Le corps et le grotesque dans les célébrations populaires

extérieure, via les habits, le comportement et l’expression par le geste, la simulation et d’autres procédés.

Le corps use du masque – de différents types et dimensions – pour changer d’aspect ou pour créer  une forme différente, étrangère qui produit l’horreur et le rire en même temps. Il utilise, pour cela, des techniques multiples dont le surnom, l’emphase et la dissimulation.
a) Le moule
Parmi les techniques importantes utilisées lors de l’opération de travestissement et de déformation au cours des célébrations populaires, figure le moule, considéré par Bakhtine comme le pilier du carnaval.
Abdellah Hammoudi affirme, à propos du festival Bouyilmawn : «L’homme se dénude entièrement et ne garde qu’un caleçon. Il est obligé de porter ces peaux non lavées et non propres sur sa chair, à commencer par celle qui jouera le rôle de «pantalon»…Les testicules et la ceinture de l’animal sacrifié sont mis au derrière. Cette posture est liée au fait que tout est à l’envers. «Ils lui font tout de travers», nous explique t-on.
De même au festival d’Imaâchar, l’on porte de travers «les habits, le devant est derrière, la face est au dos, le bas est en haut».
b) L’exagération
Plusieurs célébrations amazighes exposent une grande défiguration des membres corporels, particulièrement les membres sexuels, comparable au convoi dionysossien relatif aux rites de fertilité. Elles se focalisent sur l’exagération de l’aspect des membres dont la défiguration est amplifiée par leur volume et leur aspect, dès qu’ils entrent en mouvement.
Dans le festival d’Imaâchar, l’on «plie les habits dont on s’est accoutré au niveau du ventre et du derrière…de telle sorte que ces parties du corps apparaissent gonflées et exagérées. Le ventre se gonfle et retombe sur la ceinture qui le renforce. Ces parties du corps sont mises en relief. Le derrière l’est de manière exagérée. Il attire et plait si la personne se met à danser, individuellement ou de façon collective».
Quant à la supercherie de Bouyilmawn, un des acteurs met un pantalon «en cire, jaune et brillant qui dépasse en volume son corps, avance en glissant par terre et donnant l’impression de marcher dans un sac».
c)- fragmentation
Le travestissement chez plusieurs acteurs dans les célébrations amazighes repose sur la fragmentation du corps et sa décomposition, en plus d’en donner une image désintégrée et décomposée qui semble conférer une autonomie aux membres, un corps chargé de «significations de décomposition, de dextérité, de célérité et de mouvement».
Au festival Berkachou, le corps de l’acteur principal est entièrement couvert de feuilles de palmier, «de tissus semblables à un tissage épuré, existant entre les écailles du palmier mal cueilli et asséché auparavant, longuement sous la chaleur du soleil…(et) une longue ceinture débordante entourant le bas ventre, de telle façon que les organes sexuels soient visibles». Et dans la célébration «Bachikh» dans le Rif, certains acteurs lacent …des moutons sur leurs mains, de manière à ce qu’elles se meuvent et bougent de façon autonome par rapport au corps. Ils en reprennent le contrôle, de temps à autre, quand ils ont besoin de toucher un enfant, une personne ou pour les utiliser comme moyen de défense contre les spectateurs ou contre d’autres acteurs.
*(Chercheurs à l’IRCAM)

Top