Entretien avec Hicham Iraqi Houssaini, Directeur Général de Microsoft Maroc

Hicham Iraqi Houssaini vient d’être confirmé à son poste de Directeur Général de la filiale marocaine du géant planétaire des solutions informatiques. Il a pour mission de gérer, développer et dynamiser l’activité de Microsoft au Maroc, tout en contribuant à l’amélioration de l’éducation, l’employabilité et les e-services dans le cadre des projets philanthropiques de l’entreprise.

Microsoft occupe la 3e place dans la liste des meilleures marques mondiales en 2017, avec une valeur de marque avoisinant les 80 milliards de dollars. Qu’est-ce que cela vous inspire?

Depuis trois ans, Microsoft surfe sur une vague de transformation interne. Nous avons un nouveau C.E.O, Satya Nadella, qui a complètement révolutionné l’entreprise. La transformation digitale dont tout le monde parle, nous avons commencé à la faire en interne. Et les résultats financiers qu’on constate aujourd’hui, à travers la capitalisation boursière de la société ou la valeur de marque, n’est que la résultante du travail que Nadella opère à une échelle mondiale, où il est entrain de complètement «re-shifter» Microsoft en termes de choix stratégiques sur les produits, mais aussi en termes de culture. Aujourd’hui, on est en train de passer d’une entreprise qui était leader sur un certain nombre de segments à une autre qui s’ouvre à de nouveaux scénarios pour accompagner au mieux ses clients. C’est ce qui nous mène à avoir un positionnement rayonnant à l’international.

Au Maroc, sur quoi peut-on capitaliser pour tirer profit de la vague numérique?

Pour beaucoup, la transformation digitale est un buzz. Mais en réalité, elle est fondamentale pour permettre au Maroc de continuer à se positionner en tant que leader sur le continent et, pourquoi pas faire ce «saut de grenouille» en se basant sur cette transformation pour gagner en productivité et en compétitivité, et notamment gagner des places au classement Doing Business. La transformation digitale est fondamentale et le rôle de Microsoft, à travers son expérience globale cumulée sur 121 pays, est de partager ce retour d’expérience avec le gouvernement marocain, avec les entreprises leaders, les PME et les citoyens du Royaume pour les ramener à embrasser cette orientation. Nous disposons de tout ce qu’il faut pour y arriver. Le discours de M. le ministre (ndlr : discours de Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’économie numérique et des nouvelles technologies à Casablanca le 27 septembre dernier) nous a vraiment donné envie d’accélérer notre rythme pour accompagner le Maroc dans ce secteur.

Où en êtes-vous par rapport aux chantiers sur lesquels vous vous êtes engagés avec l’Etat?

Dans n’importe quelle classe, il y a les meilleurs et les gens qui aspirent à devenir meilleur. De belles réalisations ont été atteintes, comme c’est le cas pour la conservation foncière, avec le service e-foncier qui est innovant même à l’échelle internationale. Ils ont pris le courage d’aller transformer de manière digitale ce service là, ce qui est assez important, et on a travaillé avec la conservation foncière sur ce chantier-là. C’est exemple parmi tant d’autres, car nous accompagnons les ministères et administrations marocaines de notre mieux. Et aujourd’hui, avec le message de Sa Majesté le Roi Mohammed VI sur la digitalisation, tout le monde est mobilisé pour aller de l’avant, pour digitaliser les services et rendre la vie plus facile au citoyen.

Quelle valeur ajoutée peut-on espérer du nouveau Data center qui vient d’être inauguré à Témara, et dont vous êtes l’une des parties prenantes?

En fait, Microsoft est partenaire avec beaucoup d’acteurs, parfois même des entités qu’on ne connait pas intimement. Sur ce Datacenter en particulier, on n’a pas été impliqué de très près. C’est un pas qui est louable certes, mais chez Microsoft nous avons une autre vision de grandeur. Lorsqu’on parle de Data Center, c’est généralement de la superficie d’un terrain de foot et c’est quelque chose comme 400.000 serveurs. Ces moyens énormes sont ce qui nous permet de mutualiser, d’avoir des coûts très intéressant et une superpuissance de calcul pour aider à digitaliser des services qui sont, je dirai, à la limite de l’utopique.

Vous venez d’intervenir à la 2e édition de l’AITEX (Africa IT Expo) à Casablanca autour des tendances numériques disruptives pour l’entreprise. Vous en relevez quelles remarques?

