cette époque, il collabore avec le Théâtre National Algérien. Des années plus tard, il retourne au Maroc pour se consacrer entièrement à la mise en scène, à l’écriture et à la réalisation des pièces de théâtre, mais aussi des films pour le cinéma.

Homme de théâtre hors pair, Nabyl Lahlou ne cesse de surprendre, de créer, de se distinguer à travers sa touche artistique, esthétique  et son regard d’intellectuel critique qu’il porte sur la société et le monde. Dans le théâtre comme dans le cinéma, le cinéaste et metteur en scène réalise ses œuvres avec un minimum de moyens. Son imaginaire créatif, sa grande culture, son audace et sa pensée avant-gardiste donnent plus de force à ses travaux et à son univers théâtral et cinématographique. Malgré les hauts et les bas, Nabyl Lahlou est avant tout un artiste qui se bat pour vivre de son art et le faire vivre. Une tâche difficile dans un monde qui vénère de plus en plus la médiocrité.

Homme de lettres ouvert, le comédien est connu par ses échanges épistolaires dans lesquels il ne mâche pas ses mots. Ceux qui ont suivi un peu sa carrière ou encore lu ses lettres, ont découvert ses mots sincères, loin de la langue de bois et un homme connu par son franc parlé et qui a tiré à boulets rouges à maintes reprises sur ceux qu’il appelle «les bourreaux des créateurs».

Le metteur en scène a présenté et écrit plusieurs pièces de théâtre dans la langue de Molière, l’arabe et Darija. Parmi  ses célèbres pièces écrites ou encore  jouées sur les planches marocaines, figurent : «La Chute» interprétée par son épouse, Sophia Hadi, le théâtre «Miracle du 30 février» qui a été présentée pour la première fois au public le 20 novembre 2013 au Théâtre national Mohammed V à Rabat.

Homme ponctuel, Nabyl Lahlou a un style de travail propre à lui. Dans sa démarche, il voue une estime au public intelligent qui respecte le théâtre et les comédiens. Avec Nabyl, on ne badine pas. L’heure c’est l’heure.  Pour la petite anecdote, le metteur en scène entama la tournée de la pièce «Miracle du 30 février» dans la ville d’El Hajeb. La surprise est que le comédien joua sa pièce devant deux spectateurs. Il faut dire que l’homme est habitué à ce genre de situations. A cette occasion, il écrivit une lettre  titrée «La solitude du combattant du théâtre» pour son public casablancais où il présentait son prochain spectacle. «J’ai commencé ma tournée par la coquette ville d’El Hajeb, dotée d’un joli théâtre qui, malheureusement, n’a pas attiré grand monde: j’ai interprété ma pièce de théâtre devant seulement deux spectateurs. Samedi 13 décembre, «Miracle du 30 février» fut jouée dans la salle de théâtre du Centre culturel de Machraâ Belksiri, dont le rond-point de l’entrée de la ville, est orné par une gigantesque inscription, en langue française: Ville de Belkssiri. Et comme je commence mes pièces de théâtre à l’heure annoncée sur les affiches, c’est-à-dire 18 heures, c’est 18 heures, et non 18 heures cinq, dix ou vingt, j’ai commencé à jouer « Miracle du 30 février » devant une salle vide», a t-il écrit dans l’une de ses lettres.

A travers son art et ses pièces, Nabyl Lahlou met les mots sur les maux de la société. Il joua en effet «Le Journal d’un fou», une pièce inspirée de la comédie de Nicolas Gogol intitulée «Le réviseur». Dans cette pièce de théâtre, il traite avec un style ironique et un ton critique le contexte et l’environnement politique international, sans oublier de faire un clin d’œil à l’intégrisme et la situation politique marocaine des années 90.  Il apporte sa vision des choses au cinéma pour mieux véhiculer ses messages à travers l’image.

 Dans cette optique, il a réalisé des films avec des moyens parfois personnels dont «Al Kanfoudi» (1978), «Brahim yach» (1982), «L’Âme qui brait» (1984),  «Komany» (1989), «La nuit du crime/(Laylat qatl)» (1992), les Années de l’exil (2002), «Tabet or not tabet» (2005), «Regarde le roi dans la lune» (2012). Nabyl Lahlou est toujours présent sur les planches et sur le devant de la scène pour promouvoir son art.

Mohamed Nait Youssef

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