Farid Mezouar, directeur exécutif de FL Markets
la finance participative est un pan de la finance qui concerne notamment le marché boursier. Ainsi, la Bourse de Casablanca va se doter d’un indice conforme aux préceptes de la Sharia. En effet, la place casablancaise, a fait savoir récemment, que le projet de création de cet indice sera incessamment soumis au Conseil supérieur des Oulémas, la seule entité au Maroc habilitée à valider la conformité de l’indice. Cet indice permettra de mesurer la performance générale des entreprises participatives dites islamiques (fonds d’investissement islamique, banque et société d’assurance islamique…) cotées en bourse. En plus de ce nouvel indice, la Bourse de Casablanca a indiqué qu’elle réfléchissait, avec son comité scientifique, à la mise en place de nouveaux indices qui compléteront la nouvelle génération de sa gamme d’indices en faveur des acteurs de la place. Dans ce contexte, nous avons donné la parole à Farid Mezouar, directeur exécutif de Fl Markets pour nous livrer son analyse sur le lien entre la finance participative et le marché boursier.
Al Bayane: En préambule, quelle définition donnez-vous à la finance participative ?
Farid Mezouar: La finance participative/islamique est avant tout une finance. La différence par rapport à la finance classique est liée à l’assujettissement du mode de fonctionnement, des transactions et des produits financiers aux principes de la Charia selon des labels qui différents d’un pays à l’autre. Elle fait partie intégrante de la finance mondiale avec une taille estimée à environ 2.900 milliards de dollars.
Qu’en est-il de la pénétration de la finance participative au Maroc ?
Au Maroc, le secteur de la finance participative a du mal à démarrer après environ 5 ans de lancement. Ainsi, à titre d’exemple, le produit phare demeure le financement participatif destiné à l’habitat, sous forme notamment de Mourabaha immobilière. Ce dernier n’a atteint qu’un encours de 18 milliards de DH à fin août 2022, soit 7,6% du total des financements destinés à l’habitat. Aussi, le dispositif réglementaire a été poussif car nous venons à peine de boucler celui des Sukuk après celui du Takaful. De même, le marketing demeure timide sans référentiel religieux suggestif en l’absence de toute tentative de disruption.
Est-ce que a finance participative peut stimuler la Bourse de Casablanca ?
Il est difficile de se prononcer car les points positifs s’entremêlent avec certains aspects négatifs. Ainsi, en théorie, la finance participative amène de nouveaux investisseurs en Bourse qui évitent les actions actuelles pour des considérations religieuses. En effet, plusieurs investisseurs posent des questions sur l’endettement de certaines sociétés ainsi que sur le caractère conforme ou non de leurs activités. Certaines estimations ont évoqué un potentiel de croissance des investissements boursiers entre 10% et 20% en provenance de la finance participative. Toutefois, un essor trop important de la finance participative, peut segmenter le marché boursier entre valeurs licites et celles qui ne sont pas éligibles sans parler de la concurrence potentielle des Sukuk.
Quels sont les critères d’éligibilité des actions à la finance participative ?
Au niveau mondial, l’éligibilité d’une action à un investissement conforme à la Charia, exige le respect de certains principes qui sont à titre non exhaustif : l’interdiction de l’intérêt « Riba » avec des ratios maximums d’endettement, la prohibition de toute spéculation dans l’activité de l’émetteur et l’interdiction de financement des secteurs illicites (les paris, l’alcool, l’élevage porcin, l’armement…). Au Maroc, c’est le Conseil Supérieur des Ouléma (CSO) qui est habilité à émettre un avis sur la conformité des opérations et de l’activité par rapport aux normes charaïques.
Quid des indices boursiers Charia Compliant ?
Effectivement, les indices boursiers Charia Compliant permettent de simplifier la vie autant pour les investisseurs que pour les gérants. Au niveau mondial, même Dow Jones et S&P ont produit des indices boursiers Charia Compliant comme le montre l’exemple du Dow Jones Islamic Market Index. qui comporte certaines valeurs éligibles comme Apple ou Microsoft. Par ailleurs, à un titre individuel, l’investisseur peut opérer par un filtrage sectoriel combiné au respect de certains ratios.