Par exemple, comment l’intelligence artificielle (AI) peut permettre d’offrir de nouveaux horizons. Je peux évoquer un cas réel qu’on a mis en place avec Uber. Ils souhaitaient s’assurer de l’identité des chauffeurs, et nous avons collaboré avec eux sur ce qui relève de la reconnaissance faciale. Le chauffeur prend une photo, et l’application va chercher dans la base de données, vérifier son identité pour lui donner accès au service. En gros, ce sont des technologies comme l’AI, le blockchain, le big data, etc. qui n’étaient que des bases word et qui sont devenues aujourd’hui une réalité ; Microsoft les offre, prêts à l’emploi, à disposition de ses clients, entreprises et gouvernements. Microsoft ramène la durée de mettre en place un prototype Blockchain de trois semaines à quelques minutes. Je parle de services de reconnaissance faciale et vocale, etc. C’est des choses qui sont prêtes à être acquises et utilisés dans des scénarios plus avancés que ce qui se fait de nos jours.

Sur le volet sécuritaire, on remarque ces dernières années une croissance des «ransomewares». Quel est le degré d’exposition des entreprises marocaines et qu’offrez-vous dans ce sens?

Cette question est pertinente car aller sur la transformation digitale ne peut se faire qu’avec un renforcement de la sécurité pour donner confiance aux citoyens, entreprises et gouvernement. Il est clair que les attaques deviennent de plus en plus agressives parce que les retours sur investissement sont plus importants. A travers le temps on est passé des petits hackers qui s’y adonnaient pour le plaisir à des structures et des entreprises, puis à des pays carrément qui vont le faire pour des positionnements géostratégiques. Donc, à une attaque aussi structurée et développée il faut disposer de réponses adéquates. Microsoft investit près d’un milliard de dollars chaque année dans la sécurité informatique, pour améliorer nos mécanismes, nous mettre à jour et nous préparer aux attaques, mais une défense à 100% n’existe pas. L’important est d’avoir les mécanismes qui vous permettent de réagir rapidement et débloquer les informations vitales pour l’entreprise. Je vous donne un chiffre comme ça, en moyenne, une entreprise ne se rend compte qu’elle a été attaquée qu’après six mois de l’attaque. Microsoft donne les moyens aux entreprises pour être en veille par rapport aux attaques. Les techniques de mise en sécurité qu’on connaissait sont révolues. Firewall, password, et autres doivent être oubliés et n’ont plus de place dans le monde d’aujourd’hui. Il faut se remettre à jour et faire appel aux pionniers de la sécurité, ce qui est une assurance en soi. On ne se rend compte du coût de la sécurité et du retour sur investissement qu’elle offre que le jour où l’on subit une attaque et que nos systèmes arrivent à y faire face.

Comment se passe le déploiement de votre système d’exploitation phare «Windows 10» au Maroc?

Nous avons une excellente appréhension de Windows 10. Cependant, le challenge qui freine certaines entreprises pour migrer vers ce système d’exploitation est celui de la compatibilité des applications. Généralement, ce sont des applications qui ont été développées il y a des années de cela, et pour qu’elles puissent tourner sur Windows 10, c’est parfois challengeant. Les entreprises doivent faire un inventaire des applications, et des fois mettre à jour les bases de données et les librairies qui sont derrière, ce qui est compliqué. Mais c’est un chantier sur lequel on travaille avec les entreprises, car Windows 10 est l’une de nos réponses à la problématique de sécurité.

Pour conclure, Microsoft est un porte-étendard de la diversité intra-entreprise, et vous accordez à la femme un rôle prépondérant dans ce sens. Qu’en est-il pour Microsoft Maroc?

Tout à fait. La diversité est au cœur de nos préoccupations et on en parle au quotidien. D’ailleurs, la diversité est un indicateur sur lequel on effectue des benchmarking. Personnellement, la première question qui m’est posée lorsque je rencontre un responsable, un président ou vice-président de Microsoft, est : «quel est votre ratio de diversité au Maroc ?». C’est une donnée essentielle car nous sommes convaincus que c’est un facteur nécessaire pour l’émancipation collective, pour un Maroc qui bouge. Nous encourageons énormément les jeunes filles à intégrer le monde des nouvelles technologies et leurs offrons des perspectives très intéressantes.

Propos recueillis par: Iliasse El Mesnaoui

Exergue

«Microsoft ramène la durée de mettre en place un prototype Blockchain de trois semaines à quelques minutes».

«En moyenne, une entreprise ne se rend compte qu’elle a été attaquée qu’après six mois de l’attaque».

«Le challenge qui freine certaines entreprises pour migrer vers Windows 10 est celui de la compatibilité des applications».

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