10 ans après son décès, Mohamed Leftah renaît de ses cendres!

Le vibrant hommage rendu, vendredi 15 février au SIEL, à une grande signature et sommité de la littérature marocaine, Mohamed Leftah, fut l’un des moments forts de cette 25e édition. Auteur majeur et écrivain inclassable, il demeure méconnu par beaucoup de Marocains. Pour faire rayonner sa pensée, sa réflexion et son écriture, ses amis écrivains et éditeurs ont commémoré le 10e anniversaire de son décès. La maison d’édition «la Croisée des chemins» a réédité quelques titres de l’écrivain dont «Une chute infinie», une chronique éditée il y a 11 ans aux Éditions La Différence.  Par ailleurs, la jeune maison d’édition, Virgule Editions, basée à Tanger a édité deux ouvrages posthumes de l’écrivain, à savoir «Un chant au-delà de toute mémoire, essai sur l’œuvre d’Edmond Amran El Maleh» et «Florilège pour Hannah».

Ahmed Abbou, directeur de Virgule Editions : «Un devoir de mémoire»

«Cet hommage est un grand événement parce que Leftah est un grand écrivain qui est parti très tôt», confie d’emblée Ahmed Abbou, directeur de Virgule Editions. «Il n’a vécu sa gloire d’écrivain que deux ou trois années, sachant qu’il a écrit Demoiselles de Numidie en 2006, quatre ans avant sa mort en 2010», t-il-dit. Les amis de Leftah ont pris cette responsabilité de faire découvrir son œuvre parce qu’il n’a pas vécu assez longtemps après sa publication, poursuit-il. Ils se sont donnés pour mission de faire connaitre l’écrivain et son œuvre. «Leftah est un modèle, un exemple. La maison d’édition a édité ses deux inédits grâce à Mohammed Hamoudan qui  connait sa fille Nezha Leftah. « »Un chant au-delà de toute mémoire, essai sur l’œuvre d’Edmond Amran El Maleh » et « Florilège pour Hannah » sont les deux premiers livres parus. Viendront par la suite d’autres livres du même auteur», a-t-il affirmé.

Pour lui, le lecteur des deux livres va s’apercevoir qu’il s’agit d’une très grande littérature. Les deux livres, explique-t-il, s’opposent. «Florilège pour Hannah» est un livre de don et de transmission parce qu’il s’agit d’un livre écrit pour sa petite fille. Pourtant, «Un chant au-delà de toute mémoire, essai sur l’œuvre d’Edmond Amran El Maleh» est un livre de devoir de mémoire vis-à-vis d’un professeur qui est Edmond Amran El Maleh et qui était à la fois pour l’auteur le professeur et le maître. «On voit bien que Mohamed Leftah est un homme qui assume toutes ses responsabilité vis-à-vis des générations passées, c’est-à-dire des maîtres auxquels il est fidèle, mais il a la conscience de la transmission de toutes ces valeurs aux générations qui viennent. Ces deux livres sont des bijoux. Nous avons eu la chance de faire cette publication. Nous sommes entrain de préparer un colloque international autour de l’œuvre de Leftah auquel seront invités sa famille, ses amis et les amoureux de sa littérature», conclut-il.

Rachid Khaless: «Notre salut peut se faire grâce à la littérature»

La réédition des œuvres de Mohamed Leftah au Maroc est un événement extraordinaire, confie l’écrivain, poète et traducteur, Rachid Khaless. « Il y a des publications chez la Croisée des Chemins ; mais dans Virgule Editions, nous avons affaire à des œuvres inédites. Cette différence est de taille parce que tout simplement, elle permet de redécouvrir les textes publiés de Leftah, ainsi que les nouveaux textes que nous découvrirons pour la première fois, puisque la jeune maison d’édition a acquis les droits pour l’ensemble des textes de l’auteur», a-t-il indiqué. Pour lui, derrière l’hommage, il ne faut pas lire uniquement la célébration, mais aller plus loin dans la réflexion et surtout dans l’action.

Aujourd’hui, estime-t-il, s’il y a une question à se poser à propos de Mohamed Leftah, c’est de savoir comment diffuser largement sa pensée. «Leftah c’est quelqu’un qui écrivait dans une langue magnifique, mais c’était aussi un grand lecteur qui puisait dans l’héritage arabe particulièrement soufi. Il était ancré dans la littérature universelle. Mohamed Leftah estimait que notre salut peut se faire grâce à la littérature. C’est une pensée extrêmement profonde», a-t-il indiqué.

Mohammed Hamoudan: «La beauté de la langue pour combattre la laideur du monde»

Pour Mohammed Hamoudan, Leftah est un grand écrivain et styliste qui  travaillait la langue, c’est-à-dire qu’il avait le sens de la phrase et du mot.

Pour lui, Leftah avait une vision utopique au sens noble du terme au même titre que Jean Genet. «C’est la beauté de la langue qui permet de combattre la laideur du monde», souligne-t-il.

Selon Mohammed Hamoudan, l’œuvre de Leftah est aussi un travail baudelairien parce qu’il était un grand lecteur qui connaissait les grands poètes, écrivains et le patrimoine arabo musulmane. «Ce qui est important dans son œuvre, c’est ce dialogue entre l’occident et cette ère géographique qu’on appelle «le monde arabe». Ce dialogue est fait d’une manière extraordinaire et très émouvante», explique-t-il. En d’autres termes, il a ce don de faire dialoguer dans un seul roman plusieurs siècles : le passé et le présent.

Salim Jay: «Une réflexion  d’une finesse et de profondeur»

Depuis 2005, de nombreux manuscrits de Mohamed Leftah sont devenus des livres et malheureusement, Mohamed Leftah est mort et n’aura eu pas la chance de voir ses œuvres rééditées au Maroc, confie-t-il.  Les livres de Leftah, a-t-il ajouté, ne sont pas encore tous édités, mais c’est quand même un progrès de voir quelques uns de ses romans et de ses recueils de nouvelles enfin disponibles au bénéfice du public marocain, son public naturel. Pour lui, «Le Jour de Vénus» et «Un martyr de notre temps» sont deux livres qui prouvent sa prodigieuse connaissance de la personnalité marocaine. «Je suis toujours impressionné par ses livres», conclut-il.

Mohamed Nait Youssef

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