Thaïlande: La Cour Constitutionnelle dissout un parti d’opposition…

Ayant jugé que le prêt de 5 millions d’euros que Thanatorn Juangroongruangkit, célèbre homme d’affaires thaïlandais et leader de «Nouvel Avenir», avait bien voulu accorder à son parti durant la campagne électorale de 2019 allait à l’encontre des stipulations de la loi sur le financement des partis, la Cour Constitutionnelle de Thaïlande a dissous, ce vendredi ce  parti qui reste la principale formation d’opposition à la junte militaire au pouvoir à Bangkok et banni seize de ses dirigeants de la vie politique pour une durée de dix années.

Après avoir réuni 8 millions de voix lors des élections du printemps dernier, ce parti, fondé en 2018 et fortement plébiscité par la jeunesse thaïlandaise, est arrivé troisième aux élections de Mars 2019 en obtenant plus de 80 sièges au Parlement. Il est devenu une réelle menace pour la junte militaire qui, après être arrivée à la tête du pays à la faveur d’un coup d’Etat en 2014  et effectué un redécoupage de la carte électorale et une révision de la Constitution, n’avait pu s’y maintenir que de justesse en 2018 avec une majorité parlementaire négligeable de deux sièges. Mais, rapidement devenu l’ennemi public numéro un de la junte au pouvoir, «Nouvel Avenir» est immédiatement tombé sous le coup d’une vingtaine de procédures judiciaires.

Pour rappel, ce parti avait déjà échappé, en janvier dernier, à une première tentative de dissolution au motif – tellement «saugrenu» qu’il n’a pas tenu la route – que son logo, représentant un triangle inversé, indiquerait qu’il serait lié à la société secrète des «illuminatis». Mais si la dissolution de ce parti, décidée ce vendredi, reste inquiétante quant à l’évolution de la vie démocratique dans le pays, elle est, bien entendu, du pain béni pour les militaires au pouvoir sous la conduite du Premier Ministre, le général Prayuth Chan-ocha qui, en décembre dernier, avait déjà dû faire face à la plus grande manifestation que le pays ait connu depuis 2014 en réponse à une jeunesse qui, en étant avide de démocratie, réclame un «nouvel avenir».

Autant dire que, par la décision prise ce vendredi par la Cour Constitutionnelle, la junte militaire au pouvoir en Thailande se voit débarrassée, pour quelque temps, de son plus dangereux rival politique. Mais rien n’indique, toutefois, que la soldatesque thaïlandaise  s’arrêtera là alors qu’elle pourrait  emprisonner «pour financement illégal de parti politique» et pour de nombreuses années encore, celui qui était sur le point de créer une fondation pour l’Éducation et un Comité à l’effet de faire campagne pour des réformes politiques.

Ayant accueilli avec beaucoup d’amertume et une grande déception la décision prise par la Cour Constitutionnelle, les militants de «Nouvel Avenir» ont rapidement fait part de leur entière disposition à continuer le combat contre la junte militaire au pouvoir car si cette dernière peut dissoudre le parti, elle ne peut rien faire contre l’idéologie qu’il véhicule et contre ses militants.

Combien de temps encore va durer ce bras-de-fer entre une junte militaire éprise d’un ordre et d’un pouvoir absolus et une jeunesse thaïlandaise avide de liberté et prête à tout sacrifier pour l’émancipation et le progrès ? Attendons, pour voir…

Nabil El Bousaadi

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