Le mémorandum de la Banque mondiale sur «Le Maroc à l’horizon 2040: capital immatériel et les voies de l’émergence économique», continue de faire des vagues. Cette fois-ci, c’est le Groupe parlementaire de l’UMT à la Chambre des conseillers qui a tiré à boulets rouge sur ce document, lors d’une journée d’études organisée, hier mercredi, en collaboration avec le CERAB.
Depuis sa publication, en avril dernier, les critiques ont fusé de toutes parts, mettant à l’épreuve la crédibilité de la Banque mondiale, indique d’emblée Amal El Amri, présidente du Groupe de l’UMT. Mais c’est surtout le secrétaire général de cette centrale syndicale qui n’a pas fait dans la dentelle en émettant des réserves catégoriques sur les conclusions du rapport. Miloudi Moukharik ne cache pas sa «grande déception» face à l’approche adoptée par les équipes de la Banque mondiale pour élaborer le mémorandum. Il leur reproche de ne pas avoir consulté le mouvement syndical. Pour Moukharik, il est inconcevable que les syndicats n’aient pas été impliqués dans ce chantier. «Cela veut dire que le rapport n’a pris en considération qu’une partie des avis formulés. Or, c’est la classe ouvrière, représentée justement par le mouvement syndical, qui fait tourner l’économie», a-t-il déploré.
La nouvelle directrice de la Banque Mondiale pour les pays du Maghreb, Marie-Françoise Marie-Nelly, rejette cette accusation. Elle affirme que le mouvement syndical a bel et bien été consulté dans la mesure où l’équipe de la Banque mondiale a sollicité l’avis du CESE où l’UMT est largement représentée. La réplique de l’UME ne s’est pas fait attendre. Amal El Amri considère que l’avis du CESE ne reflète pas obligatoirement la position de sa centrale syndicale.
Au-delà de cette remarque de forme, le patron de l’UMT relève d’autres failles au niveau des recettes proposées par la Banque mondiale. Il se dit extrêmement choqué par certaines propositions pouvant porter atteinte à la cohésion sociale. Parmi ces recommandations, celle préconisant la flexibilité du travail. Il s’agit, selon Moukharik, d’un appel déguisé à faciliter le licenciement des salariés. «Ce qui risque d’exposer les salariés à la pauvreté et à l’exclusion sociale», prévient-il.
L’appel de la Banque mondiale à revoir à la baisse le SMIG n’est pas non plus du goût du secrétaire général de l’UMT.
«Dans ce mémorandum, le SMIG est jugé trop élevé alors que toutes les études ont montré qu’il n’est pas appliqué dans le secteur formel, et pas uniquement dans le secteur formel comme le souligne la Banque mondiale», souligne Moukharik. Pour lui, cette recommandation frappe de plein fouet les acquis dans le domaine des droits des travailleurs. Dans le même ordre d’idées, Mohamed Chiguer, président du CERAB, s’interroge aussi si une volonté de réduire les recrutements ne se cache pas derrière l’appel de la Banque mondiale à moderniser l’administration. Moukharik fustige d’autres propositions, comme celle visant la limitation du droit de grève et la refonte du mode de rémunération des heures supplémentaires.
Les économistes qui ont pris part à cette rencontre ont également critiqué les conclusions de la Banque mondiale. Mohamed Chiguer met en cause l’objectivité du diagnostic établi. Pour lui, le constat de la Banque mondiale n’est ni plus ni moins qu’une évaluation des politiques publiques, ne reflétant pas la réalité. Ahmed Azirar, professeur président de l’Association marocaine des économistes d’entreprises n’y va pas non plus par quatre chemins pour critiquer la Banque mondiale. Pour lui, le mémorandum de cette institution n’apporte rien de nouveau à ce qui a été soulevé dans le rapport du cinquantenaire de 2005. Aucune vision claire de nature à favoriser l’émergence du Maroc ne s’en dégage, estime-t-il. Mais le comble de l’ironie, s’insurge Mohamed Chiguer, est que le mémorandum recommande l’adoption d’un nouveau modèle de développement économique alors que celui appliqué actuellement n’a pas porté ses fruits, bien qu’il comporte les recettes de la Banque mondiale.
Hajar Benezha