La bâtisse du cinéma au Maroc s’effondre à petits feux. Après des années de floraison de cet édifice magique, ses unités s’effilochent comme des fétus de paille, les unes après les autres, partout sur le territoire du royaume.
Dans la capitale économique où on comptait environ deux cents cinémas, éparpillés dans presque tous les quartiers les plus populaires de la cité, le nombre s’est réduit à environ le quart. Les Beaulieu, Vox, Mondial, Familia, ABC, Empire…, ne sont plus que des souvenirs, renvoyant au bon vieux temps bien révolu. Dans d’autres villes du pays, le même sort s’abat sur les cinéphiles, au point de s’en trouver à, à peu près, une cinquantaine de cinémas qui vivotent encore dans la précarité.
Un constat des plus déplorables, d’autant plus que la production cinématographique nationale s’est nettement améliorée, en revanche, par l’entrée en lice d’une pléiade de cinéastes marocains ou encore maroco-européens qui émergent d’une manière éclatante, à travers leur création, rivalisant avec les grands ténors du « septième art ». Il est bien évident que la technologie du digital, sous toutes ses formes, a sérieusement affecté le traditionnel spectacle dans les salles obscures qui faisaient également office de prestations de théâtre, de musique et de meeting politique, drainant les grandes foules, tels Kawakib ou encore Mauritania, toujours à Casa.
Cependant, on ne saurait non plus occulter les endurances des propriétaires d’établissements cinématographiques qui ne parviennent plus à joindre les deux bouts. Les charges quotidiennes et les disparitions accentuées du public ont fait que les salles se détériorent et les passions se raréfient, au fil des jours. Il faut dire également que l’Etat et les institutions représentatives de telle ou telle contrée, se montrent terriblement impassibles à cette dégradation lamentable. Visiblement, le cinéma dans sa dimension instructive et distrayante est relégué au second plan, comparativement aux exigences prioritaires de la voierie, de l’éclairage public, du revêtement des ruelles, de la collecte des ordures ménagères…
Une priorité certes, mais le cinéma, porteur de charges universelles, n’en est nullement aussi secondaire, comme le conçoivent les décideurs, dans la construction de l’individu et de la communauté, en termes de forgement de la personnalité et de la préparation à l’avenir. «Si on aime la vie, on va au cinéma !», disait la fameuse citation de naguère.
En fait, l’art du cinéma, à l’instar des autres volets artistiques, n’est jamais relégable à l’indifférence dans une société qui respecte son élément essentiel qu’est l’Homme. Cette réalité est, de plus en plus tangible et dont les nations démocratiques font le cheval de bataille pour l’émancipation de leurs peuples. Car la démocratie c’est également le droit de se cultiver, se former et se divertir. Pour ce faire, le quota de la «Culture», actuellement dérisoire, doit se hisser à des montants suffisants et non pas de 0,0 et des poussières du budget général de l’Etat !