Pékin arrête le magnat de la presse hongkongaise

Ils se savaient en sursis depuis la promulgation, par Pékin en Juin dernier, de sa fameuse loi sur la sécurité à Hong Kong. Eux, ce sont Jimmy Lai, 72 ans, patron de «Next Digital» qui édite le quotidien «Apple Daily» et le magazine «Next», deux titres hongkongais ouvertement pro-démocratie très critiques envers Pékin, et elle, c’est la militante Agnes Chow, connue pour avoir fait partie, avec Joshua Wong et Nathan Law, du trio d’anciens étudiants qui dirigeaient le parti pro-démocratie «Demosisto» aujourd’hui dissous.

Leur sursis n’a donc pas trop duré puisque le vieux magnat de la presse a été arrêté, à son domicile, ce lundi 10 Août vers 17 h et que, le même jour, la dirigeante de l’ancien parti hongkongais a été appréhendée pour «incitation à la sécession»  en application des dispositions de la loi sur la sécurité nationale, a-t-on appris de source policière.

Plus tôt dans la journée, un communiqué de la police avait fait état d’une dizaine d’arrestations dont sept auraient visé des personnes soupçonnées de «collusion avec des forces étrangères» et trois autres concerneraient deux des fils du magnat de la presse et Wilson Li, un vidéaste free-lance qui travaille pour la chaîne de télévision britannique «ITV News».

L’arrestation du vieux Jimmy Lai, présenté comme étant « un fauteur de troubles anti-chinois»  qui conspire avec les étrangers afin de «provoquer le chaos», est une réponse de Pékin aux manifestations pro-démocratie qui, en ébranlant Hong Kong tout au long de l’année 2019, avaient poussé l’empire du milieu à promulguer une «oi sur la sécurité nationale  éminemment liberticide contrevenant au principe «Un pays, deux systèmes» qui, au moment de la rétrocession à la Chine de l’ancienne colonie britannique, garantissait les libertés aux Hongkongais jusqu’en 2047 en criminalisant et en réprimant, désormais, la subversion, le séparatisme, le terrorisme et la collusion avec des forces extérieures.

Pour dénoncer ces arrestations et témoigner leur soutien à Jimmy Lai, les hongkongais se sont rués, ce mardi, sur les deux publications de «Next Digital» si bien que l’action du groupe a atteint 800%.

«Comme le gouvernement ne veut pas que l’Apple Daily survive, nous autres hongkongais devons le sauver nous-mêmes» a déclaré à l’AFP, un restaurateur du quartier populaire de Mongkok, après en avoir acheté une cinquantaine d’exemplaires afin de les distribuer gratuitement à ses clients.

Même son de cloche du côté de cette femme qui, pour dénoncer la «façon ouverte» avec laquelle «la police combat… la liberté de la presse» a acheté 16 exemplaires du journal.

Réagissant aux propos de Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine qui a vu, dans l’arrestation du vieux magnat de la presse hongkongaise, une «preuve supplémentaire que le Parti communiste chinois a éviscéré les libertés de Hong Kong et les droits de son peuple», Pékin a annoncé des sanctions à l’encontre des 11 responsables américains, dont Marco Rubio et Ted Cruz, en représailles aux mesures similaires prises vendredi par Washington contre des responsables chinois dont Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif hongkongais, tous accusés de «saper l’autonomie de Hong Kong».

Enfin, si pour de nombreux hongkongais, Jimmy Lai reste un héros qui, après avoir bâti sa fortune à la force de ses bras reste le seul patron de presse hongkongais capable de tenir tête au pouvoir central chinois, ce dernier, après avoir rencontré en 2019 le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo et le vice-président Mike Pence est vu, depuis lors, par Pékin comme étant le «traître» qui a inspiré les manifestations «pro-démocratie» et le chef d’un groupe de personnalités en liaison avec des puissances étrangères à l’effet de nuire à la Chine.

Après la promulgation de la fameuse loi chinoise sur la sécurité qui contrevient aux dispositions dument fixées par l’acte portant rétrocession à la Chine de l’ancienne colonie britannique et l’arrestation, sans ménagement, des personnalités hongkongaises qui dénoncent ce «retour en arrière», quel sera donc l’avenir de Hong Kong? Attendons pour voir…

Nabil El Boussaadi

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